Indépendance des chercheurs : Formation des enseignants et Processus de Bologne

Publié le par FSC

Le 22 janvier, les conseils centraux de l'Université Paris 8 soulignent à nouveau le caractère inacceptable de la prétendue « réforme » en cours de la formation et du recrutement des enseignants. Cette « réforme » constitue en réalité un pas de plus dans l'application en France du Processus de Bologne et de la stratégie de Lisbonne. A savoir, une politique de privatisation, de précarisation et de marchandisation de l'enseignement. Le 22 janvier également, le Conseil d'administration de l'Université Lyon 2 à jugé inapplicable ladite « réforme ». La situation générale des universités françaises est évoquée par une proposition de motion émanant des élus au Conseil National de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche (CNESER). Ce texte dénonce globalement un « déni de démocratie du gouvernement qui choisit de prendre de front la communauté universitaire, ses institutions représentatives et les représentants des grands intérêts nationaux ». Le 22 janvier, le CNESER a rejeté le budget proposé par le gouvernement.

 

Le Processus de Bologne et la stratégie de Lisbonne forment un ensemble dont l'objectif affiché est de créer un grand marché européen (en réalité, mondial) de la connaissance, de l'éducation et de la recherche.

Dans un tel cadre, le travail d'enseignant ou de chercheur devient lui-même une marchandise qui doit pouvoir « circuler librement ». Quant aux connaissances, elles deviennent propriété privée. C'est la fin du service public.

Mais, précisément, cette voie imposée par l'Union Européenne aux Etats membres est aussi celle de la déqualification du travail et de la décadence culturelle et économique.

La débâcle des Etats-Unis en matière d'éducation et de formation, et la lourde facture qu'elle comporte actuellement, auraient dû inciter les dirigeants européens à une plus grande prudence.

Sauf que « nos élites » ne semblent toujours pas avoir compris la gravité de la situation. Pourtant, Barack Obama avait déjà été très clair au cours de sa campagne électorale de 2008.

 

Suit l'appel des conseils centraux de l'Université Paris VIII réunis le 22 janvier 2010.

 

Appel des conseils centraux de Paris 8 réunis le vendredi 22 janvier 2010

Une fois de plus, les ministères concernés par la réforme de la formation et du recrutement des enseignants du premier et du second degré ont décidé de ne tenir aucun compte de l’avis unanime de la communauté universitaire. Tous les textes rendus publics depuis un mois, du cadrage général de la réforme à la circulaire sur le contenu des épreuves des concours, confirment malheureusement ce que l’on pouvait craindre. Malgré le refus inédit par la quasi unanimité (des syndicats à la FCPE ou à la CPU) des membres du CNESER le 21 décembre dernier (seuls l’UNI et le MEDEF approuvant le texte gouvernemental), malgré la dénonciation par tous les syndicats des décisions prises, malgré les condamnations de cette politique par près d’une trentaine de conseils centraux d’université, les ministères entendent poursuivre leur démarche de destruction programmée du contenu disciplinaire et professionnel de la formation des futurs enseignants.

Les conseils centraux de l’Université Paris 8 réunis en séance commune dénoncent avec la plus grande fermeté les arrêtés et circulaires rendus publics depuis un mois sur cette question, dans la continuité de leurs prises de position précédentes. A l’instar de l’intersyndicale de l’enseignement supérieur et de la recherche, unanime, ils considèrent que cette réforme est inacceptable et que les décrets doivent être abrogés.

De fait, il est tout simplement impensable de satisfaire les obligations contradictoires de calendrier (concours en début de M2) et de contenu de la formation telles qu’elles sont édictées par les textes officiels : il n’est pas sérieux de demander aux étudiants la même année de faire des stages, de préparer en quelques mois un master recherche, un mémoire, un oral de concours (voire de plusieurs concours), sans compter une initiation aux relations internationales, à l’administration de l’éducation nationale et bien sûr une réorientation anticipée en cas d’échec au concours.

Les conseils centraux de l’université Paris 8 considèrent par ailleurs qu’il est impensable qu’une telle réforme engage, sans rien en dire, la suppression des IUFM et de leur potentiel d’expertise pédagogique, ne dessine aucun cadre national, au risque de très grandes disparités territoriales, ne prévoit aucun dispositif d’aide sociale aux étudiants, renforçant la précarité des étudiants. De ce fait, cette réforme aggrave ainsi encore les dispositions qui avaient suscité la forte mobilisation de l’an dernier et va renforcer les logiques de précarisation de l’emploi. Les Conseils centraux de Paris 8 affirment qu’une telle réforme menace l’Education Nationale dans son fonctionnement et dans ses fondements.

C’est pourquoi, désireuse de continuer à défendre une formation conciliant les exigences scientifiques et les apports professionnels nécessaires aujourd’hui aux métiers de l’enseignement et de l’éducation, l’assemblée générale des trois conseils réunis ce vendredi 22 janvier décide que l’Université Paris 8 :

- ne change rien à son offre de formation en master ;

- continuera, sur la base de son attachement à une formation cohérente des futurs enseignants, à proposer aux étudiants de vraies préparations à l'enseignement dans le premier et second degré ;

- ne prêtera pas son concours à l’organisation des stages qui, tels qu'annoncés par le ministère, sont inefficaces et dangereux.

 

Cette réforme s’inscrit dans un environnement rendu par la LRU fortement concurrentiel. Les conseils centraux de l’UP8 considèrent nécessaire et indispensable que s’affirme une convergence entre les universités, sur le plan national comme académique, sur les propositions énoncées ici, afin que leur point de vue soit enfin pris en compte par le ministère. Ils appellent toutes les universités françaises par l’intermédiaire de leurs conseils centraux à prendre ainsi une position commune.

 

(fin du communiqué)

 

Suit également la motion adoptée le 22 janvier par le Conseil d'administration de l'Université Lyon 2.


Réuni le 22 janvier 2010, le Conseil d'administration de l'université Lyon 2 considère que la réforme de la formation des enseignants est inapplicable dans les conditions fixées aujourd'hui par les ministères de l'Éducation Nationale d'une part et de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche d'autre part.

Il regrette qu'il ne soit fait aucun cas des nombreuses critiques faites par les organisations syndicales, la CPU, la CDIUFM, les sociétés savantes, les associations universitaires et les organisations de parents d'élèves.

En l'état actuel, le CA réserve sa position concernant une éventuelle remontée des maquettes en attendant :
1. Une consultation approfondie avec les acteurs de notre université concernés par la mastérisation
2. Une prise de position commune de l'ensemble des membres du PRES dans la suite de cette consultation

(23 pour, 6 abstentions)

 

(fin de la motion)

 

Suit, enfin, la proposition de motion des élus au CNESR du 22 janvier, tirée du site du SNESup :

http://www.snesup.fr/Le-Snesup/L-actualite-du-SUP?aid=468...

Communiqué de presse : CNESER : déni gouvernemental de démocratie

 

Motion présentée au CNESER du 22 janvier par le SNESUP et soutenue par : SNESUP – FSU – CGT – SGEN-CFDT – CFDT – SUD Education – FO – SNPREES-FO – UNEF – FCPE

Décalé une première fois de décembre à janvier, le CNESER devant se prononcer sur la répartition et l’allocation des moyens aux établissements, a été, sans la moindre explication, repoussé du lundi 18 janvier à ce jour. Lors de l’examen du budget 2009, la parution anticipée dans la presse des répartitions budgétaires avant même que les élus en aient été informés avait fait l’objet d’une condamnation ferme du CNESER. En convoquant une conférence de presse à la veille du CNESER, sans avoir communiqué le moindre document aux élus, le gouvernement tourne à nouveau le dos à la communauté universitaire. Le CNESER condamne cette provocation.

Malgré l’opposition large de la communauté universitaire à l’actuelle réforme de la formation et du recrutement des enseignants, opposition qui s’est traduite par un vote extrêmement défavorable du CNESER (35 voix Contre, 3 pour, 1 abst), le gouvernement a adressé aux établissements seulement deux jours après ce vote une circulaire de « cadrage » des masters. Début janvier, le gouvernement a publié les arrêtés d’organisation des concours, le Président de la République réaffirmant –lors de ses vœux au monde de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche– sa volonté de voir mise en œuvre cette réforme dès le printemps.

Le CNESER dénonce un déni de démocratie du gouvernement qui choisit de prendre de front la communauté universitaire, ses institutions représentatives et les représentants des grands intérêts nationaux. Ce comportement traduit, une nouvelle fois, le mépris et la brutalité avec lesquels le gouvernement traite cette instance représentative élue.

Malgré un affichage important de dotations nouvelles, l’augmentation du budget de l’Enseignement supérieur et de la Recherche est en trompe l’œil. La dépense moyenne de l’Etat par étudiant nettement surestimée reste très loin de celle consacrée aux élèves des classes préparatoires aux grandes écoles. De plus, les moyens relatifs aux aides sociales étudiantes sont insuffisants, ils ne permettront en l’état ni de financer le 10eme mois de bourse annoncée par le Président de la République, ni de répondre aux objectifs de construction de logements. Le plan Campus catalysé par le « grand emprunt », extrêmement sélectif et opaque, poursuit le remodelage du tissu universitaire qui vise à fusionner quelques établissements situés dans les grandes villes ou en Île de France et à reléguer les universités de proximité - si elles subsistent - à de simples collèges universitaires cantonnés à un cycle Licence appauvri, déconnectés de la recherche. Le CNESER dénonce une recomposition du tissu universitaire marqué par le recul de vie démocratique et collégiale, la concurrence et le développement d’universités à deux vitesses.

A l’opposé de la volonté affichée de rapprochement entre universités et grandes écoles, la politique gouvernementale a pour conséquences de creuser les inégalités entre les établissements, -notamment en entravant les coopérations- et d’acter la reproduction sociale des étudiants.

Le CNESER demande la tenue d’un collectif budgétaire permettant de mettre en place un plan d’urgence, notamment en termes d’emploi public, de crédits utilisables dés à présent dans les établissements et des moyens finançant la vie étudiante (10ème mois de bourses, logement). Ces mesures seront nécessaires afin de répondre aux inquiétudes de la communauté universitaire et donner au service public d’enseignement supérieur et de recherche les moyens de remplir les missions dont le pays a besoin.

Publié dans Luttes - actualités

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