CGT : une crise, oui, mais quelle crise ?
Déclaration du Front syndical de classe
Les faits sont connus : après plusieurs semaines et plusieurs réunions la direction de la CGT (CE et CCN) n’est pas parvenu à un accord à propos de la succession du secrétaire général de l’organisation. La décision étant repoussée à l’automne puis soumise au vote des participants du 50ème congrès de mars 2013.
Il y a bel et bien crise au sommet de la CGT, pour la plus grande joie de beaucoup de médias et pour le plus grand désarroi de nombreux militants et travailleurs qui voient qu'il se passe quelque chose "là-haut" sur lequel ils n'ont semble-t-il pas de prise ou de pouvoir.
Mais de quelle nature est cette crise? Question de personnes, d’ego ? Simple question de méthode et de calendrier ? Ou bien d’autres questions beaucoup plus déterminantes ne sont-elles pas en jeu ?
● Question de démocratie syndicale
Pour quelles raisons, y compris compte tenu du blocage actuel, le débat devrait-il être confiné aux seuls organes de direction ? Alors que le 50è congrès se profile, l’ensemble des structures (UL, UD, Fédé, Unions syndicales, retraités, chômeurs …, l’ensemble des militants) n’ont-ils pas leur mot à dire et ne devraient-ils pas être consultés au lieu d’être confinés au rôle de spectateur informés le plus souvent par des médias externes à l’organisation ? Qu'est-ce qui oppose sur le fond les différents candidats officiels ou présentés comme tels ? Qu’est-ce qui en matière d’orientation sépare la candidature soutenue par le secrétaire général et celle qui aurait le soutien de plusieurs fédérations ?
Et la question concerne-t-elle d'abord le nom ou le visage du remplaçant de Thibault ou plus largement l'orientation de la première confédération du pays ? Allons-nous nous conformer à notre tour à la détestable peopolisation et personnalisation du débat dont l’élection présidentielle offre le lamentable spectacle ?
D'ailleurs, quels sont les critères qui ont présidé au choix des candidatures ?
Pourquoi la recherche de nouveaux dirigeants ne concerne-t-elle que des négociateurs de ministères et d'institutions officielles qui n'ont pas vraiment été choisis pour leur engagement sur le terrain? En cette heure de crise extrêmement grave et profonde du système, de l’affrontement inévitable dans les entreprises menacées par les fermetures et les plans de licenciements massifs, la CGT ne doit-elle pas se tourner vers les militants de terrain et de classe qui ont fait la preuve et de leur détermination et d’une intelligence certaine dans le combat de classe ?
● Question d’orientation
Quelles orientations, quelle appréciation du bilan de l’organisation en matière de résultats revendicatifs pour les travailleurs et en matière de renforcement de l’organisation doivent guider ce choix ?
Pourquoi les différents communiqués émis insistent-ils sur la continuité des orientations dans laquelle le 50éme congrès devrait se situer et dans laquelle le choix d’un(e) nouveau (elle) dirigeant(e) devrait rester encadré ?
Alors que chaque congrès est totalement souverain !
N’est-ce pas essentiellement pour éviter tout débat et sur le bilan des 15 dernières années et sur l’orientation de la CGT pour les années qui viennent ?
La question centrale pour notre CGT est décisive aussi pour l'ensemble des travailleurs :
ou la CGT sous l'égide de la Confédération européenne des Syndicats se calque sur le syndicalisme à l'anglo-saxonne contrôlé par en haut
ou elle renoue en le vivifiant avec le syndicalisme des structures de base, d’entreprises et le fédéralisme.
Cela sur la base de l’objectif commun, au-delà des revendications spécifiques, de la fin de l'exploitation et de la collectivisation des moyens de production et d'échange.
En calant son activité sur une totale indépendance du pouvoir politique, du patronat et des puissances financières.
Toutes choses à l'inverse de la centralisation et de l’accompagnement issus des précédents congrès !
Le bilan de 15 ans de reculs sociaux dramatiques et sans précédent doit être fait.
Plus que jamais, le débat sur la nécessité d’organiser la lutte des travailleurs sur la base d’orientations de
lutte de classes et non de collaboration doit avoir lieu.
Plus que jamais l’intégration de la CGT dans les institutions européennes et dans les structures syndicales internationales d’accompagnement du capitalisme doit faire l’objet d’une interpellation
à l’heure où l’appartenance à l’Union européenne et à la zone euro sert de levier à la mise en œuvre des politiques d’austérité et à la flexibilisation mortelle du marché du travail et donc
de l’emploi.
Au-delà des annonces pré-electorales du nouveau pouvoir issu de la présidentielle les politiques de rigueur et la ʺguerre socialeʺ contre nos droits vont se poursuivre.
Pour une raison fondamentale qui contribuerait à désarmer les salariés si on la taisait : tout porte en effet à estimer que ce nouveau pouvoir n’a ni le courage, ni l’audace de s’attaquer aux mécanismes et aux privilégiés qui ont déclenché la crise !
Les politiques d’austérité que nous avons connu vont donc être aggravées, mâtinées de "justice
sociale",au nom des déficits, de l'euro et du "Pacte européen de stabilité", véritable camisole anti-sociale !
Et les mêmes causes entraînant les mêmes effets … !
L’appel au "dialogue social" enfant chéri des dirigeants de la CFDT, synonyme le plus souvent de soumission aux objectifs du MEDEF et aux contraintes budgétaires de la Commission européenne et qui vise à entraîner les syndicats dans l’acceptation des politiques d’austérité doit recevoir une réponse sans ambiguïté : la CGT est totalement indépendante du nouveau pouvoir, fut-il de ʺgaucheʺ et ne renoncera à aucune des revendications de son programme, ni à aucune des revendications portées par les travailleurs et les luttes !
Démocratiquement, actifs et retraités, intervenons pour que ce débat devienne incontournable, pour qu'ilcesse d’être cantonné à un affrontement de personnes et que d’autres propositions nominatives émergent en phase avec des orientations de luttes et de pratiques démocratiques dont la CGT et les travailleurs plus généralement ont un impératif besoin.
Le Front Syndical de Classe, 3 juin 2012