Mobilisations à l’université de Columbia : arrêté, l'étudiant Mahmoud Khalil risque l’expulsion pour son soutien à la Palestine

Publié le par FSC

Tom Demars-Granja
l'Humanité du 10 mars 2025

 

Mobilisation des étudiants et anciens élèves de Columbia en mai 2024.© Sukhmani Kaur/SPUS/ABACAPRESS.COM

 

Chef de file de la lutte en soutien au peuple palestinien organisée sur le campus de l’université de Columbia, Mahmoud Khalil a été arrêté par les autorités fédérales, dimanche 9 mars. « Nous allons retirer leur visa ou leur green card à tous les soutiens du Hamas aux États-Unis, pour qu’ils puissent être expulsés », a par la suite lancé le secrétaire d’État, Marco Rubio, sans qu’aucune preuve ne soit avancée.


Les mouvements de soutien à la Palestine au sein des universités états-uniennes subissent de plein fouet le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Mahmoud Khalil, l’un des meneurs des manifestations organisées sur le campus de l’université de Columbia, à New York, a été arrêté par les autorités fédérales, dimanche 9 mars.
Alors que le président des États-Unis a promis d’expulser les étudiants étrangers « agitateurs » dans leur pays d’origine, le sort de Mahmoud Khalil inquiète.

De fait, c’est le Department of Homeland Security (DHS), un service de police chargé, entre autres, du contrôle aux frontières, de l’immigration et de la lutte contre le terrorisme, qui a procédé à l’arrestation. Une mesure « en soutien aux décrets du président Trump interdisant l’antisémitisme, et en coordination avec le département d’État », a annoncé le service dans un message posté sur X dans la foulée de l’opération.

« Nous allons retirer leur visa »


Le DHS affirme que l’étudiant, militant pour la libération de la Palestine, « a mené des activités liées au Hamas, une organisation terroriste désignée », sans donner plus de précisions. Mahmoud Khalil apparaît donc comme l’une des victimes de la politique mise en place par l’administration Trump, prête à accélérer la répression du mouvement pro-palestinien.
« Nous allons retirer leur visa ou leur green card (titre de résidence permanente aux États-Unis, NDLR) à tous les soutiens du Hamas aux États-Unis pour qu’ils puissent être expulsés », a notamment appuyé le secrétaire d’État, Marco Rubio, sur X. Diplômé de l’université Columbia, Mahmoud Khalil dispose du droit de résidence permanente aux États-Unis, a confirmé le Syndicat des étudiants travailleurs de l’université.


D’origine palestinienne, Mahmoud Khalil est né dans un camps de réfugiés situé à proximité de Damas, en Syrie. L’étudiant en master à l’école des affaires internationales et publiques (Sipa) était resté, jusqu’aux rassemblements qui datent de l’année dernière, discrets sur son militantisme. Les bombardements à répétition et le manque de soutien à l’international l’ont propulsé en porte-parole du mouvement de contestation étudiant.


« Un site Internet de localisation de détenus de l’ICE indique que Khalil est détenu à Elizabeth, dans le New Jersey, indique le Washington Post. Mais l’épouse de Khalil, qui est enceinte de huit mois, est citoyenne américaine et a également été menacée d’arrestation, a essayé de lui rendre visite là-bas dimanche et s’est fait dire qu’il n’était pas là. »


L’établissement n’a pas commenté l’arrestation en tant que telle, mais a annoncé qu’il « continuera à respecter la loi », dans un communiqué. L’université privée – qui compte quelque 30 000 étudiants et où le budget pour une année de scolarité s’élève à environ 90 000 dollars – est devenue l’un des épicentres de la lutte contre la politique génocidaire du gouvernement israélien et le soutien de l’administration Biden à Tel-Aviv.


La direction de l’établissement s’est cependant empressée de réprimer les manifestations, afin d’éviter tout conflit ouvert avec les autorités. Les sections Jewish voice for peace (la voix juive pour la paix, en français) et Students for justice in Palestine (les étudiants pour la justice en Palestine) ont été interdites dès novembre 2023, tandis que la police a pu pénétrer par trois fois dans l’enceinte de l’université pour y arrêter des dizaines d’étudiants, par exemple le 30 avril 2024.

La « suppression immédiate » de 400 millions de dollars de subventions


« Plusieurs dizaines d’étudiants ont fait l’objet de mesures disciplinaires et de suspensions pour avoir participé à des manifestations et à des discours pro-palestiniens, rappelle de son côté le média en ligne The Intercept. Des professeurs ont été calomniés devant le Congrès, censurés, démis de leurs fonctions et auraient été poussés à la retraite en raison de leur soutien à la Palestine et de leurs critiques à l’égard d’Israël. » Le campus, lui, vit au ralenti depuis près d’un an.


Pas de quoi permettre à Columbia d’échapper à l’administration Trump. Tout au long de la campagne présidentielle, l’élu républicain et soutien de Benyamin Netanyahou a vertement critiqué ces manifestations et les universités où elles se déroulaient. Son gouvernement est passé à l’acte, vendredi 7 mars, en annonçant la « suppression immédiate » de 400 millions de dollars de subventions fédérales à l’université de Columbia, l’accusant d’inaction face « à des actes antisémites ». Au cours de l’exercice 2024, le financement fédéral représentait 1,3 milliard de dollars des recettes d’exploitation annuelles de l’université.


Katrina Armstrong, présidente par intérim de Columbia, a envoyé un courrier électronique à la communauté de l’université, dans la soirée de vendredi, pour s’adresser au groupe de travail fédéral de lutte contre l’antisémitisme au sujet de cette coupe dans le financement fédéral. Selon elle, cette baisse « touchera presque tous les secteurs de l’université ». Loin de remettre en cause la confiance accordée aux autorités, Katrina Armstrong a réaffirmé son envie de « remettre à zéro » le « chaos des campements et des manifestations » sur le campus.


« L’antisémitisme, la violence, la discrimination, le harcèlement et tout autre comportement qui viole nos valeurs ou perturbe l’enseignement, l’apprentissage ou la recherche sont contraires à notre mission, a-t-elle écrit dans son message. Nous devons continuer à travailler pour lutter contre tout cas de ces comportements inacceptables sur notre campus. » Pas d’allusions cependant au comportement du cercle proche de Donald Trump, alors que le milliardaire Elon Musk et le théoricien néofasciste Steve Bannon ont réalisé un salut nazi devant les caméras du monde entier.


Propulsée à la direction de Columbia à la suite de la démission de l’ancienne présidente de l’université, Minouche Shafik, en août 2024, Katrina Armstrong affirme ainsi : « Chaque matin, je me rappelle que je défends nos étudiants. » Mahmoud Khalil n’aura pas eu droit à un tel soutien.

 

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