Contribution au 50ème congrès de la CGT de Jean-Pierre Page

Publié le par FSC

Etre nous-mêmes ! Europe et indépendance de la CGT 

 

 

B.Thibault et la direction de la CGT se refusent à faire le bilan de leur travail depuis le précédent congrès!

 

Sans doute parce que celui-ci est catastrophique et qu'il a fragilisé un peu plus ce qui restait de la crédibilité des dirigeants confédéraux! Avoir le sens des responsabilités c'est prévoir et puisque BT doit partir il devrait faire en sorte de laisser la CGT "en ordre de marche" pour ceux qui auront la charge de l'animer dans les années qui viennent! Ce n'est pas le cas à travers les orientations et les décisions qu'il cherche à imposer y compris au mépris de la démocratie!

 

Comme il l'a souvent montré, la démocratie n'a jamais été son point fort, pas plus celle d’ailleurs d’un Bureau confédéral tout au délice de la bataille de succession sans aucune vision en revanche sur l'avenir et la réponse à apporter à la crise du capitalisme en cours.  Encore moins celle de la Commission exécutive ! Il est vrai comme l’admettent nombre de ses membres, que celle-ci a fonctionné plus comme une chambre d'enregistrement, mise souvent devant le fait accompli et tenue dans l'ignorance des secrets de la petite équipe qui fait la politique de la CGT au jour le jour. Une "garde rapprochée, anciens de cabinets ministériels  qui connaissent au fond très peu de la CGT, de la vie des travailleurs, et de leurs luttes. Cette façon de fonctionner est totalement étrangère à l'histoire comme à l'identité de la CGT. Une histoire ou comme l'on dit "pour assumer des responsabilités dans la CGT il fallait d'abord faire ses preuves"! 

 

Cédant à l'air du temps Bernard Thibault n'en a eu cure, lui qui en arrivant citait dans une interview aux "Echos" Alexis de Toqueville, ce penseur politique du 19 ème siècle chantre de la démocratie américaine et du libéralisme, dans le seul but d'impressionner son monde! Mais quel monde? Le monde du travail? Posez la question c'est y répondre!

 

Pour la direction actuelle de la CGT ce que l'on appelle les « cadres syndicaux » c'est comme pour le reste; cela doit se fondre dans un modèle de référence. Celui-ci c'est le syndicalisme anglo-saxon, le modèle réformiste qui domine les Confédérations syndicales en Europe avec les « succès » que l'on sait! Un syndicalisme institutionnalisé qui consacre son énergie et ses moyens à la « magie » de la négociation ce dont chaque jour permet de  vérifier l’efficacité, l’utilité et les conséquences désastreuses pour les travailleurs. Qu'il s'agisse de la CES ou de la CSI, ces organisations qui accompagnent la politique du capital, on sait à quoi s'en tenir! Leur bilan parle de lui même! Mais pourquoi la CGT devrait elle suivre cette voie et cette orientation ? « Pour ne pas être le dernier carré » répondait Louis Viannet ! Où en sommes nous après 10 ans de recentrage et d’affiliation à la CES ? Un succès éphémère au prix du renoncement à notre indépendance ? Alors même que l'essor de nouvelles formes de syndicalisme combatif apparaissent partout dans le monde, y compris en Europe.

 

L'Europe s'enfonce dans le chômage de masse et, de la Grèce à l'Espagne, de l'Allemagne à la France, la pauvreté s'étend, la répression

antisyndicale contre ceux qui résistent ne cesse de croitre! Mais la CES ou la CSI ne semblent pas concernés! Selon ces organisations tout cela ne serait qu'un mauvais moment à passer ! Le rôle du syndicalisme serait il de corriger les excès, faire du "capitalisme à visage humain" cet objectif irréalisable mais d'horizon indépassable auquel il faudrait dorénavant se conformer!

 

Pourtant il y a des luttes dans toute l’Europe et dans le monde entier, de l’Allemagne à la Grèce, de l’Espagne eu Portugal, de la Grande Bretagne à la France et l’Italie. Celles-ci ont besoin de perspective et donc de solidarité et d’une coordination. Ceux qui sont aux avants postes de ce combat ne reçoivent de la CES ou de la CSI que des propos lénifiants et démobilisateurs ! Nous devions dynamiser la CES  avec d’autres et aujourd’hui le constat est amer ! Qui a changé de la CGT ou de la CES ? Au fond la CES n’est que le reflet d’un type de syndicalisme caractérisé par  l’apathie, la bureaucratisation, le conformisme et la fascination devant les institutions! Devons nous apporter notre caution à cette demarche que contredit toute notre histoire? Le moment n’est il pas venu de faire un bilan dans un esprit indépendant, comme nous l’avons fait en d’autres circonstances et par rapport à d’autres affiliations, ou cette question est elle dorénavant un « tabou?

 

Il y a un très gros risque en Europe pour le syndicalisme de voir sa crédibilité réduite à néant, tout particulièrement dans la jeunesse ! Ne rien faire, ne rien dire et à coup sûr cette "fonctionnarisation", cette institutionnalisation du syndicalisme, ces compromissions, voire la corruption de certains de ces dirigeants menacera son avenir et sa raison d’être. Cette dérive se poursuivra si les délégués au  50eme Congrès des syndicats CGT n'en décident pas autrement!

 

Or il ne manque pas de gens (d’adversaires ?) auprès de la CGT pour  continuer à exorciser celle-ci des fantômes qui à leurs yeux continuent à hanter les nuits de la Confédération. Il s'agit pour ceux là de contribuer à accélérer son recentrage pour la mettre aux normes européennes, la rendre compatible:www.forumsyndicaleuropeen.net/.

 

Par conséquent, tout ce beau monde à Montreuil comme à Bruxelles rêve avec le 50 eme Congrès d'une nouvelle direction qui marquerait un pas supplémentaire dans le ralliement de la CGT à cette vision de l’Europe sociale qui n’est qu’un leurre ! Il faut empêcher cela et ne jamais considérer les choses comme réglées d’avance ! Au fond cette Europe là n’a jamais été aussi contestée et si peu crédible aux yeux des peuples et des travailleurs. Quant aux perspectives, elles ont connues d’avance : la régression économique, sociale et démocratique ! Comment la CGT doit-t-elle se positionner, s’arc bouter contre toutes évidences ou au contraire prendre position de façon claire et indépendante pour contribuer au débat et au combat contre cette escroquerie de l’Europe sociale ? Vola ce que l’on attend d’elle !

 

Les négociations, tout au plus accompagnées de "journées d'actions" bien séparées les unes des autres pour ne pas aboutir, pour ne pas créer un rapport de force durable en faveur des travailleurs son tune impasse. Il faut en faire lucidement la critique!

 

 

 

Après la récente réunion du CCN au sujet de la future direction et une discussion sans vote, on semble faire comme si de rien n'était, alors que c'est au Congrès et aux délégués de décider comme le prévoient les statuts! On prévoit donc de retenir 56 candidats pour composer la future direction de la CGT! Soit un nouveau renouvèlement de 39% ce qui avec le précédent congrès aboutit à un turnover permanent de la direction et donc une totale instabilité quand l'on sait le temps nécessaire pour assumer des responsabilités à ce niveau. Mais ce qui est sans doute le plus consternant, c'est la quasi disparition des ouvriers de la future direction de la CGT: 8 ouvriers seulement soit 14% mais 36 cadres, agents de maitrise et techniciens soit 64%, et cela bien qu'existe l'UGICT avec sa direction. Sans céder à je ne sais quel ouvriérisme, comment ne pas constater dans ce choix un recul sans précédent, historique. Cette défiance à l'égard des ouvriers qui sont parmi les premiers dans les combats présents, qu'il s'agisse de Goodyear, de Florange, de PSA, de Renault, ....en dit long sur la vision que la direction actuelle de la CGT a du monde du travail réel! Cette place des ouvriers est d'autant plus indispensable dans la direction de la CGT qu'ils sont les premiers exposés aux coups du Capital mais aussi parce qu'ils sont fréquemment les animateurs des luttes et les plus combatifs de la CGT, tout particulièrement dans les branches industrielles. En particulier à l'heure où beaucoup de gens, en particulier non ouvriers, reconnaissent que le combat pour la réindustrialisation de la France est essentiel pour sauver l'avenir du pays. Il serait inconcevable qu’au Congrès on ne soulève pas ce problème  avec force. Il ne s'agit pas de mettre en cause la place des ICT dans le procès de travail ou dans la vie de la CGT mais d'avoir une vision cohérente avec nos principes et notre histoire, lorsqu'il s'agit d’élire la direction nationale de la CGT. 

 

Il est une autre chose ! Des dirigeants d'expérience qui assument des responsabilités importantes dans les structures professionnelles et interprofessionnelles  de la CGT et ce depuis plusieurs années devraient également y trouver leur place pour contribuer à consolider la nouvelle direction de la CGT ! Ces dirigeants de terrain sont pour certains écartés, parce qu’ils assument courageusement leurs positions. Comme on le voit dans la tribune de discussion ils expriment de façon pertinente des opinions différentes de celle qui prévalent en général et en  particulier sur l'Europe sociale ou sur le récent accord signé par plusieurs confédérations dont la CFDT! Les opinions dérangeantes devraient elles être mises à l'index dans la CGT? Pourquoi ? Parce qu’elles suscitent débat et réflexions ? Toute la CGT et a fortiori celui qui va devenir le nouveau Secrétaire général ont besoin de leurs contributions comme de leur vision d'un syndicalisme de combat, un syndicalisme moderne et de notre temps et non de ces vieilles lunes réformistes mises au gout du jour et auxquelles on aimerait nous faire croire. 

 

Au fond ce qui est en jeu avec ce Congrès c’est l’indépendance de la CGT et la capacité de ses dirigeants à y veiller comme à la préserver. La CGT a longtemps été abusée par un faux débat sur son rapport au politique ! En fait le « forcing » qui lui fut imposé sur la relation CGT/ PCF masquait l’abandon de positions de classe et un recentrage au nom du « syndicalisme rassemblé » et de relations privilégiées avec la CFDT, en fait un conformisme syndical concocté à Bruxelles dont les adhérents de la CGT étaient tenus dans l’ignorance. Nicole Notat, Secrétaire générale de la CFDT avait demandé à la CGT comme garantie de son soutien à l’adhésion à la CES et parmi 4 conditions de faire le choix de la négociation et de la proposition au détriment de la contestation, et de se rallier ainsi aux thèses qui dominent le  syndicalisme européen et d'écarter de la direction les camarades qui pouvaient menacer ces changements. On lui donna satisfaction au congrès confédéral de Strasbourg ! 1O ans après, on peut juger du résultat et donc du bilan.

 

C’est dire la responsabilité de tous et de toutes dans le débat comme dans les décisions à prendre à ce 50eme Congrès pour donner à la CGT la direction et l’orientation de combat dont elle a besoin ! Voilà ce que les travailleurs attendent de la CGT, ils n’en attendent rien d’autre!

 

Jean-Pierre Page

Ancien responsable du département international de la CGT,

ancien membre de la Commission Executive Confédérale(1981-2000)

USRAF CGT Air France

Publié dans CGT 50e CONGRES

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