Débat dans la CGT
Bonjour,
hier après-midi réunion des militants du 92 pour faire le point du mouvement et envisager la suite, au-delà de la manifestation du 6 novembre.
Entre autre, un débat intéressant et portant sur des questions importantes qui concernent de fait les orientations et la stratégie confédérale dite de "syndicalisme rassemblé" que
l'actuel mouvement et les questions qu'il soulève vient télescoper.
Pour les uns c'est l'unité syndicale qui explique l'ampleur du mouvement et il convient à tout prix de la conserver et ceux-là sont mal à l'aise avec des initiatives propres à la CGT et en
toute circonstance, même quand c'est la CGT seule qui prend une initiative ils recherchent l'approbation et l'accord des autres centrales. Avançant implicitement l'idée que tout cavalier seul et
toute critique publique de l'attitude et de l'orientation des autres centrales mène à la division et à l'affaiblissement de la lutte. Le discrédit de n'importe quelle organisation syndicale (la
CFDT par exemple) se retirant de la lutte, rejaillissant sur l'ensemble des organisations syndicales.
Pour les autres (qui me semblent de plus en plus majoritaires) la CGT ne doit pas hésiter à faire état publiquement de ses orientations et de prendre des initiatives en tant que telle, même si
elle n'est pas suivie par les autres.
Deux conceptions donc.
En apparence une unitaire et l'autre n'hésitant pas à faire cavalier seul.
En réalité DEUX CONCEPTIONS DE L'UNITE.
La première au fond est une conception de l'unité de SOMMET, d'états major avec l'inconvénient majeur de taire les divergences et de ne pas tenir informés les salariés et l'opinion en
général des options de orientations de chacun.
Par exemple derrière le "tous d'accord contre Sarko, tous ensemble", de masquer et de couvrir le fait que sur les retraites, ET la direction de la CFDT ET la direction des Verts et du PS sont
résolument pour la prise en compte de l'allongement de la durée de vie dans les réformes et par conséquent qu'ils sont d'accords avec le mortel allongement de la durée des cotisations (41,5
années, 42 ...)!
Et que sur les implacables plans de rigueur qui se préparent (ou se mettent en œuvre) partout en Europe ils sont d'accord avec, sous "condition" qu'ils soient "justes" : "Soyez
justes messieurs les bourreaux autrement l'opinion n'acceptera pas et ça ne passera pas!"
Et vous remarquerez que comme tous les réformistes ce n'est pas d'abord au peuple et aux travailleurs qu'ils s'adressent pour lever les obstacles à leur engagement massif dans la lutte,
mais comme les pompiers de service c'est au pouvoir, aux patrons, aux décideurs qu'ils adressent leurs suppliques, en leur disant en gros "faites attention sinon ça va mal aller … pour
vous".
Preuve s'il en fallait de double langage : le vote ces derniers jours (20 octobre) au parlement européen où avec la droite, le PS et les Verts ont voté un texte d'approbation des mesures d'austérité et de sanctions contre les états "défaillants" incluant un paragraphe sur les retraites qui de fait ouvre la porte aux retraites par capitalisation ! (voir une analyse de ce vote aux adresses suivantes :
http://socio13.wordpress.com/2010/11/01/opposition-de-facade-par-gilbert-rodriguez/
La seconde orientation ne renonce aucunement à l'unité mais c'est la recherche d'une unité de lutte privilégiant l'union en bas, appuyée sur un intense lutte des idées et de propositions
réellement alternatives.
Les limites et les dangers majeurs du syndicalisme rassemblé -par en haut- c'est donc précisément de créer des illusions (dans l'immédiat et pour après, "vous savez en 2012"),non combattues aujourd'hui et de construire les désillusionsde demain, en raison des promesses non-tenues, des situations populaires réelles qui ne s'améliorent pas, des plans de rigueur appliqués et dont les gens voient bien qu'après avoir "sauvé" les banques à coup de centaines et de milliers de milliards c'est à eux qu'on présente la facture de droite … et de GAUCHE.
Faute de s'attaquer aux vrais causes : la domination des marchés financiers, la spéculation, le carcan libéral de l'Union Européenne et ses directives de concurrence libre et non-faussée.
Des désillusions et leurs conséquences mortifères :
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montée de l'abstention dans les couches populaires en particulier
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utilisation du vote FN comme vote protestataire comme seul parti n'ayant pas participé encore aux affaires; cela, faute de percevoir dans cette période de crise du système, sans précédent depuis 1929, une véritable alternative de progrès, résolument ancrée sur les intérêts des couches populaires et par conséquent se battant sans aucune espèce de concession aux couches dominantes prédatrices, NI dans les idées, NI dans les contre-propositions alternatives.
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D'autres l'ont dit et le disent : ce qui fait la force de la droite et de l'extrême droite à l'affût, dans la crise actuelle, c'est la faiblesse stratégique de ceux qui se réclament de l'opposition et qui se laissent enfermer sur les terres balisées/bombardées par les classes dirigeantes.
Selon nos "élites", il serait par exemple quasiment pornographique de revendiquer en contre de la libre circulation des capitaux (mais pas des hommes vous remarquerez selon nos mêmes "élites") de revendiquer donc une forme ou une autre de protectionnisme ou bien de récupération de la souveraineté des peuples (référendum européens), de mettre directement en cause l'UE, d'exiger un retour à la souveraineté monétaire des états tandis que depuis des dizaines d'années cette fonction a été privatisée aux profit des banques construisant de ce fait la dépendance des états des marchés financiers et creusant considérablement la dette qui les mets à la merci de ces mêmes marchés et de leurs agences de notation (toutes US!).
Revendiquer tout cela, c'est se faire traiter de populiste et de nationaliste borné qui tourne le dos à la modernité!
Mais NE PAS LE FAIRE c'est se soumettre au diktat des classes dirigeantes dressant des digues idéologiques autour de leurs sordides intérêts!
Et s'il est une leçon d'ensemble que nous pouvons dors et déjà tirer du mouvement en cours, c'est que c'est la bataille des idées qu'il est décisif de remporter (dès l'amont des justifications des contre-réformes) pour que se libèrent les énergies populaires, soient mises sur la défensive les forces du capital et que s'affirment un soutien populaire que les tentatives pour le briser et isoler les plus combatifs demeurent inopérantes.
En résumé s'exprimer sans esprit polémique mais en disant tout simplement la vérité sur les orientations réelles de la social-démocratie politique et syndicale ce n'est pas diviser ou affaiblir l'unité, au contraire c'est créer les conditions d'une véritable unité de lutte forgée en bas sur la conscience, la lucidité des travailleurs, de la classe ouvrière et du peuple.
En 2005 nous avons contribué à l'expression d'un NON majoritaire au Traité constitutionnel, non pas en allant voir la direction du PS pour qu'elle veuille bien consentir à reconnaître que le dumping social n'était pas conforme à l'intérêt de salariés, MAIS en menant une bataille d'explication indépendante dans le peuple et l'opinion, qui au final a rendu imperméable une fraction sans doute importante de gens influencés par le PS aux consignes de son état-major.
Leçon de choses de la réalité politique à méditer peut-être.
G. Rodriguez