Socle européen de droits sociaux : Une « occasion à saisir » ou un piège à éviter ?
Socle européen de droits sociaux :
Une « occasion à saisir » ou un piège à éviter ?
Dans le cadre du récent sommet européen de Göteborg, la machine à duper a tourné à plein régime avec l'adoption un « socle européen de droit sociaux » proposé par l'Union Européenne et soutenu par la Confédération Européenne des Syndicats (CES), organisation créée par l'UE dans les années 70.
Les confédérations françaises n'ont pas été en reste, y compris la direction de la CGT qui voit dans ce socle « une occasion à saisir » et qui renvoie depuis son site vers de nombreux documents promouvant la CES et l'Europe sociale.
Pourtant, comme l'expliquait la CGT jusqu'au milieu des années 90, l'UE est par nature (de classe) ultra-patronale et réactionnaire et la CES qui en dépend est le cheval de Troie des intérêts capitalistes au sein du monde syndical.
L'UE est par nature anti-sociale : par ses traités et son histoire, elle est une arme de guerre supranationale aux mains des groupes capitalistes et des impérialismes européens dominants (Allemagne en tête) pour mettre les travailleurs en concurrence, maximiser les profits, privatiser les services publics, briser les systèmes fondés sur la solidarité (comme notre Sécu), priver les peuples de leur souverainetés nationales, construire un empire militariste arrimé à l'OTAN…
Dans ce cadre, « le socle européen », non contraignant, n'est pas autre chose qu'une nouvelle tartufferie. Son contenu est un savant mélange de déclarations d'intention sans portée réelle :
« Toute période de stage doit être d’une durée raisonnable. Les travailleurs ont droit à un niveau élevé de sécurité et de protection de la santé au travail. Les travailleurs ont droit à un salaire juste permettant un niveau de vie décent. Toute personne âgée a droit à des ressources lui permettant de vivre dans la dignité… »)
et de garde-fous patronaux :
« La flexibilité nécessaire aux employeurs pour s’adapter rapidement aux changements du contexte économique doit être garantie. L’esprit d’entreprise et le travail indépendant sont soutenus. La mobilité professionnelle est facilitée ». Et bien sûr le sempiternel appel au dialogue social : « Il convient d’encourager le renforcement de la capacité des partenaires sociaux à promouvoir le dialogue social ».
Pendant ce temps, les contre-réformes type Macron sous impulsion européenne s'accumulent et la situation du peuple se dégrade à vitesse grand V...
Quant à la CES, elle n'a jamais cessé de soutenir l'UE (qui la finance) et le capitalisme (rappelons qu'en 2008, son Secrétaire Général, « Sir » John Monks, appelait les travailleurs à « défiler pour sauver le capitalisme de lui-même ! »), d’inscrire le syndicalisme dans la négation de la lutte des classes et dans l'accompagnement « à froid » des politiques patronales, de refuser systématiquement de soutenir les luttes réelles quand elles se développent (retraites en 2003 ou 2010, loi travail en 2016 et 2017…).
Face à la crise et à la colère grandissante, la CES a dû ces dernières années infléchir quelque peu non pas sa pratique mais son discours, en critiquant plus ouvertement les politiques menées et en appelant, comme le fait la CGT aujourd'hui à « changer de politique » mais toujours dans le cadre de cette UE indéfiniment et vainement appelée à devenir sociale. Toutefois, la CES continue d’inscrire son agenda dans celui de l’UE et de mettre ses congrès sous la tutelle des dirigeants européens, y compris Jean-Claude Juncker, qui y assistent systématiquement.
« Europe sociale », « inflexion des politiques européennes », « occasion à saisir »… Il s'agit là de vœux pieux et ridicules qui reviennent à faire la morale et demander la charité aux dirigeants européens. Autant demander aux tigres de devenir végétariens et si l’UE servait à faire converger les salaires et les droits des travailleurs vers le haut, les capitalistes ne l’auraient pas construite…
Ainsi, à l'issue de son dernier congrès en octobre 2015, le nouveau secrétaire général, Luca Visentini devait écrire une bafouille à Jean-Claude Juncker, patron de la Commission européenne, "pour demander à le rencontrer et voir s'il a réellement l'intention de transformer ses déclarations [de relance du dialogue social] en actes".
Et depuis, comme d'habitude : RIEN !
Car ce n’est pas à de telles prières que doivent servir les syndicats, c’est à bâtir des rapports de forces gagnants. Et pour cela, la première des choses est d’identifier l’ennemi au lieu de le supplier d’être plus amical !
En clair, les sommets européens, les chartes et autres socles européens et ceux qui les promeuvent nous abusent, la réalité étant les directives européennes qui s’imposent à un rythme rapide. D’un côté on palabre sans fin dans les salons européens sur les droits fondamentaux et la future Europe sociale, de l’autre l’UE orchestre la casse des acquis obtenus dans les Etats nationaux. Les syndicats qui s’inscrivent dans cette énorme mise en scène nous conduisent nécessairement de défaite en défaite !
Ce dont les travailleurs ont besoin, ce n'est pas de cet euro-syndicalisme institutionnalisé, intégré dans la bureaucratie européenne, entièrement gagné aux idées de la collaboration de classe.
Ce que les travailleurs sont en droit d'attendre, en particulier de la CGT qui a porté le combat de classe gagnant en 1905, 1936, 1945, 1968 et, partiellement encore, en 1995, c’est l'engagement sans faille contre l'UE et les gouvernements du capital.
C'est la préparation idéologique et concrète non pas de sommets et de négociations à froid sans rapport de force mais d’un affrontement de classes gagnant le retrait des contre-réformes euro-formatées (retraites, droit du travail, sécu, services publics…) et dont l’orchestration continentale doit être continûment dénoncée et combattue.
Le Front Syndical de Classe
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