SOCHAUX Stellantis : PRESSION maximum sur les salariés ... pour rentabilité maximum

Publié le par FSC

 

Compacte, frugale, l’usine rêvée de Stellantis à Sochaux

Le site doubiste de production automobile a été complètement restructuré pour économiser de la surface, de l’énergie et des impôts. 

 Par Sophie Fay(Sochaux (Doubs))

 


 

Quarante mille salariés en 1975, 12 000 salariés en 2011, 9 000 en 2018, 6 200 aujourd’hui, auxquels s’ajoutent un millier d’intérimaires… Le site Stellantis, berceau des automobiles Peugeot, à Sochaux (Doubs), a terminé sa cure minceur. Celle-ci n’a pas seulement touché les effectifs, mais aussi l’emprise industrielle.

Le conseil d’administration de Stellantis, le 7 juin, et les journalistes, le 5 septembre, ont ainsi découvert une nouvelle usine qu’on ne devine pas de l’extérieur, puisqu’elle a été entièrement repensée à l’intérieur de bâtiments existants. Le tout, dans une logique d’investissement frugal : 200 millions d’euros tout de même.

S’il n’est pas ostentatoire, le changement, lancé il y a cinq ans par Carlos Tavares, est bien réel. A cheval sur trois communes du Doubs – Sochaux, Montbéliard et Exincourt –, le site historique s’est défait de 44 hectares sur 210. Ils ont été cédés à la collectivité du Pays de Montbéliard, en discussion pour les revendre au fonds d’investissement BT Immo, spécialisé dans les projets logistiques.

 

La production automobile a été compactée pour économiser de la surface, de l’énergie, des impôts. Fini la noria de camions qui transportaient les pièces sur 1,5 kilomètre entre l’ancien bâtiment de l’emboutissage (d’où sortent les pièces qui forment la carrosserie) et celui du ferrage (où on les assemble). Désormais, les deux ateliers sont regroupés sous un seul toit, avec une nouvelle presse, énorme, qui envoie 2 500 tonnes sur les tôles d’acier. Elle aura coûté 33 millions d’euros. Elle vient de Chine, fonctionne avec des robots suisses et peut former quatre pièces simultanément.

Pression très forte, selon les syndicats

 

Surtout, il faut moins de trois minutes et demie pour changer les formes et basculer de la fabrication de portières à celle d’un habitacle, d’une pièce pour Peugeot 3008 à une pièce pour 5800, les deux modèles actuellement produits sur le site. Quelques minutes pendant lesquelles un petit air de Mozart informe les équipes de la bascule. La presse, qui peut fonctionner sept jours sur sept, a permis de rapatrier dans l’usine une partie des opérations faites à l’extérieur et 300 emplois.

 

Deuxième innovation de taille, il n’y a plus qu’une seule ligne de montage, au lieu de deux. L’usine peut, malgré tout, assembler jusqu’à six modèles différents. De n’importe quelle marque du groupe Stellantis, puisque « [leurs] usines sont agnostiques », explique Arnaud Deboeuf, directeur manufacturing monde, qui dirige les 92 usines du groupe, qu’elles soient ex-Peugeot, Citroën, Fiat, Jeep ou Chrysler. Un échelon hiérarchique a été supprimé, ce qui inquiète aussi bien la CFDT que FO, qui soulignent le rythme effréné du changement et la pression très forte, même si l’usine a huit ans de production assurés devant elle.

Une troisième innovation réduit l’empreinte au sol : le transstockeur, une tour de 25 mètres de haut sur 800 mètres carrés au sol avec des racks de rangement pour 4 800 palettes de volants, rétroviseurs et autres pièces… Du transstockeur au montage, des petits robots plats, mais costauds, se glissent sous les palettes pour les acheminer à bon port : ce sont les butlers.

 

Ce type d’équipement, qui rappelle les entrepôts Amazon, est une première dans l’automobile. Les quatre grues livrent une palette en dix-huit secondes. Il a coûté 8 millions d’euros, mais devrait être amorti en moins de trois ans, en réduisant notamment de 20 % les effectifs dans cette partie du site.

« La mode des grandes usines, c’est terminé »

 

L’équipement s’est déjà révélé très efficace, lorsqu’il faut redémarrer une usine arrêtée sans préavis à cause de la pénurie de semi-conducteurs, comme c’était le cas fin août. « Pendant ces phases d’arrêt, les pièces des fournisseurs continuent à arriver dans l’entrepôt, ce qui désorganise le stockage, oblige parfois à empiler les palettes et impose davantage de manipulations humaines lors de la reprise, avec des risques d’erreur », souligne Julien Monclin, responsable de la logistique de l’usine. Le transstockeur, lui, ne subit aucune perturbation dans la gestion des stocks de pièces, même lorsque celles-ci s’accumulent.

Cette usine plus compacte en surface et en personnel ne sortira pas moins de véhicules. Au contraire. Elle est dimensionnée pour en produire 400 000 par an, contre 360 000, en moyenne, au cours des dix dernières années à Sochaux (avec tout de même deux pointes à 500 000 en 2018 et 2019). Pour limiter les coûts, les machines qui ne sont plus utilisées ont été proposées à la vente à d’autres entités du groupe, et d’autres, comme les « îlots robotisés » du ferrage, ont été achetées par l’usine Fiat de Melfi située dans le sud de l’Italie, elle aussi en cours de transformation. « La mode des grandes usines, c’est terminé », prévient Arnaud Deboeuf.

 

La pression est forte aussi sur les sites italiens. Le maître mot de tout le projet, c’est la rentabilité, l’obsession du grand patron, Carlos Tavares. Il ne cesse de rappeler qu’un véhicule électrique coûte 50 % plus cher qu’un véhicule thermique. Pour que la voiture reste un produit accessible, il exhorte les usines à baisser leur « point mort ».

Celui de Sochaux est tombé à « 190 000 véhicules par an, 40 % plus bas qu’avant la transformation », explique le directeur du site, Christophe Montavon. L’usine est donc remontée dans le haut du classement en matière de performance et s’est vu confier la mise au point de la première plate-forme de montage intégrant des SUV électriques à côté des modèles thermiques et hybrides. Elle produira la future e-3008, qui sortira en 2024. En attendant, à part la DS7 hybride du directeur, on ne voit guère de voitures en charge sur le parking…

 

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