De l'Indépendance syndicale
La "grande" presse au main des milliardaires (Le Point, l'Express, Le Figaro, Libération ...) fait des gorges chaudes sur la rencontre hier au Parlement entre Philippe Martinez et Jean-Luc Mélenchon.
Rencontre syndicat/homme politique qui s'est d'ailleurs élargie à la rencontre du groupe communiste au parlement.
En dehors de la manoeuvre médiatique et macronienne qui consiste à jouer et approfondir les divisions et visant à opposer la manifestation syndicale du 13 septembre contre la loi travail et celle clairement politique et portant sur l'ensemble de la politique du nouveau pouvoir du 23 qu'en est-il du fond qui doit intéresser les militants syndicaux en particulier?
Pour expliquer sa non participation à la manifestation convoquée par la France insoumise du 23 Philippe Martinez a invoqué la nécessité de l'indépendance syndicale.
Cette question de l'indépendance syndicale remonte à loin dans l'histoire du mouvement ouvrier français :
La charte d'Amiens de 1906 onze ans après la création de la CGT constitue un texte auquel se réfère au moins en parole, l'ensemble des organisations syndicales de France, idéologiquement marquée par la tradition anarcho-syndicaliste : référence à la lutte de classe, objectif de l'abolition du salariat et double besogne du syndicalisme : "œuvre revendicatrice quotidienne" ET préparation de " l’émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste".
Ce faisant
"les organisations confédérées n’ayant pas, en tant que groupements syndicaux, à se préoccuper des partis et des sectes qui, en dehors et à côté, peuvent poursuivre en toute liberté la transformation sociale".
C'est dans cette tradition et ces références que réside la revendication de l'indépendance syndicale de laquelle se réclament donc la CGT comme FO.
Et qui est donc brandie pour refuser toute convergence, toute action commune, toute campagne parallèle entre le mouvement syndical et les partis, associations ... politiques.
Dans la pratique, historiquement, à l'occasion des multiples scissions provoquées pour affaiblir les travailleurs, la revendication d'indépendance syndicale a été utilisée par les réformistes soutenus par le patronat et la classe dominante contre les partisans de la lutte de classe se fixant pour objectif la lutte sans compromission, la propriété collective des grands moyens de production et d'échange.
Cette revendication servant de fait à masquer aux travailleurs le fondement de classe de la divergence opposant réformistes et révolutionnaires!
Par exemple, dans les années 30, Léon Jouhaux qui avait rallié l'union sacrée envoyant les travailleurs à la boucherie en 1914, brandit l'argument de l'indépendance syndicale contre un Benoît Frachon sommé de quitter la direction du Parti communiste.
Comme en 1945-47 les diviseurs de FO qui dans le même mouvement prétextent de l'indépendance tout en acceptant le financement des organisations américaines et de la CIA pour organiser la scission du mouvement ouvrier français considéré comme trop puissant et ayant été en mesure d'imposer à une bourgeoisie largement discréditée par la collaboration des transformations d'ampleur et de portée potentiellement révolutionnaires qui marquent encore notre temps : sécurité sociale, statut de la fonction publique, nationalisation des grands secteurs de l'économie ...
Et que dire de l'autre côté des liens étroits à la fois d'un Berger et d'un Mailly avec le PS ... ou à présent avec Macron? Et des liens politiques entre le patronat sous ses différentes appellations et les partis politiques au service des intérêts de l'oligarchie ?

Les périodes de conquêtes durables et profondes ont été précisément marquée par la participation de la CGT en tant que telle à l'élaboration et à l'application du programme politique soutenu par les travailleurs.
Comme cela a été le cas du programme du Conseil National de la Résistance, "Les jours heureux".
Donc dans la collaboration, la convergence entre l'organisation syndicale forte de 5 millions d'adhérents et les partis politiques (le PCF en l'occurrence), au plus grand bénéfice des travailleurs.
La véritable indépendance syndicale doit résider d'abord dans l'indépendance financière, l'indépendance totale par rapport au patronat et aux institutions étatiques, l'appartenance à ces dernières étant souvent la source et l'occasion de véritables tentatives de corruption et en tout cas d'éloignement à l'égard des préoccupations fondamentales des salariés.
A l'opposé, à partir de sa propre plate-forme revendicative, RIEN ne doit entraver l'action parallèle, commune, convergente avec les organisations politiques qui se fixent les mêmes objectifs et se battent réellement et concrètement pour les atteindre.
Cela nous paraît être le cas avec le positionnement au Parlement notamment du groupe communiste et de celui de la France insoumise contre la nouvelle loi travail de détricotage du code et des garanties collectives.
RIEN ne devrait donc s'opposer à la participation des syndicats et de la CGT à la manifestation du 23 septembre prochain.
Les divisions, le cantonnement des syndicats dans le seul champ revendicatif coupé des enjeux politiques nous paraît donc affaiblir la nécessaire résistance et contre-offensive du monde du travail .
TOUS ENSEMBLE DONC ET LE 12, LE 23 SEPTEMBRE ET APRES!
PARTOUT AVEC le drapeau rouge des travailleurs !
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Extrait du Document du Front Syndical de classe "Que s'est-il passé dans la CGT il ya 20 ans ?" :
SOURCE : http://www.frontsyndical-classe.org/2014/10/que-s-est-il-passe-a-la-cgt-il-y-a-20-ans.html
L’indépendance syndicale
On le sait, les mêmes réalités et préoccupations n'ont pas le même sens en fonction de différents contextes. Il en va ainsi de la question de l'indépendance syndicale.
Une vieille histoire
On sait comment la Charte d'Amiens (1906) sur la base de l'influence et des traditions de l'anarcho-syndicalisme et du syndicalisme révolutionnaire a consacré l'indépendance du mouvement syndical par rapport aux partis politiques et aux gouvernements, et fait de la mise à l’écart des divergences philosophiques et politiques la condition de l’unité syndicale. A cette époque, il s'agit pour le mouvement ouvrier de prendre ses distances par rapport à la SFIO réunifiée.
Un souci réel et une spécificité française
Au-delà, c'est un positionnement qui marque le mouvement syndical et le mouvement syndical français en particulier. Nombreux sont les syndicats qui s'y réfèrent encore. On sait comment le point 9 des 21 conditions du communisme naissant au début du 20ème siècle subordonne l'activité syndicale et les militants à l'autorité du parti. Ce point a fait débat chez les révolutionnaires eux-mêmes.
En juin 1922 se tient à Saint-Etienne le congrès de la CGT-U, suite à l'exclusion des militants de lutte de classe de la CGT réformiste. Il est décidé un rattachement à l'Internationale syndicale rouge (ISR), sous condition de la suppression de l'article s'apparentant au point 9 des 21 conditions et concernant la liaison organique entre l'ISR et l'internationale Communiste (article 11 des statuts de l'ISR). Condition qui fut satisfaite suite à une démarche de Gaston Monmousseau et de Pierre Sémard à Moscou auprès de Lénine, au moment où se déroule le premier congrès de l'ISR en décembre 1922/ janvier 1923.
Plus près de nous, on retrouve fortement cette préoccupation, aussi bien chez Georges Séguy que chez Henri Krasucki, soucieux à la fois des références à la tradition française et à l'expérience négative de ce qui se produit dans les pays socialistes, et de préserver l'autonomie de réflexion, de décision et d'initiative de la CGT.
Un argument de division
A l'occasion des scissions de la CGT (1921, 1947), l'argument a été brandi pour justifier l'entreprise de division ou justifier l'ostracisme contre les communistes à l'occasion des réunifications. Ainsi, l'incompatibilité des mandats politiques et syndicaux comme condition prise par la CGT à la réunification avec le CGT-U au niveau des responsables confédéraux, puis au congrès de réunification de Toulouse en mars 1936 pour tous les postes, a contraint Benoît Frachon à démissionner du Bureau politique du PCF. Prétexte que tout cela, car l'accusation est à sens unique, utilisée presque exclusivement contre les communistes, accusés d'utiliser le syndicat comme « courroie de transmission », d'être des « taupes », etc.
Alors que dans le même temps sont ignorées, s'agissant des autres organisations, les liens privilégiés qu'elles entretiennent avec certaines mouvances politiques ou philosophiques (Force Ouvrière avec la SFIO, voire avec le RPR et la nébuleuse laïque, la CFTC avec l’Église catholique, la CFDT avec le PSU, puis le PS). Alors qu'est ignoré le financement occulte d'organisations destinées à contrer l'influence de la CGT au lendemain de la Libération, comme cela a été le cas avec le financement de la création de FO par la CIA et les fonds de syndicats américains. Alors que dans cette dénonciation est ignorée l'intervention permanente du patronat pour créer de toute pièce des syndicats maison, voire des officines de truands comme la CFT chez Simca ou « fluidifier les rapports sociaux » à l'aide du trésor de guerre de l'UIMM (600 millions d'euros, excusez du peu !) en finançant les syndicats complaisants, signataires à tout va d'accords minoritaires durant des décennies !
Alors qu'à l'étranger, comme ça été et c'est encore le cas en Grande-Bretagne, cotiser aux Trade unions, c'est en même temps cotiser au Labour party. Tout ça en feignant d'ignorer qu'en pratique, les idées, la culture philosophique, historique, la vision du monde, qui mobilisent les énergies et déterminent les choix ne connaît pas, elle, de frontières qui séparent d'une muraille de Chine le champ syndical du champ politique tout simplement ! Et que la place occupée par les militants communistes dans le mouvement syndical et dans la CGT en particulier depuis la Résistance, puis à la Libération, était moins due à des manœuvres d'appareil qu'au rayonnement de leurs idées, à la reconnaissance de leur rôle et à leur dévouement.
Dans les années 90
La volonté affichée et la démarche ostensible d'un Louis Viannet quittant la direction du PCF en 1996 revêt une tout autre signification. Elle constitue d'abord un signe en direction des dirigeants syndicaux européens et internationaux. Il s'agit là aussi de se mettre en conformité avec la pensée dominante et de préparer la sortie de la FSM et l'entrée dans la CES. C'est ce qu'il dit lui même d'ailleurs d'une certaine manière :
« J’ai eu une discussion avec Robert Hue, qui a résisté parce qu’il était sous la pression d’un certain nombre de camarades du Bureau politique qui ne voulaient pas que je m’en aille. Mais, j’ai dit : ‘Tu te souviens que nous avions déjà eu une première discussion au dernier congrès. J’ai tenu compte des arguments que tu avais avancés. J’ai considéré qu’ils étaient fondés. Mais cette fois, non. De mon côté, je ferais tout pour que cela se passe bien, que cela n’apparaisse pas comme un désaccord ou un jugement sur la façon dont le Parti est dirigé. Mais, je ne reste pas. Pour la CGT, c’est maintenant important que je ne reste pas’. J’avais en perspective tous les débats à venir sur notre positionnement par rapport à la FSM, etc.
Donc, j’ai préparé une intervention au Bureau confédéral pour expliquer ma décision et je l’ai fait en lien avec tout ce que l’on avait déjà écrit sur l’indépendance syndicale. En plus, j’ai dit : ‘Ce n’est pas un reniement. La preuve, je reste au Comité national’. Parce qu’il fallait aussi procéder par étapes. On peut bousculer mais il faut aussi être compris et suivi. Mis à part dans quelques secteurs, comme l’Agroalimentaire, un peu la Construction, un peu EDF aussi où là il y eu vraiment des camarades qui tombaient le nez, très vite globalement cela s’est tassé. »
Même si d'autres considérations ont aussi pu entrer en jeu, la période enregistre toute une série de départs de la direction nationale du PCF (Alain Obadia en 1994, Jean-Christophe Le Duigou également en 1996). Ce qui fait dire à Thérèse Hirszberg avec son franc-parler à propos de la démission d'Obadia :
« Je vais te dire très franchement, pour certains copains, le PC a été une trajectoire porteuse, pour des tas de raisons. A partir du moment où celui-ci est entré en période de totale décadence, cela a été vécu comme la remise en cause des possibilités offertes par cette trajectoire. »
Voilà donc pour un bref rappel historique.
Annie Lacroix-Riz
"Scissions syndicales, réformisme et impérialismes dominants 1939-1949
120 ans de la CGT, 70 ans de la FSM
EXTRAIT d'une interview
Quelques rappels de l’histoire du mouvement ouvrier et syndical
En France, la naissance de la CGT (1895) est liée au mouvement ouvrier anarchiste, s’affirmant comme révolutionnaire par ses objectifs généraux (association des travailleurs, grève générale) mais plus ambigü vis-à-vis du patronat et, en fait, proche du courant social-démocrate. Un sérieux problème s’est posé à lui avec l’apparition du courant « révolutionnaire » guesdiste diffusant la pensée Marx. Contre lui, au Congrès d’Amiens, en 1906, les dirigeants « anarcho-syndicalistes » (en fait socio-démocrates) Griffuehles et Pouget ont fait valoir le principe « d’indépendance syndicale », vis-à-vis des partis et des options politiques (de gauche). Griffuehles, dirigeant soi-disant « anarcho-syndicaliste » et « apolitique » était en fait membre du parti socialiste SFIO
La situation est identique en Grande-Bretagne où un lien très fort existe entre les « Trade-Unions » (syndicats réformistes et hostiles à toute révolution) et le Parti « Travailliste ». Et il en est de même en Allemagne, en Bergique, etc.
L’influence étrangère, c’est-à-dire américaine. Aux USA, l’American Federation of Labor (AFL) représente un syndicalisme complètement aligné sur le patronat. Son dirigeant, Samuel Gompers (1850-1924) qui a dirigé l’AFL pendant 38 ans et jusqu’à sa mort était farouchement hostile au syndicalisme de luttes de classes et au syndicalisme révolutionnaire.
En France, la première scission de la CGT, en 1920-22, a eu lieu sous la pression extérieure des événements consécutifs de la Révolution d’Octobre et à la guerre civile russe. Après le Congrès de Tours (1921) de la SFIO et la naissance du PCF, la CGTU se constitue, en 1922, au congrès de St Etienne, comme un syndicat unitaire de lutte de classes en rupture avec l’ancienne CGT de Léon Jouhaux. La CGTU est dirigée par Gaston Monmousseau auquel succédera plus tard Benoît Frachon. En 1936, au congrès de Toulouse, surviendra une fragile réunification CGT-CGTU sous la pression de la base. Une fois tournée la page du Front Populaire et entérinés les Accords de Munich (1938), le grand patronat considère que le « Munich extérieur » doit être complété par un « Munich intérieur ». En 1939, après une série de défaites dans les luttes, les militants « unitaires » partisans d’une CGT de luttes de classe sont exclus par le groupe de Léon Jouhaux sous prétexte qu’ils refusent de condamner le Pacte germano-soviétique (août 1939). Jouhaux est redevenu le patron d’une CGT prête à collaborer.
A l’époque, une partie des moyens des syndicats provenaient du patronat et des syndicats américains, les archives de l’entre-deux-guerres en font foi. (Problèmes liés à l’ouverture récente de ces archives).
Survient alors le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, à propos duquel il faut lire « L’étrange défaite » de Marc Bloch. Celui-ci laisse entendre que la défaite de 1940 fut l’effet d’une trahison pure et simple. En 1940, la CGT s’est retrouvée avec l’ahurissante responsabilité de faire accepter l’occupation et l’hégémonie allemande par la classe ouvrière. Ses dirigeants ont abdiqué toute dignité.
Pendant la guerre, plusieurs membres notoires du groupe Jouhaux ont collaboré activement. René Belin, issu de la Fédération des PTT est devenu ministre du Travail de Pétain en 1940 (dissolution de la CGT et des syndicats, semaine de 60 heures, Charte corporatiste du Travail, signe le statut des juifs). René Bard, chef de la Fédération des mineurs, qui avait accusé les « unitaires » luttant pour la paix en 1938 d’être « les paillassons de Daladier », collabore ensuite activement avec les Allemands.