Liban : L’armée israélienne ouvre le feu sur la foule
Tom Demars-Granja
L'Humanité du 27 janvier 2025
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Les troupes israéliennes ont ouvert le feu sur des Libanais qui rentraient chez eux, tuant 22 personnes.© Stringer/dpa /ABACAPRESS.COM |
Les États-Unis ont annoncé, dimanche 26 janvier, que l’accord de cessez-le-feu, bafoué dès les premiers jours, entre Israël et le Liban a été prolongé jusqu’au 18 février. Quelques heures plus tôt, l'armée israélienne, censée avoir déjà quitté le sud du Liban, a ouvert le feu sur les civils qui tentaient de rentrer dans leurs villages, causant la mort de 22 personnes.
L’accord de cessez-le-feu conclu entre le Hezbollah et Israël, le 27 novembre 2024, aurait dû signifier le retrait des troupes israéliennes du territoire libanais, alors que la guerre y a causé plus de 4 000 morts et 16 000 blessés côté Liban. Mais aussi une transition pacifique avec le pouvoir présidé par Joseph Aoun, qui a été élu le 9 janvier dernier et peut compter sur le soutien de la communauté internationale. Le sang a pourtant continué de couler ces dernières semaines, jusqu’à ce dimanche 26 janvier, où le sud du pays a été le théâtre de nouveaux tirs.
L’armée israélienne – dont le retrait aurait dû être effectif à partir de ce dimanche – a tué 22 libanais « qui tentaient de revenir dans leurs villages », rapporte le ministère libanais de la Santé. Un soldat et six femmes ont ainsi péri sous les balles, tandis que 124 autres ont été blessés. Quelques heures plus tard, les États-Unis (au centre des négociations entre le Liban et Israël) ont annoncé que l’accord entre les deux partis a été prolongé jusqu’au 18 février.
« Même si cela fera des martyrs »
Des centaines d’habitants se sont rassemblées dans la rue principale de la ville de Bint Jbeil pour prier collectivement, avant de se diriger en cortège vers les villages voisins. Plusieurs dizaines d’habitants de la localité frontalière de Maïss al-Jabal se sont, quant à eux, dirigées à pied vers le village dévasté, où l’armée israélienne est toujours déployée. Ils brandissaient des portraits de l’ancien chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, tué par Israël fin septembre, et des photos de leurs proches qui ont péri durant la guerre. « Nous allons revenir dans nos villages et l’ennemi israélien va partir, même si cela fera des martyrs », a lancé Ali Harb, un jeune homme de 27 ans qui tentait de revenir dans le village dévasté de Kfarkila.
Les casques bleus ont cependant estimé que les conditions d’un retour n’étaient « pas encore réunies ». En cause : l’armée israélienne, toujours présente dans plusieurs localités libanaises. Les Nations unies (ONU) ont ainsi appelé Israël à « éviter de tirer sur des civils en territoire libanais ». Pour rappel, en vertu de l’accord qui a mis fin à la guerre entre Israël et le Hezbollah, l’armée israélienne était censée avoir achevé son retrait du Liban, tandis que seuls l’armée libanaise et l’ONU sont autorisés à y être déployés. Mais Israël a annoncé, vendredi 24 janvier, que l’opération se poursuivrait au-delà de cette date, affirmant que l’accord n’a pas été totalement appliqué par le Liban.
« Le gouvernement libanais réaffirme son engagement (…) à poursuivre la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu jusqu’au 18 février », a confirmé, tôt lundi 27 janvier, l’ancien premier ministre libanais par intérim, Najib Mikati, remplacé par l’ex-président de la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye, Nawaf Salam, mi-janvier. Najib Mikati a annoncé s’être concerté avec le président Joseph Aoun et le chef du Parlement Nabih Berri « au sujet des résultats des contacts menés avec la partie américaine chargée de superviser l’accord ».
Dans une première réaction officielle, le Hezbollah a, de son côté, salué « un jour glorieux » et une « scène de fierté écrite par le grand peuple de la résistance (à Israël) qui prouve à nouveau son attachement profond à sa terre ». Le mouvement libanais a appelé les pays garants de l’accord à « assumer leurs responsabilités face aux violations et aux crimes de l’ennemi israélien, et à l’obliger à se retirer entièrement ».
L’armée israélienne a répondu en affirmant que ses soldats avaient lancé « des tirs de sommation pour éliminer des menaces dans plusieurs zones où des suspects ont été identifiés en train de s’approcher des troupes », sans que plus d’informations ne soient communiquées. Parallèlement au retrait israélien, l’accord prévoit que le Hezbollah retire ses forces et démantèle toute infrastructure militaire restante dans le Sud.
Le président libanais tout juste élu, Joseph Aoun, a invité les habitants à faire preuve de « sang-froid » et à « avoir confiance en l’armée libanaise, soucieuse d’assurer votre retour en sécurité dans vos foyers et vos villages ». L’armée, qui se redéploie au fur et à mesure qu’Israël se retire, a annoncé dimanche soir qu’elle « continuait d’accompagner les habitants ». Elle a ajouté « se tenir à leurs côtés pour les protéger face aux attaques israéliennes », alors qu’un mécanisme de surveillance réunissant la France, les États-Unis, le Liban, Israël et les Nations unies avait été mis en place pour surveiller l’application de l’accord.