Le plan de Macron et de l’UE pour détruire l’hôpital public
SOURCE : le site du PARDEM
Le plan Macron s’inscrit dans les politiques régressives des trente dernières années. Mais si le président de la République est bien l’exécutant zélé et enthousiaste de la libéralisation en cours, il n’en reste pas moins que la main de fer est celle de l’Union européenne qui n’a cessé de bombarder des directives « santé » depuis plusieurs années et a même ouvert une brèche contre le monopole de la Sécurité sociale. Le marché de la santé est juteux ! Il fait saliver les capitalistes depuis plusieurs décennies qui n’ont de cesse d’agir pour casser le service public de la santé. Leurs avancées sont considérables. La régression pour les patients et les personnels est catastrophique.
Même tactique partout : affaiblir, paupériser, réduire les périmètres du service rendu pour préparer les esprits à la mise totale sur le marché. Les cheminots en savent quelque chose, comme les postiers !
La réalité est là : les instruments de destruction de l’hôpital public proviennent des dogmes du capitalisme : financement des investissements par les marchés financiers et non plus par le pôle public, tarification à l’activité (T2A) depuis 2004, privatisation de toutes les fonctions supports qui ne sont pas censées faire partie du « cœur de métier » de l’hôpital, diminution de l’offre de soin par la mise en place des GHT (Groupements hospitaliers de territoire), « lean management » du personnel (65 à 70% des budgets hospitaliers) par la gestion par la peur et la flexibilisation.
La loi HPST (hôpital, patients, santé, territoire), dite loi Bachelot, adoptée en 2009, est en réalité la transposition de la directive Services de l’Union européenne. C’est elle qui régionalise (Agences Régionales de Santé), met en poste des gestionnaires à la tête des hôpitaux, et fait entrer l’hôpital dans un modèle d’entreprise.
Les résultats sont éloquents : l’hôpital public est financièrement à genoux ! Ses personnels, dont les effectifs sont réduits, aussi. Les patients sont moins bien pris en charge et incités à avoir recours aux cliniques privées.
Nous appelons les usagers à exprimer leur refus de la destruction de l’Hôpital public en manifestant le 22 mai aux côtés des fonctionnaires qui dénoncent la casse généralisée du service public. Le triste exemple de ce qui a été conduit en Grèce par l’Union européenne et le gouvernement de Tsipras doit nous inciter à ne pas laisser faire les néolibéraux et leurs valets !
I) La vérole des marchés financiers dans l’hôpital public
Dans les années 1960-1970, tous les investissements hospitaliers étaient financés par les circuits publics ou semi-publics : subventions de l’État, des départements, parfois des communes, prêt sans intérêt de la Sécurité sociale. A cette époque, l’hôpital public était capable d’autofinancer le reliquat. La grande loi Robert Debré (qui créa les CHU en 1959) et la construction-rénovation des hôpitaux publics et leur maillage furent financés ainsi sans problème.
Depuis les années 1980-1990, les hôpitaux publics sont contraints d’avoir recours aux marchés financiers, c’est-à-dire aux banques pour obtenir des prêts avec intérêts. Les subventions sont devenues marginales, lorsqu’elles existent. Le résultat a été éloquent : l’affaire Dexia et ses emprunts toxiques et le déficit quasi général des hôpitaux. La FHF (Fédération hospitalière de France), plutôt réformiste et collaborationniste, l’évalue à 1,5 milliard d’euros en 2017.
Les PPP (partenariats public-privé), tant vantés par l’Union européenne, instaurés en France en 2004 par ordonnance, contribuent eux aussi à l’appauvrissement des hôpitaux publics et à leur coût. Vu l'état du patrimoine hospitalier, qui souffre depuis longtemps de sous-investissement, Macron et Buzyn ne vont pas manquer de proposer ces contrats infernaux à toutes les directions hospitalières ! Il est vital de s'y opposer ! (1).
II) La tarification à l’activité (T2A), machine infernale de destruction du service public
Mise en place en 2004, avec le PMSI (Programme de médicalisation du système d’information), la T2A (tarification à l’acte) modélise les pathologies en GHM (Groupes homogènes de malades) et GHS (Groupes homogènes de soins). Il y en a plusieurs centaines et tous ont un tarif national. 70% des ressources de l’hôpital proviennent de la T2A. Ce système transforme l’hôpital public en entreprise productrice d’actes au détriment de la vocation hospitalière qui consiste en l’éducation thérapeutique, la prévention, le soin relationnel consacré au malade, ce qui demande du temps, les soins infirmiers.
L’hôpital public subit depuis quinze ans des injonctions financières contradictoires : produire un maximum d’actes en réduisant la DMS (Durée moyenne de séjour du patient) alors que tous les ans les tarifs des GHM diminuent.
III) La privatisation tous azimuts
Parallèlement on estime que l’hôpital public est incapable d’assurer ses « fonctions supports » : restauration, blanchisserie, maintenance, sécurité, voire laboratoire. Tous ces services autrefois très bien assurés par l’hôpital public sont bradés au secteur privé qui en fait son fromage au détriment de la qualité du service rendu et de la Sécurité sociale.
Bientôt l’hôpital n’aura plus rien de public et se contentera de coordonner les activités privées en son sein ! Déjà certains trusts privés se sont emparés de la chirurgie ou de l’obstétrique dans l’enceinte même de l’hôpital.
IV) La mise en place des GHT, instrument de la réduction de l’offre publique de soins
L’installation des Groupements hospitaliers de territoire (GHT) est pratiquement terminée. Elle a pour but obligatoirement de créer de grosses structures (une à deux par département selon la population) afin de regrouper les services, de transformer des centres hospitaliers en établissements de moyen et long séjour à moindre frais, ce qui a pour conséquence d’éloigner les structures et services MCO (Médecine spécialisée, chirurgie et obstétrique) et les SAU (Services d’accueil d’urgence) des usagers, et de diminuer l’offre d’hospitalisation publique. Pendant ce temps Macron supprime la généralisation du tiers payant (seule mesure progressiste de la loi Touraine de 2016), n’augmente pas significativement le Numerus Clausus qui rationne le nombre de médecins formés, maintient une tarification qui favorise le secteur privé à but lucratif.
Les PLFSS (Projets de loi de financement de la Sécurité sociale) programment, année après année, le démantèlement de l’hospitalisation publique !
V) Le management par la peur et la flexibilité
Après la destruction tentée du statut des cheminots, c’est le statut de la fonction publique hospitalière qui est visé.
Avec le « lean mangement » (2), c’est une mise en tension permanente des personnels qui est sciemment et froidement organisée : recours aux CDD et à l’intérim (20% des effectifs), gestion et mutualisation des personnels en « pôles » qui justifie qu’une infirmière ou une aide-soignante soit affectée aujourd’hui en neurologie et demain en cardiologie, puisqu’elle est censée être « polyvalente », au détriment de la qualité des soins.
Le « lean management » est directement responsable des tensions et du mal-être des personnels qui ont conduit jusqu’à l’impensable : le suicide de soignants ou de médecins pourtant dévoués à leur métier !
Depuis un an, le plan Macron de destruction de l’hôpital public, mis en œuvre par sa ministre Agnès Buzyn, utilise ces cinq instruments. Il n’y a rien à attendre de bon des projets de « réforme » de Macron-Buzyn, au contraire. Les GHT entraîneront la suppression de services entiers, voire d’hôpitaux déclassés ou absorbés. La modification du mode de financement prévu dans le PLFSS de 2018, vise à expérimenter le « bundle payment » importé du modèle états-unien des « accountable, care organization » c’est-à-dire des tarifs de « prise en charge globale » associant hôpital et médecine de ville (ou cliniques) dans un cadre conventionnel regroupant des acteurs publics ou privés, ce qui peut être une porte d’entrée pour les assurances privées qui sont à l’affût de cette manne dont l’essentiel leur échappe encore.
VI) Le démantèlement de la Sécurité sociale par la diminution des cotisations et leur remplacement progressif par la fiscalisation.
Le PLFSS 2018 prévoit des baisses substantielles et scandaleuses de cotisations patronales qui atteindront 65 milliards d’euros en 2018 et 85 milliards en 2019, au nom de la « libération des entreprises » comme le claironne Gattaz et le Medef.
Comme on le voit, le capitalisme néolibéral marchandise tout, même les biens les plus communs comme la santé ! Demain ce seront la Sécurité sociale, les fonctions publiques, les retraites, le SMIC, les congés payés…, toutes les conquêtes sociales du siècle dernier qui seront liquidées.
Il est temps qu’un coup d’arrêt soit signifié à cette équipe d’apprentis sorciers, porteurs de contre-révolution néolibérale !
- PPP : Il s’agit d’une forme de contrats administratifs, s’inspirant d’exemples étrangers, tels que la « Project Finance Initiative » lancée au Royaume-Uni en 1992. Ils ont été créés en France par une ordonnance du 17 juin 2004. Cet appareil juridique et financier permet à l'Etat et aux personnes publiques de « concéder » un ouvrage public (conception-construction-exploitation et maintenance) à une structure privée (en général un major des BTP) en contrepartie d'une redevance pendant un bail de trente ans (minimum) au terme duquel l'ouvrage public (usé et demandant de lourds travaux de rénovation) est rendu à la puissance publique ou à la collectivité territoriale. C'est ainsi que plusieurs hôpitaux ont fait l'objet de ce genre de contrats léonins ! Le principal d'entre eux, le CH SF (Centre Hospitalier Sud Francilien qui l’a refusé a fait ainsi une économie sur trente ans de quelque 800 millions d’euros !
- Lean Management : méthode d’organisation visant à améliorer les résultats financiers de la structure au détriment de ce qui ne génère pas de plus value financière, entraînant la flexibilité du personnel et la polyvalence.