La résistance des travailleurs français à la contre-réforme des retraites

Publié le par FSC

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Analyse du Front Syndical de Classe

 

Cette contribution se veut une réflexion en référence,  à une appréciation des caractéristiques de la crise systémique qui frappe le capitalisme et aux enseignements du grand affrontement de classe qui a eu lieu en France durant plusieurs mois (de mars 2010 à novembre 2010) à propos de la réforme des retraites et qui se poursuit sous d'autres formes.

 

En émettant hypothèse que la France est peut-être au centre des contradictions du capitalisme européen mondialisé, mais que de façon aigüe elle reflète plus généralement les antagonismes irréductibles entre les intérêts des peuples et la politique mise en oeuvre par l'Union européenne et les gouvernements partisans de l’intégration supra-nationale.

 

Dans la mesure où les agressions contre les acquis sociaux opérées par les gouvernements nationaux de droite ou sociaux-démocrates répondent à la fois aux engagements européens des dits gouvernements comme à leur soumission aux diktats des marchés financiers.

Faisant ainsi le lit de la fable d'une Europe protectrice de la mondialisation.

 

Les caractéristiques et quelques enseignements de l'affrontement sur les retraites en France

 

La première caractéristique c'est à la fois le caractère de masse : plusieurs millions de salariés engagés dans les luttes et les manifestations et la durée du mouvement : plusieurs mois de confrontation.

 

Mais d'autres caractéristiques distinguent par ailleurs ce mouvement fondamentalement, comparé à d'autres grandes luttes ouvrières et de la jeunesse qui ont marqué le mouvement social français comme le front populaire en 1936 ou encore les luttes de mai 1968 et de 1995, différences que l'on peut décliner sous plusieurs aspects :

 

Ø       un contexte marqué par la crise financière, économique, politique, morale, environnementale du capitalisme et qui se traduit par la conscience de plus en plus de salariés, d'ouvriers, de jeunes, de citoyens que ce ne sont pas seulement les excès ou les malversations de tel ou tel acteur du système qui sont en cause, mais le fonctionnement du système lui-même.

 

Ø       un puissant sentiment d'injustice fondé sur le constat que la faillite du système financier a été évitée à grand renfort de capitaux publics, la facture de cette faillite étant au final présentée au peuple sous la forme de plans de rigueur et d'une remise en cause aggravée (parce que cette remise en cause ne date pas de l'émergence de la crise) de toutes les conquêtes sociales issues du programme de la résistance et du rapport des forces au lendemain de la seconde guerre mondiale : retraites, système de santé, sécurité sociale, services publics, l'attaque frontale contre les retraites constituant l'élément de cristallisation d'un mécontentement plus général.

 

 Des formes d'organisation et d'intervention populaire originales et nouvelle

 

Ø        Dans une situation marquée par la volonté du pouvoir d'imposer sa réforme coûte que coûte, sans rien concéder aux organisations syndicales (pas de grain à moudre) l'unité syndicale réalisée contre le caractère injuste de cette réforme et la demande d'ouverture de négociations pour une autre réforme a certes permis des rassemblements importants de millions de salariés notamment au cours de 8 importantes manifestations dans les villes grandes et moyennes.

 

Ø       Mais le mouvement est par ailleurs marqué d'une part, par l'intervention offensive d'une classe ouvrière (ouvriers des raffineries, cheminots, salariés des transports en commun, salariés du nettoiement à forte composante immigrée ) que d'aucuns affirmaient disparue ou en voie d'extinction, en tout cas ne jouant plus de rôle ou le rôle principal dans la vie politique et sociale.
D'autre part dans des villes de Province comme Amiens l'action de résistance rendant visible la convergence des luttes entre la classe ouvrière et les classes moyennes menacées de déclassement par la généralisation de la précarité et la perspective d'une régression sociale généralisée.

 

Ø       Car c'est une des caractéristiques nouvelle des luttes qui se sont déployé, le mouvement ne s'est donc pas réduit aux initiatives des états majors.

            Il a été fortement marqué par les initiatives et l'engagement à la fois de citoyens inorganisés, de jeunes lycéens ou étudiants, mais également de nombre d'organisations de base des syndicats, de fédérations ou d'unions locales en particulier de la CGT, attestant du fait que cette dernière malgré les apparences est loin d'être gagnée aux orientations réformistes et d'intégration aux orientations de la CES de la direction confédérale.

 

Ø       autre caractéristique : la forte solidarité entre génération avec une intervention des lycéens et des étudiants au côté des travailleurs qui a sidéré plus d'un contre-réformateur convaincu que les campagnes idéologiques menées avaient creusé un fossé entre générations et que la division avait prévalu !

 

Les limites du mouvement :

 

Mais le mouvement a aussi rencontré les limites du cadre fixé au sommet par l'intersyndicale nationale, par un syndicalisme d'accompagnement :

 

§         en masquant les divergences sur une réforme alternative, la social-démocratie politique (le parti socialiste) et syndicale (la CFDT plus particulièrement) étant par exemple d'accord avec le pouvoir et les contre-réformateurs avec l'idée que l'augmentation de espérance de vie devait obligatoirement se traduire par une augmentation de la durée de cotisations (déjà portée à 41,5 annuités alors qu'en 1993 avant les premières réformes affectant le régime des retraites, cette durée était de 37,5 annuités).

 

§         en ne prenant pas appui sur et en n'appelant pas à la généralisation des initiatives de lutte prises par les équipes militantes de terrain qui ne se sont pas contenté de leur participation aux manifestations centrales, mais qui se sont engagées dans des grèves reconductibles, des blocages de zones industrielles, des occupations de locaux, des blocages de secteurs stratégiques de l'économie comme le raffinage de l'essence qui avait commencé à affecter puissamment le fonctionnement de la vie économique et sociale du pays.
Nul doute de ce point de vue que le mouvement n'aurait pas connu la même détermination et le même retentissement sans la décision de la fédération de la chimie CGT de bloquer les raffineries, en sachant que cette orientation n'était en rien préconisée ou soutenue par l'intersyndicale nationale et que cette fédération de la chimie est une ce celles qui contestent les orientations actuelles de la direction confédérale de la CGT.

 

Des perspectives nouvelles :

 

Avec l’essoufflement du mouvement (début novembre) on peut noter :

 

·        d'une part un renforcement (en adhésions et en confiance) du mouvement syndical et de la CGT en particulier résultant de l'important travail de masse, de propagande et d'initiatives dans l'action en particulier des équipes militantes de terrain qui nous empêche de reprendre à notre compte l'idée de certains analystes désignant la période comme marquée par la désagrégation des organisations politiques et syndicales et mettant l'accent sur l'auto-organisation des masses.
Certes, l'orientation des grandes confédérations et de la CGT demeure marquée par une stratégie d'accompagnement du capitalisme et de l'effacement d'une volonté de confrontation globale avec le capital , entretenant l'illusion de la possibilité de négociations utiles pour les travailleurs sans cette confrontation.

 

·        Mais le fait nouveau, d’autre part  est l'émergence de l'intervention des militants et des structures de base syndicale qui légitime les efforts et la stratégie des partisans d'une orientation de classe pour se ré-approprier leurs organisations et y faire prédominer à nouveau des objectifs de lutte et une volonté de transformation radicale de la société à l'heure de la crise du système la plus profonde depuis la crise de 1929.

Et le mouvement d'adhésion à la CGT et le regain de confiance dans le peuple et chez les salariés vis-à-vis du mouvement syndical doit peu à la stratégie de "syndicalisme rassemblé" et l'essentiel au dynamisme et à la combativité des militants sur le terrain, directement en contact avec les salariés et la population.

 

Une répétition générale :

 

Le mouvement social a certes reflué, mais la situation n'est pas stabilisée.

Contrairement à d'autres périodes où le mouvement n'a pas connu une victoire nette (dans le cas présent le retrait du projet de loi de réforme des retraites puisque la loi a été votée et promulguée), ce n'est pas la déception ou le découragement qui dominent puisque la pression demeure sur la légitimité même de la loi votée et que de nombreuses luttes sur les salaires en particulier se développent dans de nombreuses entreprises.

 

La légitimité du pouvoir et de sa politique est fortement entamée, l'espérance d'une victoire et de changements favorables aux travailleurs venant buter sur l'absence d'une alternative politique de  transformation crédible, valorisant en même temps de ce fait la résistance sociale et la nécessité des combats quotidiens contre le capital, le pouvoir et le patronat qui ne renvoie pas à d'ultérieures victoires électorales (les présidentielles de 2012 en France).

Rehaussant de ce fait les responsabilités syndicales.

Le mouvement a par ailleurs mis en relief l'importance de la bataille des idées pour contrer les idées adverses de fatalité des contre-réformes, de leur caractère nécessaire, répondant à l'intérêt général et l’efficacité de cette bataille, où malgré un véritable matraquage médiatique depuis des années dans les médias dominants l'opinion majoritaire (autour de 70%) a constamment soutenu la lutte engagée y compris dans les couches moyennes alors que le mouvement avait des répercussions gênantes dans la vie quotidienne dans les grandes villes notamment (transports, queue dans les stations d'essence ...).

C'est pourquoi, au final, on peut parler d'une sorte de répétition générale où les travailleurs ont mesuré leur force et celle de leur adversaire, leur capacité à passer à l'offensive dans des grèves et des actions durables, se préparant ainsi à d'autres confrontations.

 

La dimension européenne et internationale :

 

Le mouvement social en France de lutte contre la mise en œuvre des plans de rigueur n’est évidemment pas isolé.

Loin d’être derrière nous la crise s’accentue et s’aggrave avec la volonté des classes dirigeantes de présenter la facture aux peuples.

En même temps que la résistance des peuples grandit : grève générale au Portugal, mouvements sociaux en Irlande, actions massives des étudiants de Grande-Bretagne … qui nécessite le renforcement de la solidarité internationale et de la convergence des luttes à l’échelle du continent sur un contenu de classe.

Tâche dont est bien incapable de s’acquitter la CES davantage préoccupée d’apporter et de masquer son soutien de fait aux politiques mises en œuvre par Bruxelles et qui par exemple alors que le conflit en France s’est étalé sur plusieurs mois et qu’une grève générale s’est déroulé au Portugal le 24 novembre n’a pratiquement rien entrepris, se contentant pour donner le change d’une manifestation alibi, le 15 décembre à quelques jours de la trêve des confiseurs !

Cette situation conforte considérablement le besoin d’un renforcement et de l’activité de la FSM en Europe afin que les travailleurs européens trouvent un réel point d’appui à leurs luttes, la crise et son approfondissement n’offrant pas d’autre alternative que le déploiement du combat de classes.

C’est en ce sens qu’est prévue après le congrès de la FSM qui se tiendra en avril 2011 à Athènes, une réunion en France centrée sur l’activité de la FSM en France entre toutes les forces se réclamant d'affinités avec la FSM et la direction de la FSM.

                                                                      

            Le Front Syndical de Classe, fin novembre 2010

 

 

Ce qu'est le Front Syndical de Classe (FSC) :

 

Le FSC est une jeune association fondée il y a 18 mois, regroupant en particulier des militants de la CGT et de la FSU (éducation nationale) décidés à ce que leurs organisations renouent avec les orientations de lute de classes et se fixent pour objectif de quitter la CES et d’adhérer à la FSM.

 

A l'heure actuelle, plus de 20 structures notamment dans le Nord et dans le Pas de Calais, une région marquée par une forte présence de la métallurgie, plusieurs syndicats d'entreprise ont adhéré à la FSM.

 

Publié dans Luttes - actualités

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