Malgré le cessez-le-feu au Liban, Benyamin Netanyahou menace toujours la région
Pierre Barbancey
L'Humanité du 27 novembre 2024
Le premier ministre israélien a été contraint d’accepter une trêve, mais il compte en profiter pour réarmer ses soldats, se tourner vers l’Iran, poursuivre sa guerre génocidaire à Gaza et le nettoyage ethnique de la Cisjordanie. Paris n’entend pas l’arrêter sur le sol français, en dépit du mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale.
C’est bien contraint et forcé que Benyamin Netanyahou a approuvé un accord de cessez-le-feu, à en juger par le ton employé et surtout les propos tenus lors de son allocution télévisée mardi soir. Quelques heures auparavant, son cabinet de sécurité avait approuvé, une fois n’est pas coutume, l’accord mis au vote.
Dix ministres ont suivi le chef du gouvernement israélien. Un seul, le ministre d’extrême droite de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, s’est prononcé contre, jouant ainsi pleinement son rôle d’aiguillon pour la poursuite de la colonisation et, in fine, l’annexion des territoires palestiniens.
Ce cessez-le-feu comprend plusieurs étapes. La première implique la cessation des combats entre les parties et le retrait du Hezbollah vers le nord. Israël se retirera alors du sud du Liban. Puis, les deux parties, Israël et le Liban, ouvriront des négociations sur leur frontière terrestre, que l’on appelle la « ligne bleue ».
Une menace de réponse si le Hezbollah viole la trêve
Lors de son discours, Netanyahou a averti que le pays « répondra » si le Hezbollah viole la trêve et conservera une liberté d’action « totale » au Liban. Tout se passe comme si le gouvernement israélien attendait le moindre prétexte pour reprendre ses activités guerrières. « Si le Hezbollah viole l’accord et tente de se réarmer, nous attaquerons », a-t-il promis. « S’il tente de reconstruire l’infrastructure terroriste près de la frontière, nous attaquerons. S’il tire une roquette, s’il creuse un tunnel, s’il fait entrer un camion avec des missiles, nous attaquerons. »
Dans un communiqué commun, les présidents états-unien et français, Joe Biden et Emmanuel Macron, ont affirmé que leurs pays « travailleront avec Israël et le Liban pour assurer que cet arrangement soit pleinement mis en œuvre et appliqué, et nous restons déterminés à empêcher que ce conflit ne se transforme en un autre cycle de violence ».
Une déclaration qui vise, surtout pour Paris, à marquer sa présence, alors que ces derniers jours, Israël a tout fait pour empêcher la France d’être partie prenante de l’accord, notamment en refusant jusqu’au dernier moment la présence de Paris dans le mécanisme de surveillance.
Comment Emmanuel Macron a-t-il pu infléchir la position israélienne ? Le quotidien Haaretz note que la position française s’agissant de l’application du mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI), le 21 novembre, a étrangement varié. Le premier ministre, Michel Barnier, avait indiqué que la France respecterait « rigoureusement » la demande de la CPI.
« Mais, dans une déclaration écrite ultérieure, le ministère français des Affaires étrangères a fait valoir que Netanyahou et d’autres personnes concernées bénéficiaient de l’immunité parce qu’Israël n’est pas membre de la cour. Il a dit que cela serait ”pris en considération si la CPI devait nous demander leur arrestation et leur remise” » rapporte le journal israélien, citant une déclaration du Quai d’Orsay. Dans la foulée, on a d’ailleurs appris que Netanyahou allait faire appel de la décision de la CPI.
Se concentrer sur la menace iranienne
En attendant, cette trêve au Liban permettra à Tel-Aviv de « se concentrer sur la menace iranienne » et à l’armée israélienne de se reposer et de reconstituer ses stocks d’armes. Netanyahou ne l’a pas caché. « Il y a eu des retards, et des retards importants, dans les livraisons d’armes », a-t-il souligné, ajoutant : « Et ce retard sera bientôt rattrapé. »
Une allusion à peine masquée à l’arrivée prochaine de Donald Trump à la Maison-Blanche. Il est néanmoins largement soutenu par Joe Biden, pour qui le cessez-le-feu « est conçu pour être un cessez-le-feu permanent », tout en soulignant que « ce qui reste du Hezbollah ne sera plus autorisé à menacer la sécurité ».
En réalité, ce cessez-le-feu n’est pas du tout ce que Netanyahou recherchait. Mais, d’une certaine manière, cela lui permet de faire le silence sur l’échec de sa stratégie. Certes, tous les villages libanais situés à la frontière avec Israël ont été détruits au moins à 70 % mais ses troupes, confrontées aux combattants du Hezbollah, n’ont pas pu progresser comme elles le souhaitaient et n’ont pas pu atteindre le fleuve Litani, cette frontière nord du Grand Israël auquel rêvent encore le premier ministre israélien et ses alliés d’extrême droite.
Alors que l’armée libanaise a déclaré avoir « commencé à renforcer sa présence » dans le sud du pays, le Hezbollah a annoncé qu’il allait coopérer avec l’État libanais pour ce déploiement. Une information importante qui montre que le mouvement chiite, bien qu’affaibli, se place résolument dans une vision nationale. L’homme fort n’est autre que le président du Parlement, Nabih Berri, qui a servi d’intermédiaire pour sceller ce cessez-le-feu. Une nouvelle page s’ouvre, à commencer par la réinstallation dans les zones détruites de la population qui a fui les bombardements israéliens. Nabih Berri les a d’ailleurs appelés à retourner chez eux, même s’ils doivent « vivre sur les ruines » de leurs maisons (lire notre reportage ci-contre).
Quid de la Palestine
Cet accord pour un cessez-le-feu a été accueilli par l’ensemble de la communauté internationale, avec des commentaires différents. « Nous voyons de façon positive tout accord qui permettrait d’arrêter la spirale de violence, qui puisse arrêter l’effusion de sang au Liban et empêcher l’expansion des hostilités. Mais ils doivent pouvoir fonctionner réellement », a ainsi déclaré la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova. L’Iran a salué « la nouvelle d’un arrêt de l’agression du régime sioniste contre le Liban », tout en appelant la communauté internationale à « faire pression » sur Israël pour mettre fin à la guerre dans la bande de Gaza.
C’est évidemment la question qui est maintenant posée. Pourquoi ce qui a été possible au Liban ne le serait-il pas pour le territoire palestinien soumis à une politique génocidaire ? « Le Qatar se félicite du cessez-le-feu conclu au Liban et espère un accord similaire pour mettre fin à la guerre en cours dans la bande de Gaza et aux assauts israéliens en Cisjordanie occupée », a déclaré le ministère des Affaires étrangères à Doha.
Tel-Aviv entend profiter de cette trêve pour renforcer ses positions à Gaza et poursuivre son nettoyage ethnique en Cisjordanie. Histoire de préparer le terrain et le feu vert de la nouvelle administration américaine pour l’annexion pure et simple de l’ensemble des territoires palestiniens.