Lettre ouverte sur le 49ème CONGRES DE LA CGT
Tout d’abord, je me permets, à titre d’information de porter à votre connaissance, et en toute modestie, les différentes responsabilités prises à la CGT : j’ai été Secrétaire Générale du syndicat CGT à Cubana de Aviacion de 1996 à 2000, Conseillère du Salarié entre 2003 et 2008, membre de la Commission Exécutive de l’UD de Paris depuis 2007, membre de l’ALS UD de Paris depuis 2002, permanent juridique à l’UL du huitième de Paris depuis 2007, Conseillère Prud’homale depuis 2008, Comité Iran de la CGT depuis 2005, trésorière du SATA CGT entre 2004 et 2007, Secrétaire Générale du SATA depuis octobre 2009 et Déléguée Syndicale dans mon entreprise depuis 2005. Depuis plus de 17 ans, que je suis syndiquée, je n’ai jamais privilégié ma carrière dans les entreprises ou j’ai travaillé, ni courue après une place hiérarchique syndicale comme tant d’autres.
A cet effet, mon témoignage reflète le déroulement et les incidents à ce congrès dont ses suites doivent être mises en lumière.
Je représentais plusieurs petits syndicats et n’avais eu aucune information concernant le débat sur les textes proposés par la confédération. Dans mon propre syndicat, fin octobre, le débat n’a
pu se faire faute de temps.
Au sujet de l’organisation de ce congrès, 1000 délégués et 500 invités, j’avais la vague impression que celui-ci ressemblait à ce que nous voyons chez les politiques pour acheter les récalcitrants.
Tapis rouge qui menait à la salle du congrès et, dans tout le couloir, téléviseurs qui projetaient les travaux, sachet de bonbons pour tous, hôtel avec chambre individuelle, un titre de transport pour pouvoir circuler dans la ville, éventuellement note de taxi pour les rentrées tardives, repas tous les midis sur place «3 étoiles Michelin», avec des centaines de serveurs qui s’occupaient des congressistes.
Tous les jours, en arrivant à la salle du congrès, nous retrouvions le journal le peuple, qui reflétait maladroitement les débats de la veille, maladroitement surtout quand il s’agissait des contestataires.
Pour finir, une soirée «fraternelle» avait été organisée, à laquelle je n’ai pas participé puisque je n’ai senti aucune fraternité pendant le congrès. Il y avait à manger et aussi des groupes musiciens, qui venaient distraire les délégués!
Bref, une organisation de «1ère classe».
Ainsi les organisateurs du congrès ont su flatter l’ego des délégués avec des traitements de faveur et en déployant des moyens matériels importants.
Le lundi 7 décembre, Thibault a fait le rapport d’activité et, le mardi, nous avons débattu sur ce rapport. Je me suis exprimée contre ce rapport en mettant en cause la stratégie d’action de la CGT, la politique de négociation, les concessions de nos dirigeants devant le patronat, le statut salarié. Je n’ai pas eu le temps de parler sur l’action internationale, le temps étant limité à 4 minutes.
J’ai insisté sur la lutte de classes et de masse et le fait que la CGT doit intégrer ces termes dans sa littérature.
Beaucoup d’autres camarades se sont exprimés en s’inquiétant de la stratégie d’action de la CGT, de l’encouragement des luttes dispersées et d’un non convergence des luttes.
Au moment du vote, j’ai voté contre le rapport d’activité. Ce qui a donné lieu à une vive agression à mon encontre des «gens» de ma fédération dans la salle du congrès. Voici les propos que j’ai
entendus : «je te dis de voter pour et tu votes pour, sinon je déchire ton vote», «si t’es contre, tu n’aurais pas dû venir au congrès», «en voilà une qui emmerde tout le monde», «tu devrais
voter pour partout, personne ne t’a demandé de voter contre», «tu n’as pas le droit de voter contre», «tu devrais t’estimer heureuse d’être au congrès, tout le monde n’a pas cette chance». «Tu donnes un mauvaise image de la fédé»! Cette dernière phrase,
je l’avais déjà entendu dans une autre circonstance : étant d’origine iranienne, le régime faisait des pressions sur mes parents pour que je rentre au pays en disant que je faisais une mauvaise
image du pays à l’extérieur! Alors «camarades» de la fédé j’assumerai jusqu’au bout!
Bref, on m’a dit que si je votais contre, mon vote partirait à la poubelle. Au pire, je devrais m’abstenir pour les voix de mon syndicat. Les voix des petits syndicats m’ont été retirées sur le champ!
De toute évidence, dès qu’on oppose ses idées à la routine des dirigeants syndicaux, dès qu’on montre du doigt la méconnaissance du terrain par ces mêmes dirigeants, dès qu’on dénonce cette monarchie syndicale, nous subissons immédiatement des tracasseries et sommes mal vus, à un point tel qu’on aurait pu en venir aux mains. J’ai trouvé le dernier jour du congrès une copine d’’une autre fédération en pleur dans les couloirs. Elle a fait une intervention sur le rapport d’activité et a reçu par la suite la menace écrite de sa fédération. Nous étions plusieurs à la consoler dans les couloirs du congrès.
Nous ne devions pas dénoncer et nous mettre en opposition, lors de nos interventions, à la pratique de nos dirigeants, (rencontres régulières avec l’ennemi de classe sous prétexte de négociations, manque de stratégie valable de luttes…).
Cette politique du silence obligatoire et du tout va bien était facilement compréhensible, dès lors que les travaux du congrès étaient retransmis par Internet. Voilà une méthode peu démocratique et irrespectueuse des syndiqués. La démocratie syndicale est bafouée. Le congrès appartient aux syndiqués. La prochaine fois, faisons en sorte que tous les adhérents puissent suivre dans leurs locaux syndicaux le déroulement des travaux et voter. Les résultats du vote ne seront certainement pas aussi significatifs et refléteront mieux l’esprit du terrain. Je n’arrive pas à m’expliquer le décalage entre les interventions et les résultats de votes.
Alors, camarades, ce n’est pas parce qu’on répète le mot «démocratie» à tout va qu’on est démocrate! Pour une meilleure gestion démocratique de notre syndicat, il serait souhaitable que les principaux responsables de notre confédération s’imprègnent du débat démocratique et principalement de la démocratie syndicale!
Malgré les contestations nombreuses des camarades, le rapport d’activité a eu, miraculeusement, la confiance de la majorité, soit à peu près 75%!!!!!!!! Ceci dit, les textes de la confédération n’ont jamais été tombés si bas au niveau des résultats de vote.
Une méthode qui m’a profondément choquée était l’instrumentalisation des sans-papiers pendant le congrès. Alors que chaque délégué avait droit à 4 minutes pour s’exprimer, le mardi 08/12, les sans-papiers ont eu droit à une heure sur les débats pour donner du slogan sur la tribune: «je bosse ici, je vis ici, je reste ici». L’esprit colonialiste a fonctionné à 100% !
Mardi après-midi, le débat concernait l’international. Les congressistes se seraient crus à Copenhague à la conférence sur l’environnement. Tous les délégués étrangers pleuraient sur le sort de l’environnement et cherchaient un miracle dans le congrès pour résoudre ce problème. La cerise sur le gâteau de cette partie, c’était les interventions des SG de la CES et de la CSI, qui se sont fait huer copieusement par la salle. Une nullité parmi tant d’autres.
La confédération avait tout organisé pour qu’il y ait moins de débats. Temps de parole important des dirigeants et sans-papiers par exemple.
L’éloge a été fait, au congrès, à tous les collaborateurs de classes du coin!!!
Des délégations de la CFDT au maire socialiste de Nantes en passant par les SG de la CSI et de la CES….. Le maire socialiste de Nantes est venu faire un discours au congrès!
Le jeudi 10 décembre, le secrétaire général de la fédération des transports a réuni la délégation pour dire que ça s’était très mal passé à la réunion du CCN le matin. Il nous a demandé de huer, applaudir et nous exprimer de façon à
ne pas laisser entendre les contestataires. Ainsi, il nous prenait pour des moutons pour nous instrumentaliser. J’ai quitté ainsi cette «réunion». Une partie de la délégation a bien appliqué l’ordre du général par la suite!
Je me suis inscrite tous les jours pour m’exprimer sur les différents textes, mais j’étais détectée et je n’ai pas eu l’occasion de m’exprimer sur le texte d’orientation. Le jeudi 10 décembre,
après la présentation de la liste de la CE, j’ai demandé la parole (cette fois-ci à main levée et j’avais droit à 2 minutes) et ai demandé d’écarter cette liste, car elle comportait tout
simplement 67% de cadres et maîtrises, seulement 16% d’ouvriers et 17% d’employés. Cette liste de la CE proposée par la confédération, ne reflètent pas la composition réelle de la CGT. A noter
aussi que pour la première fois, l’UD de Paris, la plus grande UD en France, n’est pas représentée à la CE confédérale. La CE confédérale a tout simplement rejeté la candidature du camarade
Patrick Picard, le secrétaire général de l’UD de Paris sans plus d’explication. Une réponse légère a été donné à un camarade de US Commerce de Paris qui a interpelé la confédération pendant les
débats au congrès sur le sujet par un membre de la CE sortante.
Je suis rentrée de ce congrès très perplexe. Une expérience très amère…
J’ai vécu pour la première fois ce comportement de la monarchie syndicale et j’ai pu me rendre compte à quel point elle veut dégrader la qualité des représentants et militants de la classe ouvrière pour l’intérêt du capitalisme.
Cela est d’autant plus vrai que l’action de chasse aux sorcières est désormais lancée, après ce congrès, et je fais partie de ces sorcières.
A ce sujet, la lettre du secrétaire général de la fédération nationale des syndicats de transports est éloquente.
Paul Fourier monte au créneau et lance auprès des syndiqués du SATA CGT une consultation d’après-congrès pour savoir si le vote de leur déléguée était le reflet de leurs décisions? Pour me mettre en cause, il va jusqu’à mentir en m’inscrivant dans la mouvance de Jean-Pierre DELANNOY. Comme si à la CGT c’est une honte de contacter les adhérents qui ne sont pas d’accord avec la politique confédérale!!! Je n’ai pas honte à m’inscrire dans une mouvance et, si c’est le cas, je le dirai haut et fort. J’aurais pu rencontrer Jean-Pierre DELANNOY au congrès mais il se trouve que la seule fois que je suis allée le voir afin d’échanger avec lui, il n’était pas dans la salle. Il a fait une excellente intervention au congrès sur le rapport d’activité et c’est comme ça que j’ai pris connaissance de ses points de vue.
D’ailleurs je ne comprends pas quel est le souci du secrétaire général de la Fédération des transports avec lui. Il s’agit d’un adhérant de la CGT qui a osé mettre sa candidature devant celle du
secrétaire général sortant. Ce que je trouve particulièrement courageux. Et après tout, nous ne somme pas condamnés à supporter le même secrétaire général pendant des décennies à la
CGT!
Pour finir, je condamne la démarche de Paul Fourier qui porte atteinte à la démocratie syndicale et aux statuts da la CGT. Nous avons d’autres efforts à faire qu’être obligés de répondre aux
courriers abusifs et mensongers d’un secrétaire général de fédération qui n’a pas encore appris les notions du syndicalisme !
Paul Fourier a reçu une réponse du bureau du SATA-CGT.
Paris, le 15 février 2010