"C’est comme donner à manger à des chiens » : à Gaza, le largage de l’aide humanitaire par les airs achève de déshumaniser les Palestiniens
L'Humanité du 05 août 2025
Le parachutage de vivres par des pays tiers marque l’absence de pressions diplomatiques pour ouvrir les points de passage terrestres. Une stratégie coûteuse, inefficace et meurtrière.
Ces derniers jours, de drôles d’oiseaux fondent sur Gaza. Face à des opinions publiques de plus en plus révoltées par les images d’un territoire qui s’enfonce dans la famine, plusieurs pays (France, Belgique, Allemagne, Royaume-Uni, Émirats arabes unis, Jordanie…) ont décidé d’acheminer depuis la semaine dernière de l’aide humanitaire par les airs.
Sentant également l’indignation monter, Israël a donc donné son feu vert à ces envois après cinq mois de blocus. Seulement, la capacité limitée des parachutages et leur précision aléatoire interrogent sur la méthode.
Ces largages sont « inefficaces et dangereux et obligeront les gens à risquer leur vie pour de la nourriture », estime Médecins sans frontières (MSF). Après le dispositif meurtrier de distribution de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), géré par Israël et les États-Unis, certains habitants de l’enclave palestinienne se sont noyés en voulant récupérer les vivres tombés en mer.
Des miettes jetées depuis les airs pour une mise en scène humiliante
Que la farine ou le thé aient été rendus inutilisables une fois immergés relèverait presque du détail dans ce contexte. D’autres sont morts écrasés par des colis de plusieurs centaines de tonnes qui ont atterri sur leur tente. En clair, les parachutes n’ont pas remplacé les F-35 qui, de toute manière, poursuivent leurs raids meurtriers sur les Gazaouis.
Partout, les mêmes scènes de chaos pour un misérable sachet de pain. Preuve supplémentaire de cette inefficacité, certaines palettes ont achevé leur trajectoire côté israélien. Dans son Journal de bord de Gaza (« Orient XXI », Libertalia), le journaliste palestinien Rami Abou Jamous décrivait déjà cette déshumanisation infligée par l’occupant israélien, début mars 2024 : « Cette façon de larguer quelques gouttes d’aide humanitaire, c’est comme donner à manger à des chiens. On leur jette des morceaux, et les chiens se précipitent pour les manger. »
Dans une séquence qui circule ces derniers jours sur les réseaux sociaux, un Gazaoui pointe le fond du problème : « Soit vous ouvrez les points de passage, soit vous ne larguez pas d’aide comme ça. C’est humiliant, c’est de l’humiliation. Pas de l’aide. »
À Gaza, l’aide humanitaire bloquée malgré l’urgence
Une manière de pointer l’inertie diplomatique en la matière. « S’il existe une volonté politique d’autoriser les largages aériens, qui sont très coûteux, insuffisants et inefficaces, il devrait y avoir une volonté politique similaire pour ouvrir les points de passage », abonde le chef de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), Philippe Lazzarini, sur X.
6 000 camions de l’agence, bloqués en Égypte, attendent le signal pour délivrer l’aide massive dont la population a cruellement besoin. La coordination par l’ONU a fait la démonstration de son efficacité lors du cessez-le-feu entré en vigueur le 19 janvier de cette année et auquel Israël a unilatéralement mis fin le 18 mars.
« L’aide a atteint toute la population de Gaza dans la sécurité et la dignité. Elle a permis d’enrayer la famine qui s’aggravait sans détournement d’aide », poursuit Philippe Lazzarini. Selon le Centre d’études internationales et stratégiques, la livraison par les airs peut multiplier le coût de l’acheminement par quarante-deux pour un tonnage moins important que par voie terrestre.
