Pour un congrès du renouveau de la FSU

Publié le par FSC

 

Contribution du Front Syndical de Classe-Education (animé par des militants FSU de la tendance Unité et action)

 

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Le 7èmeCongrès de la FSU va avoir lieu à un moment crucial de l’histoire de la fédération et au-delà pour l'ensemble du mouvement syndical qui donne des signes inquiétants de faiblesse dans sa liaison avec les masses et plus particulièrement avec la jeunesse, la diminution du nombre des syndiqués en étant un des indicateurs. Le nombre global de votantsaux élections professionnelles montre certesque les travailleurs de ce pays conserventune certaine confiance dans le mouvement syndical, mais pas suffisamment pour y adhérer. Le fatalisme, le scepticisme, parfois la méfiance, largement entretenus par ce qu’il est convenu d’appeler les médias, sont les sentiments qui dominent largement chezles salariés. La CGT en particulier, la grande centrale historique de la classe ouvrière de notre pays, est en proie à une crise interne inédite, que traduisent entre autres, les défaites de son bureau confédéral pour la désignation du candidat au poste de Secrétaire général. Le mouvement syndical, et la FSU pour la part qui est la sienne, doit s’interroger sur cette situation. Cette réflexion indispensable doit être menée prioritairement à travers un débat interne sans complaisance à l’occasion du Congrès1.

 

Ce n’est visiblement pas le choix fait par la direction fédérale à travers son rapport d’activité, soumis au vote des syndiqués jusqu’au 28 novembre.

 

Dans ce document, où la direction fédérale se donne le beau rôle, on ne trouve pas trace d’une quelconque analyse critique de la stratégie adoptée, qui permettrait au texte d’orientation à venir d’ouvrir des perspectives aux travailleurs de la Fonction Publique, et de favoriser les convergences à réaliser avec l’ensemble du monde du travailface à la régression sociale sans limite et à la remise en cause de toutes les conquêtes sociales arrachées depuis un siècle !

 

De plus, l'analyse de la période est marquée par une confusion inquiétante : comment prétendre agir pour la transformation sociale si l'on n'a pas une vision claire de la société et de ses évolutions ?

 

 

L'analyse de la crise

Il est vrai que la crise actuelleest la plus grave depuis 1929, mais pas plus qu’à l’époque, elle ne peut être réduite à ses manifestations économiques et financières, et encore moins à ses aspects écologiques.

Quelle est la véritable nature de cette crise ? Une crise liée à de mauvaises politiques, à un déficit de solutions keynésiennes ? Ou le système capitaliste à son stade monopoliste est-il la crise lui-même ?

En réalité, le développement du capitalisme, la concentration et la centralisation du capital entraînent un approfondissement des contradictions de ce régime, à la base desquelles se trouve la contradiction principale entre le caractère social de la production et la forme privée de l'appropriation.

La tendance à la baisse du taux de profit et la suraccumulation du capital privent de débouchés des masses de capitaux ne trouvant plus à s’investir dans la production de façon rentable et entraînent des « contre-mesures » qui étranglent les peuples et au final amplifient encore les contradictions : spéculation et bulles, dévalorisations massives de capital et subventions directes des profits privés par l'argent public2, concurrence accrue entre groupes et blocs impérialistes, compression inouïe des conditions de vie populaires, guerres de rapine et de repartage du monde, ...

 

La crise ne remonte pas à 2008. En fait, elle remonte à la fin des années 1970, et a conduit à la remise en cause des régulations de type keynésien, et à la mise en place des « recettes » de l’école de Chicago, improprement appelées « néolibérales ». Il s’agissait non pas de désengager l’Etat pour en revenir au capitalisme de papa – c’était la propagande, à laquelle adhère visiblement la direction fédérale – mais au contraire de faire chuter drastiquement le prix de la force de travail, en détruisant tous les acquis sociaux - qu’on se rappelle l’analyse de D. Kessler -, en récupérant une partie de la plus-value concédée et drainée par l’Etat, notamment depuis la Libération, pour atténuer les tensions sociales, ou par des organismes publics souvent liés au mouvement social (mutuelles, caisse de retraites, assurances sociales…). L’autre face du néo-libéralisme, c’est une intervention unilatérale de l’Etat pour financer le taux de profit, pour « socialiser » ce qui n’est pas rentable. La crise n’est donc pas fondamentalement la conséquence des politiques néolibérales, mais au contraire celles-ci en sont le produit. Ce qui se passe aujourd’hui, c’est que la régulation « néolibérale », face à l’aggravation de la crise du capitalisme, démontre son inefficacité. On ne sortira pas plus de la crise en retournant à des politiques « keynésiennes », ces solutions ont montré leur épuisement. Il ne s’agit pas de « partager mieux », « plus équitablement », « avec plus de justice sociale » les richesses. Il s’agit là d’une curieuse mystification nostalgique des prétendues « Trente Glorieuses », qui oublie, ou fait semblant d’oublier, que rien n’était donné et que ce sont les luttes dans un contexte de rapport de force favorable aux travailleurs qui ont permis les conquêtes sociales, y compris les nationalisations et les services publics, que l’oligarchie financière et les monopoles capitalistes ont été contraints d’accepter, concessions pour eux temporaires, aussitôt remises en cause.

Pour en finir avec la crise, il faut donc en finir avec … le capitalisme.Ce n'est pas une question de partage des richesses alors que rien ne changerait dans la propriété des moyens de les produire. Ce dont il s’agit, c’est de socialiser les banques, les entreprises monopolistes, de planifier l’économie. Mais c’est aussi démocratiser la vie politique et sociale, en donnant notamment au mouvement syndical toute sa place, et en donnant au peuple travailleur la maîtrise de ses choix.

 

 

 

L’UE et ses Traités aux abonnés absents ?

Cela implique donc le retrait de l’Union européenne, dont le rôle, depuis qu’elle existe, n’est rien d’autre que de permettre au grand Capital d’assurer sa domination sur chacun des pays qui y adhèrent, d’aggraver l’exploitation du travail et de réaliser le recul de civilisation dont nous sommes tous les victimes. Cette régression, particulièrement tragique dans les pays capitalistes les moins puissants comme le montrent les exemples de la Grèce, du Portugal, de l’Espagne, de l’Irlande, de l’Italie, mais aussi de la Grande-Bretagne, des pays de l’Europe de l’Est, commence à toucher la Hollande, la Belgique et la … France, tandis que la situation des travailleurs allemands, dont les salaires ont été « cassés », n’est guère enviable. Le tour de force réalisé par les auteurs de ce rapport d’activité, donc de la direction de la FSU – qui désire ardemment entrer dans une Confédération Européenne des Syndicats qui ne veut toujours pas d’elle –, c’est qu’à aucun moment l’Union Européenne, pourtant au premier plan pour tous les mauvais coups, n’est mise en cause. Pas plus les capitalistes d’ailleurs. Seuls les gouvernements seraient responsables. Oui, ils le sont, mais parce qu’ils appliquent les politiques que le Capital leur dicte, dans le cadre des décisions de la Commission de Bruxelles, et sous le contrôle du FMI3.

Le mouvement syndical peut-il nier à ce point la réalité ?

 

Refuser les terrains idéologiques minés par le pouvoir !

Une véritable analyse de la crise conduit à refuser le terrain idéologique sur lequel notre adversaire veut à chaque fois nous placer pour nous mettre en position défensive. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles l’offensive réactionnaire l’a jusqu’à présent emporté : le mouvement syndical, FSU comprise, a accepté l’idée que les contre-réformes partaient de problèmes réels qui nécessitaient de profondes « réformes », frappant toutes le salaire direct et indirect4. C’est ainsi que dès 2003, la direction de la FSU a accepté le mensonge de la crise démographique obligeant à réviserle financement des retraites et à remettre en cause à la fois le droit à la retraite et le montant de celle-ci.Or pour le capital la question était : « comment s’emparer des 220 milliards d’euros de la protection sociale », comment détourner cet argent vers les fonds de pension et les assurances privées.C’était l’objectif, assorti du choix d’une politique malthusienne visant à réduire l’espérance de vie des travailleurs. Il en est de même pour la Sécurité sociale et la protection sociale en général. Et à chaque occasion, au nom de l’obligation qui s’impose au syndicalisme d’être responsable (vis-à-vis de qui ? Des travailleurs ou du capitalisme ?) et de présenter des propositions « constructives », on nous a concocté un « nouveau partage des richesses ». Et chaque fois, c’est la défaite programmée : les travailleurs sont mécontents, hostiles aux contre-réformes, maisles syndicalistes leur répètent, comme le gouvernement, comme la presse, comme les patrons, comme l’Union Européenne, qu'il « faut prendre en compte le déficit ou la crise démographique dans 30 ans ( !)… », Si ceux-là même qui sont mandatés pour résister aux mauvais coups reprennent les arguments de ceux qui les portent,comment ne passe aller au fatalisme, dans le contexte d'un véritable pilonnage antisocial ? Ainsi prévaut désormais chez les moins de 40 ans l’idée que « la retraite, ils ne connaîtront pas ».

C'est la même soupe indigeste qui nous est resservie aujourd'hui à propos de la prétendue dette publique. Il faudrait faire un auditpour définir ce que l’on devra payer et ce qui sera illégitime. Eh bien nous affirmons, nous, que la dette est illégitime, que nous ne devons pas la payer, qu’elle est artificielle pour justifier l’offensive contre le monde du travail, qu’elle est une manière de financer les banques, après qu’elles ont été largement subventionnées par l’argent public en 2008. En fait, la soi-disant dette, c’est une forme de la rente qui alimente le capital financier. Non seulement nous ne devons pas la payer, mais il faut nationaliser l’ensemble du secteur financier, que cela plaise ou non à la Commission de Bruxelles.

 

L’unité…, quelle unité ? Les leçons du mouvement sur les retraites

Modifier notre approche des luttes, en partant du fait que la FSU est partie prenante non d’un « dialogue social » mythique mais de la lutte des classes, doit aussi modifier notre approche de l’unité syndicale.

L’unité, c’est avant tout celle des travailleurs pour la satisfaction de leurs revendications. C’est sur cette base que l’on peut réaliser l’unité avec les autres syndicats. Or c’est la démarche inverse que met en œuvre la FSU : au nom de l’unité intersyndicale, elle sacrifie et les revendications et le mouvement pour les obtenir. On se gargarise de l’action de l’intersyndicale en 2010 pour la défense des retraites tout en regrettant de ne pas avoir été suivis, et on déplore le fait que les « divergences entre organisations ont entraîné des difficultés pour élargir et renforcer le mouvement ». Mais qu’est-ce que cette intersyndicale où la CFDT, pour ne parler que d’elle, défendait les positions du gouvernement ? Pas seulement en acceptant l’allongement de l’âge de la retraite ou en refusant le mot d'ordre de retrait de la contre-réforme, mais même quand elle feignait d’être en désaccord, par exemple en avançant l’idée d’un régime différent pour ceux qui avaient commencé à travailler plus tôt ? C’était là affaiblir le mouvement en divisant les travailleurs. Le gouvernement PS et Hollande l’ont bien compris, eux qui ne s’opposaient qu’à la remise en cause de la possibilité de partir à la retraite à 60 ans, mais qui acceptaient tout le reste de la réforme Sarkozy, après avoir accepté la réforme Fillon et inauguré la case des retraites du Privé en 1993. Ils viennent d’accepter la proposition de la CFDT, et par là même de finaliser la remise en cause du droit à la retraite. Le rapport d’activité semble l’entériner, puisqu’à aucun moment il ne fait allusion au retour aux 37 ans et demi, réduisant le mouvement de 2010 à la lutte contre le seul recul de l’âge légal et au financement proposé. En 2003, les dirigeants de la CFDT avaient saboté le mouvement en se précipitant pour signer avec le gouvernement dans le dos des travailleurs. Cette fois-ci, ils ont saboté le mouvement tant sur les mots d'ordre que sur les modalités de la lutte en bloquant l’intersyndicale, en refusant tout appel à la grève et toute unification « tous ensemble en même temps » du mouvement malgré des manifestations historiques et un soutien très large dans la population. Dans ces conditions, peut-on se féliciter de l’unité syndicale en en regrettant seulement les limites5 ? Doit-on se féliciter d’un calendrier d'action marqué par des journées espacées de plusieurs semaines voire plusieurs mois laissant toujours l'initiative au gouvernement et au patronat qui jouaient la montre ? Et que dire du sabotage, pour le moins, par la CFDT comme par la direction confédérale de la CGT, des actions visant à généraliser l’affrontement avec le pouvoir et le patronat dans ce qui allait être la fin d’un mouvement et une confusion telle que les travailleurs concernés en auraient pour un moment à s’en remettre ?

Cette conception de l’unité, sur la base du « moins disant », a conduit un mouvement prometteur, potentiellement puissant, à n’être qu’un immense gâchisdébouchant sur une défaite de plus.

 

Évolutions inquiétantes de la FSU…

Qu’à la suite de celle-ci, la FSUenvisage de se précipiter pour signer un protocole d’accord sur la précarité, dans une négociation à froid, sur la base des propos du chef de l’Etat (sic), sous prétexte qu’elle a fait changer deux virgules et trois adjectifs sans rien modifier de l'objectif central du gouvernement,celui de remplacer les titularisations par des CDI – au moment même où la propagande sur la nécessité impérieuse d’un « choc (ou d’un trajet) de productivité » prépare la liquidation du CDI voire du SMIC , en dit long sur l’évolution de notre fédération vers le syndicalisme d’accompagnement cher à la CES, cette officine soi-disant syndicale de la commission de Bruxelles.

L’attitude pour le moins ambiguë, et plutôt complaisante, de la FSU envers le nouveau gouvernement nous inquiète tout autant : congratulations sur les mesures de cache-misère dans l’Éducation nationale, absence d’appel à la mobilisation pour abolir les « réformes » Sarkozy dans l’éducation, mais au contraire critique positive sur la prétendue « refondation de l’École », qui s’inscrit pourtant bel et bien dans la continuation de la politique précédente, avec des retouches de détail pour mieux en faire avaliser l’ensemble.

 

 

La FSU doit regarder les choses en face : continuer dans cette voie la mène à l’impasse, et menace jusqu’à son existence. Ainsi les dirigeants des syndicats nationaux ne cachent-ils presque plus les risques d'explosion de la FSU, écartelée entre les différents corporatismes.C’est l’abandon des principes du syndicalisme de lutte de classe qui provoque aujourd’hui le repli corporatiste dans certains syndicats nationaux, qui plante ses racines dans la démagogie des politiques gouvernementales.

Cette démagogie donne en outre un espace supplémentaire au déploiement de politiques éducatives qui poursuivent le démantèlement des systèmes d’éducation marqués par les aspirations démocratiques issues de la Libération et du plan Langevin-Wallon, et par les luttes, notamment de 1968.

 

Aujourd’hui, le choix est clair :

 

  • la lutte contre les réformes des lycées et collèges, l’abandon des livrets de compétences et de l’école du socle, la récupération des moyens perdus et leur extension à toute l’Education nationale comme à toute la Fonction Publique, l’abrogation des « réformes » des retraites accumulées depuis le gouvernement Rocard. C’est sur cette base que nous pourrons avancer nos propositions pour une école démocratique, l’accès au savoir et à la culture pour tous, pour l’amélioration des services publics, pour le renforcement et l’élargissement de la protection sociale.

 

  • ou les sempiternelles autocongratulations sur le fait qu’au lieu de perdre 8 postes, on n’en perd que 7, et que les syndicalistes sont quand même mieux reçus dans les locaux ministériels, les rectorats et les inspections académiques. Ce qui entraînera un nouvel affaiblissement du mouvement syndical, de lourds dangers pour les libertés démocratiques, et l’extension de la misère et de la pauvreté.

 

Les partisans du syndicalisme d’accompagnementet du « moindre mal » nous traiteront une fois de plusde passéistes, réfractaires à la modernité. Ils oublient que l’affrontement entre syndicalisme de lutte des classes et syndicalisme de l’apaisement, du dialogue social, de la proposition constructive, est aussi ancien que le syndicalisme, et qu’à toutes ses étapes, les tenants du second ont tenu le même discours sur le « refus du tout ou rien », la « responsabilité et le réalisme» et la nécessité de « mettre les mains dans le cambouis »… Cela a conduit à la capitulation de 1914 devant l’Union Sacrée, au pacifisme de 1939/1940 et à la Collaboration consécutive d’une bonne partie des « réalistes » autoproclamés.

Àl’opposé, chaque fois que le syndicalisme de classe l’a emporté, en 1936, à la Libération, en 1968, les travailleurs ont arraché des conquêtes historiques, celles-là même que le patronat, son pouvoir d’État et son Union Européenne ont décidé d’effacer, avec la complicité des partisans du syndicalisme d’accompagnement, quelles qu’en soient les nuances !

Àl’époque de la FEN,la tendance U&A, envers et contre tous, a mené une lutte acharnée contre le type même de syndicalisme qu'elle met en œuvre aujourd’hui. Cela lui a permis de rassembler les personnels, de remporter des victoires dans la bataille pour la démocratisation de l’école. La direction de la FEN, elle, a mordu la poussière.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est urgent d’affronter la réalité (ou les faits) et d’en tirer les conclusions nécessaires.

1 et non pas en faisant appel à de prétendus « spécialistes » bardés de diplômes universitaires – sans pour autant nier l’apport de travaux scientifiques, mais encore faut-il l’envisager de manière critique, en tenant compte de l’idéologie dominante et du rapport des auteurs au mouvement syndical et à la lutte des classes.

 

2 ce qu’illustre avec éclat le financement des banques, tout comme les prêts de la BCE à celles-ci à 1% leur servant à prêter de l’argent aux Etats à 5/7% !

 

3 C’est aussi la vertu « du partage des richesses » : cela permet d’évacuer la question des nationalisations/socialisations que l’Union Européenne interdit de fait.

 

4 Conseil d'Orientation des Retraites, « diagnostics partagés »...

 

5 De quelle unité parle-ton : au sommet entre états-majors ou à la base à partir des revendications réelles ?

 

Publié dans FSU

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