L'Europe sociale et le mouvement syndical
Dans le Morning Star, le dirigeant syndical, membre de la coalition
« No2EU – Non à l'Union européenne », Brian Denny analyse de nouvelles législations qui représentent une escalade dans la stratégie anti-syndicale des promoteurs d'un marché unique
européen dérégulé.
Élaboré par le premier ministre Italien non-élu
« technocratique » Mario Monti, un nouveau règlement porte sur la controverse qui a fait rage autour de deux fameux jugements anti-syndicaux – les affaires Viking et Laval – rendus par
la Cour de justice européenne (CJE), récemment renommée Cour de justice de l'Union européenne (à ne pas confondre avec la Cour européenne des droits de l'Homme, qui n'est pas un organe de
l'UE).
Membre éminent du très secret Groupe
Bilderberg, ce club fermé rassemblant l'élite des financiers, industriels et politiciens occidentaux, et conseiller international de Goldman Sachs, Monti a soutenu fort logiquement les jugements
de la CJE et les a désormais inscrit dans le droit communautaire.
Comme la directrice de l'Institut pour les
droits liés à l'emploi (IER), Carolyn Jones, l'explique, dans les affaires de la CJE, la Cour a décidé que le droit des employeurs à parcourir le globe à la recherche d'une main d'oeuvre bon
marché afin d'offrir des « biens et des services » l'emportait sur le droit fondamental des travailleurs à l'action de grève visant à protéger leurs contrats et conditions de
travail.
« Ainsi, dans le cas Viking, une
entreprise de ferry Finlandaise a remis en cause les contrats des marins Finlandais en adoptant le pavillon Estonien et en embauchant des travailleurs Estoniens moins
chers.
Dans le cas Laval, une entreprise Lettone a
remis en cause les termes d'une convention collective Suédoise en embauchant des travailleurs Lettons moins chers afin de travailler sur un chantier Suédois », a-t-elle
affirmé.
Dans les deux cas, les syndicats concernés ont
lancé des actions de grève afin de défendre leurs conventions et leurs conditions. Et dans les deux cas, la CJE a décidé que l'article 43 (liberté d'établissement) et l'article 49 (liberté à
offrir des services) du Traité CE étaient plus fondamentaux que le droit de grève.
L'application de Viking et Laval dans les
tribunaux nationaux des Etats-membres de l'UE a fait l'objet de plaintes auprès des organismes de contrôle de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui à son tour a fait savoir très
clairement que le droit élaboré par la CJE n'était pas conforme aux obligations relevant des conventions 87 et 98 de l'OIT.
Parmi ces plaintes, celles émises par le
syndicat des pilotes Balpa, qui lors d'une lutte avec British Airways a été menacé d'une action légale et d'amendes illimitées – non car le syndicat avait enfreint la loi nationale mais parce que
son action constituait une violation du droit de l'employeur garanti par l'article 43 du Traité CE (désormais article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne), à la suite de la
décision prise dans l'affaire Viking.
En réponse, le comité d'experts de l'OIT a jugé
que les effets de l'affaire Viking, tels que reflétés dans la décision contre Balpa, ne faisaient que placer la Grande-Bretagne encore plus en contradiction avec la Convention
87.
Selon le comité, « la menace
omniprésente d'une action pour dommages et intérêts qui pourraient démolir financièrement le syndicat, possible désormais à la lumière des jugements Viking et Laval, crée une situation où les
droits garantis par la Convention ne peuvent être appliqués ».
Désormais Monti II, signé le 21 mars, remet en
cause le droit des syndicats à s'engager dans des négociations collective lors d'un mouvement de grève.
Il restreint le droit à l'action collective de
bien des manières.
Il garantit que les « libertés »
économiques auront la priorité sur les droits sociaux fondamentaux.
Il renforce le test de
« proportionnalité » élaboré dans le cas Viking, permettant aux juges nationaux et de la CJE de décider si l'action collective des travailleurs est
« nécessaire ».
Il renforce l’interprétation donnée par la CJE
dans les cas Viking et Laval et ne résout pas les problèmes causés par ces jugements.
Le professeur à l'IER Keith Ewing affirme que
le règlement Monti II « échoue à traiter l'évolution des droits de l'Homme relatifs au droit de grève.
Au lieu de cela, le règlement ferait entrer
les décisions de la CJE dans le droit communautaire, laissant aux juges nationaux et de la CJE le recours à un test de proportionnalité étroit et biaisé dans les intérêts du
capital.
Il n'y aura de solution au problème Viking
et Laval tant qu'il n'y aura pas de règles claires indiquant que l'action collective puisse être entreprise dans le respect des droits de l'Homme, et tant que la menace de dommages illimités
pesant sur les syndicats pour le simple exercice d'un droit social fondamental ne sera pas levée », a déclaré Ewing.
Carolyn Jones souligne que l'échec du règlement
à corriger le déséquilibre de plus en plus important entre les droits économiques des employeurs et les droits humains des travailleurs souligne les limites de l' « Europe sociale »
telle que la présentait Delors et telle que l'a adopté le mouvement syndical en 1988.
« Le Traité pour la stabilité, la
coordination, et la gouvernance signé par les gouvernements de la zone euro en mars 2012 promet de porter l'Europe encore plus loin sur la voie de l'austérité en imposant des coupes draconiennes
aux États-nations au nom de la réduction des déficits.
Si les syndicats continuent à être
restreints dans la manière dont ils peuvent répondre légalement à ces coupes, alors peut-être une action alternative deviendrait nécessaire.
Une action qui aiderait à bousculer les
esprits européens serait de soutenir les appels venant de toute l'UE à des référendums questionnant l'idée même de l'adhésion à l'UE », a-t-elle affirmé.
RMT [NdT : Syndicat des transports, cheminots et dockers, connu pour ses positions de lutte de classe et anti-européennes] est un syndicat qui
affirme depuis longtemps que l' « Europe sociale » est un écran de fumée déployé pour aspirer la classe ouvrière organisée dans les structures de l'UE tout en ne donnant que des miettes
aux travailleurs.
S'exprimant récemment à une rencontre du
mouvement « People's Pledge » [ Campagne pour un référendum portant sur le maintien de la Grande-Bretagne dans l'UE] à Thurrock
appelant à un référendum sur l'adhésion à l'UE, le secrétaire général du RMT Bob Crow a mis en garde sur le fait que des institutions de l'UE non-élues, représentant directement les plus grandes
banques Européennes et leurs intérêts, allaient renverser des gouvernements élus et imposer le chômage de masse, le dumping social et l'austérité à perpétuité partout.
« Il est temps pour le mouvement
syndical d'exiger un référendum afin de construire la résistance à l'avidité capitaliste, que ce soit à l'UE ou à son partenaire de rang inférieur, ce gouvernement Conservateur-démocrate
complètement pourri », a-t-il conclu.