Mettre fin à l’occupation et à la colonisation, pour l’État palestinien

Publié le par FSC

Robert Kissous, militant associatif, économiste.
L'Humanité du 31 octobre 2024

 

Le 30 décembre 2022, l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU) adoptait une résolution (87 voix pour, 26 contre et 53 abstentions) demandant à la Cour internationale de Justice (CIJ) de rendre un avis consultatif sur les questions suivantes :

« a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ?

b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées ci-dessus ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ? »


La Cour internationale de Justice a rendu son avis consultatif le 19 juillet 2024 qui indique notamment :


Israël doit mettre fin à sa présence illicite dans le Territoire palestinien occupé (TPO) dans les plus brefs délais, évacuer tous les colons, réparer les préjudices causés à toutes les personnes physiques ou morales concernées. Les États ne doivent pas aider Israël à maintenir sa présence dans le TPO. L’Onu, et en particulier l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, est appelée à examiner les mesures supplémentaires nécessaires pour mettre fin dans les plus brefs délais à la présence d’Israël dans le TPO.


S’appuyant sur l’avis consultatif de la CIJ, l’Assemblée Générale des Nations Unies (AGNU) adoptait le 18 septembre 2024 par une majorité écrasante (124 pour, 14 contre et 43 abstentions) une résolution importante. Parmi les 124 pays il y a une quinzaine de pays européens dont la France, la Belgique, l’Espagne, le Portugal, la Grèce, l’Irlande, la Norvège… et une majorité de pays du Sud.

La résolution de l’AG rappelle ou précise des points importants :

 

  • L’armée israélienne et les colons doivent quitter le TPO au plus tard le 18 septembre 2025. Israël doit démanteler les parties du Mur situées dans le TPO
     
  • Le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, à un État indépendant et souverain sur l’intégralité du TPO, n’est pas négociable, il ne peut être soumis à conditions par Israël, la puissance occupante
     
  • Une conférence internationale, sous l’égide de l’Onu, pour la mise en œuvre de la solution à deux Etats est décidée et devrait se tenir dans la session actuelle de l’AG (en principe d’ici fin 2024)
     
  • Les Etats sont appelés à prendre des sanctions si Israël ne se retire pas du TPO dans le délai fixé :
     
    • Ne pas entretenir de relations économiques ou commerciales avec Israël qui seraient de nature à renforcer la présence illicite d’Israël dans le TPOprendre des mesures pour empêcher leurs ressortissants, entreprises et entités sous leur juridiction de se livrer à des activités qui soutiennent l’occupation israélienne
    • Cesser d’importer des produits provenant des colonies israéliennes
    • Cesser le transfert d’armes, de munitions et d’équipements vers Israël dans les cas où il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’ils pourraient être utilisés dans le TPO
    • Mettre en œuvre des sanctions contre les personnes et entités impliquées dans le maintien de l’occupation et de la colonisation
    • Établir un mécanisme de suivi des violations par Israël de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de ségrégation raciale et d’apartheid, abroger toutes lois et mesures discriminatoires à l’égard du peuple palestinien
    • Israël doit mettre en œuvre les obligations énoncées dans les ordonnances rendues par la CIJ relatives à la répression du crime de génocide (Afrique du Sud c. Israël)
    • Israël doit réparer les préjudices causés depuis le début de l’occupation en 1967


Encore une résolution qu’Israël ne respectera pas. Assurément, nul ne peut en douter. Le représentant d’Israël l’a d’ailleurs qualifié de « terrorisme diplomatique ». Rien d’étonnant de la part d’un État voyou qui n’a que mépris pour le droit international et pour l’Onu. Mais alors pourquoi y reste-t-il ?
En s’appuyant sur le droit international, la résolution tend à mobiliser les États. Elle ne remplace pas la résistance populaire organisée, armée ou non-violente, qui est le facteur principal de tout mouvement de libération nationale.

La conférence internationale


L’Assemblée Générale a décidé la tenue d’une conférence internationale au cours de sa session actuelle qui se termine fin décembre 2024 afin de mettre en œuvre la solution à deux États pour parvenir à une paix juste, durable et à la stabilité régionale au Moyen-Orient.
Dans cette démarche la résolution annonce d’emblée l’existence non négociable de l’État de Palestine et non de négocier sa création au terme d’un processus comme dans les accords d’Oslo.
Le 23 juillet 2024, dans une déclaration faite à Pékin, tous les 14 partis politiques palestiniens appelaient à la constitution d’un État palestinien souverain sur les territoires occupés par Israël lors de la guerre de juin 1967 – Cisjordanie, Gaza, Jérusalem-Est – conformément aux résolutions de l’ONU.
147 pays ont reconnu l’État de Palestine sur les frontières de 67 :

Gaza et Cisjordanie avec Jérusalem-Est comme capitale. Le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, à un État indépendant et souverain sur l’intégralité du TPO, non soumis à conditions par Israël, la puissance occupante.
 

La France n’a toujours pas reconnu l’État de Palestine alors qu’elle a voté cette résolution : exemple type de l’incohérence de la politique française.

Les sanctions par les États


L‘Onu ne dispose pas de moyens hormis le concours des États d’où l’importance des mesures et sanctions qu’ils sont appelés à prendre.
Divers pays ont émis dans le passé des recommandations et conseils pour se prémunir du risque de violation du droit international. Mais dans la résolution il est demandé de prendre des mesures concrètes et pas simplement des recommandations.


124 États ont voté pour la résolution ce qui laisse penser qu’ils soutiennent les sanctions préconisées dans la résolution et qu’ils les appliqueront.
L’économie israélienne contribue pour une bonne part à la colonisation et l’occupation. Les banques israéliennes financent les colonies dans tous les domaines : investissements d’entreprises, infrastructures, services publics, achats de logements… Les actionnaires des entreprises impliquées dans les activités dénoncées peuvent également être recherchés.


Des binationaux Français habitent dans des colonies, d’autres font l’armée dans les TPO, y tiennent des check-points. Des clubs sportifs de colonies participent à des rencontres internationales, des universités ou universitaires cherchent une coopération internationale alors qu’ils coopèrent avec l’armée israélienne.


L’avis de la CIJ du 19 juillet 2024 a déjà produit des effets. Un cas tout à fait récent : la société norvégienne Storebrand retire son investissement de Palantir fournisseur états-unien à l’armée israélienne pour la « surveillance » en Cisjordanie et à Gaza.
Passer du BDS assumé par des personnes physiques ou des organisations à des sanctions par de nombreux États serait un pas très important. Il ne convient pas de considérer ces sanctions étatiques comme acquises tant les pressions seront fortes venant des États-Unis.


En Irlande un projet de loi interdisant le commerce avec les colonies israéliennes, bloqué depuis 6 ans par crainte des réactions de la Commission européenne, pourrait enfin voir le jour. Et la France ? L’avis de la CIJ pourrait être pris en compte dès maintenant sans attendre 12 mois.


La France a adopté cette résolution. Elle doit la mettre en œuvre.

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