Israël bientôt visé par des mandats d’arrêt internationaux ?

Publié le par FSC

Elisabeth Fleury
L'Humanité du 30 avril 2024

Des génocidaires visés par la CPI en concertation...

 

Tandis que les tractations sur un éventuel cessez-le-feu se poursuivent entre Israël et le Hamas, la Cour pénale internationale serait sur le point d’émettre des mandats d’arrêt visant, notamment, de hauts dirigeants israéliens.
Des mandats d’arrêt visant des dirigeants israéliens et des responsables du Hamas seraient sur le point d’être émis par la Cour pénale internationale (CPI). À Tel-Aviv, trois noms circulent avec insistance : ceux du chef du gouvernement, Benjamin Netanyahou, du ministre de la Défense, Yoav Gallant et du chef d’état-major de l’armée, Herzi Halevi. L’information, pas encore confirmée officiellement, est jugée suffisamment crédible pour susciter un émoi planétaire.


Ses services de renseignements l’ont-ils averti de l’imminence du danger ? Benjamin Netanyahou, décrit comme « effrayé et inhabituellement stressé » par le journal israélien Maariv, a pris les devants dès vendredi sur les réseaux sociaux. Toute intervention de la CPI « créerait un dangereux précédent qui menacerait les soldats et les responsables de toutes les démocraties qui luttent contre le terrorisme sauvage et l’agression gratuite », a-t-il ainsi déclaré.

« Sous ma direction, Israël n’acceptera jamais aucune tentative de la CPI de saper son droit inhérent à l’autodéfense. » Son ministre des Affaires étrangères, Israël Katz, a volé à son secours d’un lapidaire : « Ceci est absurde. »


Le procureur Karim Khan a-t-il déjà saisi la chambre préliminaire, seule habilitée à délivrer les mandats d’arrêt internationaux ? S’apprête-t-il seulement à le faire ? « Qu’ils soient imminents ou non, ces mandats d’arrêt sont inéluctables », estime l’avocat lyonnais Gilles Devers, très actif auprès de la CPI. L’enquête de cette dernière est particulièrement documentée. Ouverte en mars 2021, elle porte sur des faits commis depuis juin 2014 à Gaza et en Cisjordanie et s’enrichit de toutes les exactions commises depuis le 7 octobre – y compris l’attaque sanglante du Hamas.

Coopération demandée de la communauté internationale


Bombardements délibérés d’hôpitaux ou d’écoles, privation de nourriture et de soins, déplacements forcés… sur la base d’informations des rapporteurs de l’ONU et avec l’aide de centaines d’avocats de toutes nationalités, Me Devers s’applique depuis novembre 2023 à recenser les preuves d’exactions et à les transmettre aux services du procureur. 

« La Cour internationale de justice a rendu des décisions évoquant le risque de génocide, rappelle une source onusienne. Face aux violations massives des droits de l’homme, le silence et l’inaction de la CPI devenaient intenables. Il en allait de sa crédibilité même. » D’autant qu’à l’égard du président Vladimir Poutine, visé dès le 17 mars 2023 par un mandat d’arrêt dans le cadre de l’agression de la Russie contre l’Ukraine, sa célérité avait été largement saluée par Washington.


Ni Israël, ni les États-Unis ne sont membres de la CPI. En tant qu’institution judiciaire, la cour ne dispose pas de sa propre police. Elle compte donc sur la coopération de la communauté internationale pour que les personnes poursuivies soient arrêtées et lui soient livrées. Aujourd’hui, 69 % des armes achetées par Israël proviennent d’entreprises américaines et 30 % d’Allemagne, indique l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm. Pas étonnant, dès lors, que les pressions de Benjamin Netanyahou pour entraver cette procédure visent particulièrement ces deux pays. Avec un certain succès.

« Le droit n’est pas là pour faire joli »


Une action de la CPI contre Israël nuirait aux chances d’un accord avec le Hamas en vue d’un cessez-le-feu et d’un échange otages contre prisonniers, laissaient entendre, ce lundi, des sources américaines. Pour l’administration Biden, la situation est d’autant plus embarrassante que, d’ici au 8 mai, le secrétaire d’État américain Antony Blinken devra dire, devant le Congrès, s’il trouve crédibles les assurances d’Israël selon lesquelles son utilisation des armes livrées par les États-Unis ne viole pas le droit américain ou international. Grâce au soutien de Washington, Israël a longtemps bénéficié d’une totale impunité. Mais le vent pourrait tourner. Selon Doreen Lustig, professeur à l’université de Tel-Aviv, « les tirs sur les convois humanitaires, la destruction des bâtiments hospitaliers universitaires, et surtout l’assassinat des travailleurs humanitaires du World Central Kitchen ont joué contre Israël ».


« Le droit n’est pas là pour faire joli, déclarait Karim Khan, le 2 décembre 2023, à l’issue d’une visite dans les territoires palestiniens. Si Israël ne le respecte pas maintenant, il ne faudra pas venir se plaindre par la suite. » Signe de fébrilité : alors que des prisonniers palestiniens libérés affirment avoir subi en détention des tortures et des agressions sexuelles, des observateurs étrangers viennent enfin d’être autorisés à rendre visite à des détenus palestiniens.

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