« Quelle est la solution ? » : quand Israël bombarde les espoirs de cessez-le-feu au Liban

Publié le par FSC

Ce matin les médias annoncent un cessez-le-feu imminent dans la journée même.

Soyons prudents en attendant !

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Pierre Barbancey
L'Humanité du 25 novembre 2024

 

Des flammes et de la fumée s’échappent d’un bâtiment juste après un bombardement israélien, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 22 novembre 2024. © Str/Xinhua/ABACAPRESS.COM

 

Tel Aviv frappe le Liban sans discontinuer y compris en plein cœur de Beyrouth tuant des dizaines d’habitants. Pendant ce temps, les propositions pour un cessez-le-feu sont en discussion. Le Hezbollah y est favorable mais Benyamin Netanyahou préfère poursuivre sa guerre sans fin.


Après avoir détruit Gaza, Israël tente maintenant d’annihiler le Liban. Les bombardements contre les zones civiles s’intensifient d’autant plus que l’invasion terrestre de l’armée israélienne dans le sud du pays est considérablement ralentie par les combattants du Hezbollah. L’organisation chiite libanaise montre ainsi que, malgré les coups reçus et notamment l’assassinat de plusieurs dirigeants de haut rang, dont Hassan Nasrallah, elle n’a pas perdu sa capacité de résistance.


« Pour ceux qui prétendent que notre soutien à Gaza a donné à Israël un motif pour attaquer le Liban, non, Israël n’en a pas besoin », a fait savoir Naïm Qassem, le nouveau numéro 1 du Hezbollah, le 20 novembre dernier, lors d’un discours. « Nous avions accepté la proposition Biden-Macron le 23 septembre (date du début des opérations terrestres israéliennes, NDLR) en pensant qu’une solution pourrait être trouvée pour mettre fin à l’agression. Mais ils ont assassiné notre secrétaire général le 27 septembre et cette bataille s’est poursuivie ».

Un refus de cessez-le-feu de la part de Tel Aviv « pourrait créer 100 problèmes »


Naïm Qassem a également expliqué la stratégie du Hezbollah. « La résistance n’est pas une armée, elle n’œuvre pas à empêcher l’ennemi d’avancer. La résistance le combat partout où il avance pour lui infliger des pertes ». Les affrontements ont lieu directement sur le terrain mais aussi par des tirs de roquettes et de missiles ou l’envoi de drones directement en territoire israélien. Le secrétaire général du Hezbollah affirme que « la résistance a la capacité de continuer ce rythme pendant une longue période. »
Il pose néanmoins la question : « quelle est la solution ? ». Il évoque la proposition de négociation que le Hezbollah a reçue. Celle-ci, élaboré par les États-Unis, comporte 13 points prévoyant notamment une trêve de 60 jours et le déploiement de l’armée dans le sud du Liban.


Tout en refusant d’entrer dans les détails de la réponse – « Nous avons décidé de ne pas parler dans les médias du contenu de l’accord ou de nos observations. Nous avons choisi de mener cette discussion discrètement, pour voir si elle aboutira à un résultat » – il a révélé que les observations de son mouvement avaient été transmises au président du parlement, Nabih Berri, par ailleurs à la tête du mouvement chiite, Amal. Ce qui, pour Naïm Qassem témoigne d’une volonté libanaise de parler d’une même voix et l’ensemble des observations envoyées à l’émissaire américain dans la région, Amos Hochstein.


Ali Hassan Khalil, un aide de Nabih Berri, a cependant confirmé la semaine dernière que le Liban avait « présenté ses commentaires sur le document dans une atmosphère positive ». La balle était désormais dans le camp d’Israël, Khalil insistant sur le fait qu’un refus de Tel Aviv, « pourrait créer 100 problèmes ».

Au moins 3 754 personnes tuées au Liban depuis octobre 2023


Mais n’est-ce pas précisément ce que cherche Israël ? « En septembre, je suis venu et j’espérais encore que nous pourrions empêcher une guerre ouverte d’Israël contre le Liban. Deux mois plus tard, le Liban est au bord de l’effondrement », a dénoncé, le 24 novembre, Josep Borrell, Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères. « Nous devons faire pression sur le gouvernement israélien et maintenir la pression sur le Hezbollah pour qu’ils acceptent la proposition américaine de cessez-le-feu », a-t-il même ajouté.


Le même jour, dimanche 24 novembre, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, Geir Otto Pedersen, en déplacement à Damas, jugeait, « extrêmement important » de mettre fin aux guerres au Liban et à Gaza pour éviter que la Syrie ne soit entraînée dans une guerre régionale.
La veille, 84 personnes avaient été tuées dans des frappes israéliennes dans différentes parties du Liban dont 29 par un raid ayant ciblé un quartier populaire du centre de Beyrouth, semant l’effroi parmi la population. Selon le ministère libanais de la Santé au moins 3 754 personnes ont été tuées depuis octobre 2023, la plupart depuis septembre de cette année. Côté israélien, 82 militaires et 47 civils ont été tués en 13 mois.


Ce qui n’a pas empêché le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, dans une naïveté confondante, d’appeler toujours ce 24 novembre, Israël et le Liban à se saisir d’une « fenêtre d’opportunité » qui s’ouvrait afin de conclure un cessez-le-feu.
Une position molle, non persuasive que l’on comprend mieux lorsque l’on écoute la réponse de Barrot interrogé, après l’émission du mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) délivré contre Benyamin Netanyahou et sur le fait de savoir si ce dernier serait interpellé s’il se rendait en France. « C’est une question hypothétique à laquelle je n’ai pas à répondre tant qu’elle est hypothétique ». Mais « la France appliquera toujours le droit international », a-t-il ajouté, précisant que ce mandat était la « formalisation d’une accusation » et non un jugement. C’est ce qu’on appelle une valse-hésitation.


Le ministre américain de la Défense Lloyd Austin a lui réitéré « l’engagement » des États-Unis en faveur d’une « solution diplomatique au Liban », lors d’un échange avec son homologue israélien qui a affirmé que son pays continuerait d’agir « avec détermination » contre le Hezbollah.

Vers « un no man’s land inhabitable tout le long de la frontière » ?


On décèle là un message subliminal délivré par Washington à Tel Aviv que l’on pourrait exprimer ainsi : « Il va falloir bientôt arrêter alors dépêchez-vous d’atteindre votre but ». De son côté, Israël Katz, ministre israélien de la Défense a redit que son pays « continuera d’agir avec détermination » et de « cibler les infrastructures terroristes du Hezbollah et éliminer les dirigeants terroristes » pour permettre à la population du nord d’Israël de rentrer chez elle.


Itamar Ben Gvir, ministre (d’extrême droite) de la Sécurité nationale, est venu à sa rescousse, arguant qu’un accord avec le Liban serait « une grosse erreur » et « une occasion historique manquée d’éradiquer le Hezbollah ». Quand on sait que cet homme détient l’un des clés qui permet à la coalition au pouvoir – et donc à Netanyahou – de rester en place, on comprend que ses désirs sont quasiment des ordres.


Selon Hachem Haïdar, président du Conseil du sud, l’institution libanaise chargée d’évaluer les dégâts, près d’une vingtaine de villages proches de la frontière entre le Liban et Israël ont été détruits à 70 % (soit 45 000 bâtiments à usage d’habitation) depuis le 23 septembre. Tenus en échec par les forces du Hezbollah, l’armée et le gouvernement israéliens sont peut-être en train de modifier leur objectif final.
En lieu et place d’une occupation, il s’agirait sans doute de « créer un no man’s land inhabitable tout le long de la frontière », comme l’a affirmé à l’AFP Peter Harling, fondateur de Synaps, un centre de recherche basé à Beyrouth. Les autorités libanaises ont accusé Israël d’avoir brûlé des régions boisées et des terres agricoles dans le Sud en les bombardant au phosphore blanc.

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