Projet de Loi Peillon : scandaleuse abstention de la FSU !
La nouvelle est tombée le 14 décembre au soir, et a plongé dans la consternation bon nombre de militants de la FSU : leur fédération syndicale venait de s’abstenir au CSE (Conseil Supérieur de l’Education) sur le projet de loi d’orientation et de programmation (loi dite de « refondation de l’Ecole ») soumis au vote par le ministre Vincent Peillon.
Avec le résultat de ce vote (41 pour, 9 contre – dont la CGT, FO et SUD -, et 16 abstentions - FSU et PEEP -), V. Peillon pouvait afficher sa satisfaction : « Le CSE témoigne de
l'adhésion de la communauté éducative aux priorités de la refondation. Une étape importante est ainsi franchie » (communiqué de presse du Ministère de l’Education nationale).
L’abstention de la FSU sur ce texte soulève de graves questions tant sur le plan de la ligne syndicale adoptée que sur celui de son fonctionnement :
Comment la FSU a-t-elle pu accepter, sans protester vigoureusement, de devoir se prononcer sur un texte de cette importance en ne disposant que de 8 jours pour le faire ?
Comment la FSU a-t-elle pu prendre cette décision, alors qu’aucune instance ni base militante n’ont été consultées ? Quelle était la légitimité des dirigeants nationaux de la FSU et des
principaux syndicats qui la composent pour offrir au ministre un tel « laisser-passer » à son projet, et participer ainsi à la collusion pressentie depuis plusieurs mois entre le
« nouveau » gouvernement et certaines organisations syndicales de l’Education ?
Comment la FSU a-t-elle pu faire preuve de tels renoncements de ses propres mandats face à un texte qui, sur l’essentiel, poursuit la politique éducative des ministres sarkozystes Fillon,
Darcos et Chatel ? Le socle commun, cet outil de ségrégation scolaire et de dénaturation des missions de l’école, est toujours là, mais la FSU prétend se réjouir qu’il soit
« réécrit », en réclamant, dans sa déclaration (à lire ICI : http://www.fsu.fr/CSE-du-vendredi-14-decembre-2012.html) : « un socle et les programmes pour tous », mot d’ordre qui
constitue une véritable trahison par rapport à ce qu’elle a toujours dénoncé à travers ce socle de compétences, à savoir qu’il s’agit d’imposer comme unique objectif de l’école publique (sur
ordre de l’UE depuis 2000) de fournir aux entreprises des jeunes formatés et employables selon les souhaits du patronat.
Comment la FSU a-t-elle pu passer par pertes et profits le collège dépecé et primarisé (cycle CM2/6ème) pour mieux servir le « socle de compétences » et casser les statuts des
professeurs du second degré, le lycée « réformé » par Chatel, la voie technologique abandonnée, l’enseignement professionnel et le service public d’orientation livrés à l’appétit des
Régions au service de leur patronat local (avec un corps des CO-PSY dont la mise en extinction est confirmée), l’absence de revalorisation des métiers, des salaires, et des conditions de
travail ?
Comment la FSU a-t-elle pu se contenter des effets d’annonces et des promesses orales du ministre ? Certes 60 000 emplois sont programmés pour les 5 ans à venir, mais loin de les
sacraliser, il faut rappeler qu’ils ne rattrapent nullement les 80 000 postes perdus depuis 2007, qu’ils s’accompagnent d’une relance massive de la précarité (avec les emplois d’avenir et
les « contractuels-admissibles »), et surtout qu’ils risquent fort de ne pas trouver le vivier de candidats suffisants si perdure la crise de recrutement liée à la dévalorisation
professionnelle du métier enseignant.
Quant à la création des Ecoles Supérieures du Professorat et de l’Education (ESPE), elle s’inscrit dans un projet des plus contestables, qui marginalise le rôle des universitaires au profit d’une
mainmise des seuls recteurs, et qui prévoit un fonctionnement des ESPE aux antipodes des principes de collégialité, de vie démocratique et du statut usuel d’une composante universitaire ;
une conséquence gravissime de l’accréditation des ESPE serait l’abandon par l’État de son « monopole de la collation des grades et des diplômes », puisque des organismes privés
pourraient ainsi délivrer le diplôme national de master ! Dans sa déclaration, la FSU n’a pas dit un mot de ces graves menaces sur la laïcité, sur la dimension universitaire et la qualité de
la formation des maîtres.
Après l’abstention de mai 2009 sur la masterisation-Darcos, que le FSC avait dénoncée comme un coup de poignard porté contre le mouvement des universitaires, ce nouvel épisode d’abstention
confirme la dérive idéologique et stratégique adoptée par la direction nationale de la FSU : cette fédération, affaiblie par les contradictions internes, se bureaucratise, et renonce au
chemin de la lutte en capitulant face aux politiques régressives, voire en les accompagnant lorsqu’un gouvernement social-démocrate est en place.
Dans les sections départementales de la FSU, l’expression de la colère des bases militantes s’amplifie depuis le début de la semaine, et on peut s’attendre à de vifs débats sur cette question
dans les congrès de janvier : les militants du FSC porteront, quant à eux, leurs exigences en matière de démocratisation scolaire, pour les jeunes comme pour les personnels, et défendront
leur conception d’un syndicalisme de lutte de classe qui, aujourd’hui comme hier, a toute sa place dans le combat en faveur de l’école publique.