l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) fermée ... pour empêcher la solidarité avec la Palestine
La répression contre ceux qui dénoncent les crimes de Netanyahou continue, preuve que le pouvoir macronien et ses complices, autorités universitaires comprises sont toujours au côté des génocidaires !
Au nom de la démocratie, des droits de l'homme et du soutien à " l'armée la plus morale du monde " !
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Du Lundi 13 Mai au Mercredi 15 Mai 2024, le bâtiment de l’EHESS du campus Condorcet a été occupé à l’initiative du comité Palestine de l’EHESS. Pendant trois jours, des séminaires et des ateliers contre l’impérialisme et pour les luttes de libération nationale ont été animés par des chercheurs, par des enseignants de l’EHESS et par des militants anticolonialistes et antiracistes, en donnant la voix aux collectifs réprimés et aux recherches censurées, dans une université où la criminalisation du soutien à la Palestine a été particulièrement forte, avec un signalement de la présidence de l’EHESS contre le syndicat des étudiants de l’EHESS de l’Union Syndicale Solidaire (USS) pour apologie du terrorisme.
Au programme de l’occupation renommée Leïla Khaled, du nom d’une militante palestinienne du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), il y avait des interventions d’Urgence Palestine, de Samidoun, de la Riposte Antiraciste et du Collectif Vietnam Dioxine, il y avait des projections de films du Festival Ciné Palestine et il y avait des interventions d’universitaires sur l’histoire coloniale de la Kanaky, de l’Algérie et de la Palestine.
L’occupation étant ouverte, les séminaires habituels se tenaient en parallèle et les personnels avaient accès à leur lieu de travail. Elle a permis de créer un espace rendant possible de construire la mobilisation en soutien à la Palestine au sein de l’EHESS avec des temps d’échanges et de rencontres qu’il avait été jusque-là impossible de tenir sans s’exposer aux intimidations, à la censure ou à la répression. De nombreux étudiants et personnels ont participé aux activités organisées par le Comité Palestine et les assemblées générales ont réuni à plusieurs reprises une centaine d’étudiants.
Cet espace a pris brutalement fin par une intervention policière, Mercredi 15 Mai 2024, à la suite de laquelle la présidence de l’EHESS a décidé de fermer les portes de l’établissement du campus Condorcet, pour empêcher que la mobilisation ne se poursuive. Depuis cette date, les portes du bâtiment sont closes. Pourtant, le Vendredi 17 Mai 2024, une délégation du comité Palestine s’était rendue au site de l’EHESS du Boulevard Raspail pour exiger la tenue d’une assemblée générale avec la présence de la direction de l’EHESS.
Cette action était impulsée par le comité Palestine dès le Jeudi 16 Mai 2024 pour obtenir de la direction la réouverture du bâtiment de l’EHESS. Alors que la négociation semblait fructueuse, le président de l’école Romain Huret s’étant engagé à rouvrir l’EHESS dès le Mardi 21 Mai 2024, de huit heures du matin à minuit en semaine, pour que la mobilisation puisse se poursuivre sur l’établissement, la promesse n’a finalement pas été tenue par la présidence. Dans un mail du Mardi 21 Mai 2024, la vice-présidente de l’EHESS annonçait au contraire la fermeture du bâtiment de l’EHESS du campus Condorcet jusqu’à nouvel ordre.
Depuis cette annonce, des communiqués de soutien des différentes mentions de Masters de l’EHESS se multiplient. A l’image des masters de sociologie et d’études politiques, ils affirment leur solidarité envers le comité Palestine et ils dénoncent la banalisation de l’intervention policière et la fermeture du bâtiment du campus Condorcet, qui impacte également leur fin d’année universitaire en les privant de leurs espaces d’étude et de travail.
Cette répression au sein de l’EHESS à laquelle la direction de l’EHESS participe activement ne date pas de l’intervention policière du Mercredi 15 Mai 2024. Au mois d’octobre 2023, son président Romain Huret avait déjà émis un signalement Pharos contre six étudiants pour apologie du terrorisme à la suite d’un communiqué du syndicat des étudiants de l’USS en soutien à la résistance palestinienne.
Dans le même sens, la direction de l’EHESS a tout fait pour empêcher qu’une motion signée par plus de quatre-cents chercheurs rattachés à l’EHESS appelant à la revendication d’un cessez-le-feu soit votée par le conseil scientifique et par le conseil d’administration, comme le soulignait la Confédération Générale du Travail (CGT) dans un communiqué du Mardi 7 Mai 2024.
La section syndicale de l’EHESS explique en effet que « le président a oublié de mettre la motion à l’ordre du jour du conseil scientifique contrairement à ce qu’il avait promis à la Ligue des Droits Humains (LDH) et, lors du conseil d’administration et de l’assemblée des enseignants, la discussion a été empêchée par la mise au vote préalable du principe même du vote de la motion. Grâce à cette manœuvre apparemment démocratique, la présidence a empêché la tenue du débat dans les instances en refusant de l’inscrire à l’ordre du jour ».
Dans la matinée du Mercredi 15 Mai 2024, le président Romain Huret s’engageait dans un communiqué auprès des étudiants à garantir leur accès au bâtiment de 8 heures à 20 heures et la libre tenue des activités organisées afin d’offrir les conditions de réunion et de débat de manière ouverte avec l’ensemble de la communauté de l’EHESS.
De son côté, la vice-présidente s’était oralement engagée à ne pas faire intervenir la police dans l’établissement mais, Mercredi 15 Mai 2024 à 17 heures 25, des gendarmes mobiles ont évacué par la force l’occupation alors que se tenait une rencontre publique avec une délégation de militants indépendantistes kanaks. Aucun message de la direction de l’EHESS n’avait annoncé l’intervention, ni les étudiants, ni même les salariés n’étaient au courant. Dans la journée du Mercredi 15 Mai 2024, des policiers en civil étaient entrés dans l’EHESS pour filmer les étudiants mobilisés, avant l’arrivée d’une dizaine de camions de police.
Cette intervention policière sollicitée par la présidence de l’EHESS s’inscrivait quelques jours seulement après la violente répression des étudiants de la Sorbonne avec quatre-vingt-huit gardes à vue et des témoignages de violences policières et d’agressions sexuelles dans les locaux de la police. C’est à cette violence que la présidence de l’EHESS était prête à exposer ses étudiants en faisant appel aux forces de police. Pendant que les étudiants étaient réprimés, Natalia Muchnik, vice-présidente de l’EHESS, parcourait les étages du bâtiment pour ordonner aux salariés d’évacuer les lieux. La direction de l’EHESS décidait cette expulsion le Mercredi 15 Mai 2024, le jour même de la commémoration de la Nakba et alors qu’un rassemblement étudiant était appelé à l’université de la Sorbonne, Mercredi 15 Mai 2024 à 18 heures, en soutien aux quatre-vingt-six étudiants réprimés.
Face à cette nouvelle intervention scandaleuse des forces de police dans une université, dès le lendemain, Jeudi 16 Mai 2024, l’intersyndicale de l’EHESS écrivait un communiqué de soutien aux étudiants réprimés par la direction et la police, « nos organisations demandent à la présidence, en conformité avec ses engagements préalables, de publier dans les moindres délais sur le site de l’EHESS une prise de position officielle en faveur d’un cessez-le-feu immédiat et durable à Gaza, ainsi que pour la fin de la colonisation et de l’apartheid.
Nous demandons à la présidence de s’engager formellement à soutenir juridiquement les six étudiants actuellement poursuivis pour apologie du terrorisme, notamment en couvrant leurs frais d’avocat. Nous demandons à la présidence de s’engager à soutenir, sur le plan organisationnel et financier, l’expression de la parole de chercheurs palestiniens, notamment par l’ouverture exceptionnelle de postes de professeurs invités et par l’allocation d’un budget mission pour leurs déplacements. Nous demandons à la présidence de rouvrir immédiatement le bâtiment de l’EHESS du campus Condorcet et d’assurer le maintien d’un espace d’échange, de discussion et de mobilisation ».
Ce soutien large des personnels s’est de nouveau manifesté à la suite de l’annonce de la fermeture du bâtiment de l’EHESS du campus Condorcet, ce qui a permis de répondre aux motifs invoqués par la direction. Pour justifier la répression de l’occupation, cette dernière a agité le spectre de l’occupation de 2022 lors de laquelle du matériel de l’EHESS avait été dégradé.
Dans le même sens, la direction, dans un mail du Jeudi 16 Mai 2024, se présentait comme le relais des personnels, disant voulant prendre en compte une véritable inquiétude des personnels, qui seraient mis en danger par la mobilisation des étudiants de l’EHESS. Face à cette tentative d’instrumentalisation, Vendredi 17 Mai 2024, les représentants du personnel de la Fédération Spécialisée de la Santé, de la Sécurité et des Conditions de Travail, liste intersyndicale et inter-catégorielle, ont affirmé leur soutien aux étudiants mobilisés, dessinant la convergence nécessaire entre les étudiants et le personnel contre la direction de l’établissement. Ils ont en effet rappelé à la direction de l’EHESS que l’insécurité chez les personnels ne vient pas de la mobilisation étudiante pour la Palestine, mais de la dégradation de leurs conditions de travail sur le campus Condorcet, « les élus du personnel alertent depuis des mois sur les nombreuses inquiétudes des salariés de l’établissement quant à leurs conditions de travail.
La réglementation en matière de santé et de sécurité n’est toujours pas respectée à l’EHESS. Plusieurs documents obligatoires et indispensables sont manquants. Nous ne pouvons que constater l’immobilisme voire le blocage de l’institution face aux graves situations de souffrance au travail signalées dans notre établissement. Les inspecteurs de la santé et de la sécurité du ministère sont intervenus à trois reprises ces derniers mois et nous sommes dans l’attente de leurs conclusions. Des collègues voient leur sérieux et leur compétence niée, ils voient leur statut piétiné et leur souffrance ignorée, à tel point que nous en venons à nous demander si le harcèlement moral n’est pas devenu un mode de gouvernance à l’EHESS. Comment osez-vous vous revendiquer de l’inquiétude des personnels ».
Alors que l’occupation ouverte pendant les trois jours n’avait à aucun moment empêché la tenue des séminaires habituels et aux salariés de venir travailler, c’est la présidence qui a décidé de stopper l’activité de l’EHESS. Elle a fait le choix de bloquer l’accès à ce lieu d’étude et de travail pour des centaines d’étudiants et de salariés plutôt que de permettre à la mobilisation en soutien à la Palestine de se poursuivre. C’est une nouvelle offensive anti-démocratique au sein du monde académique à l’heure où les luttes anticoloniales, objets de censure et de répression, sont plus que jamais d’actualité, de la Palestine à la Kanaky.