Génocide à Gaza : un échange de prisonniers sous une trêve fragile

Publié le par FSC

Christophe Deroubaix
L'Humanité du 12 octobre 2025

 

Alors que la libération des otages israéliens et des prisonniers palestiniens doit débuter lundi 13 octobre, de réels doutes subsistent quant à la volonté du gouvernement israélien de respecter l’accord de trêve.© Bashar TALEB / AFP

 

La première phase d’application du « plan Trump » a commencé à être mise en œuvre. Mais les doutes subsistent sur la suite du processus alors que Benyamin Netanyahou ajoute des conditions.
Tout se déroule comme prévu… pour l’instant. Pas encore officiellement paraphé, le plan proposé par Donald Trump a commencé à être appliqué. Vendredi après-midi, c’est le cessez-le-feu qui s’est imposé. Samedi 11 octobre, conformément à l’accord scellé entre Israël et le Hamas, les deux parties ont commencé à préparer la mise en œuvre du deuxième point capital de cette première phase.
Le Hamas a en effet annoncé avoir commencé à « préparer les otages israéliens restants » en vue de leur libération ce lundi 13 octobre, a indiqué une source officielle auprès du journal israélien Yediot Aharonot. Selon Benyamin Netanyahou, 20 des 47 otages israéliens seraient toujours vivants. Les familles se préparent à les accueillir.
La remise des dépouilles devrait quant à elle demander plus de temps, certaines d’entre elles étant probablement enfouies sous les décombres. D’autres pourraient se trouver aux mains de groupes tels que le Jihad islamique. Or le premier ministre israélien exige que « les otages, morts ou vivants », soient rendus ensemble, se laissant ainsi la possibilité de dénoncer l’accord global si cette demande n’était pas respectée.

Une du ministre de la Défense qui sème le doute


De son côté, Tel-Aviv a confirmé avoir commencé le transfert des prisonniers palestiniens, dont une grande partie a été enfermée illégalement hors procédures judiciaires. L’accord prévoit la libération de 250 Palestiniens purgeant de longues peines dans les prisons israéliennes, en plus de 1 700 autres personnes, dont 22 mineurs, arrêtés à Gaza pendant la guerre. Le gouvernement Netanyahou a décidé de ne pas placer le nom de Marwan Barghouti sur la liste des personnes libérables, un choix édifiant.
Conformément à l’accord signé à Charm el-Cheikh (Égypte), l’opération de libération des prisonniers palestiniens se déroulera sans couverture médiatique directe ni manifestations armées ou festives, comme cela a été le cas lors des échanges précédents. Seule la Croix-Rouge est autorisée à en surveiller le bon déroulement et à signaler des violations éventuelles.


Ici encore, Benyamin Netanyahou entend profiter à plein du « plan » de Donald Trump auprès de la base électorale de sa coalition en valorisant ses gains – la libération des otages, dont il n’a, de fait, jamais fait une priorité – et minimisant ses concessions – réelles mais pourtant minimes au regard de l’enjeu principal de la reconnaissance du fait palestinien.
Les doutes demeurent sur sa volonté de poursuivre la mise en œuvre de l’accord au-delà de sa première phase. Une annonce réalisée par le ministre de la Défense entretient ainsi une suspicion nourrie par le fait que Tel-Aviv a rompu les deux précédents cessez-le-feu. Selon Israël Katz, ministre de la défense, l’armée israélienne va détruire, une fois la libération des otages réalisée, tous les tunnels du Hamas dans le territoire palestinien.

Le plan de Donald Trump révèle déjà son immense faiblesse


Ces opérations seront menées dans le cadre du « mécanisme international (…) sous la supervision des États-Unis », a-t-il précisé. Mais l’accord de Charm el-Cheikh ne stipule rien de tel. Une telle décision devrait relever d’une entité souveraine : soit un État palestinien, au regard du droit international ; soit, selon les termes du plan de Donald Trump, du futur comité que le président états-unien dirigera avec l’ancien premier ministre britannique, Tony Blair comme cheville ouvrière. Cette exigence nouvelle pourra être utilisée, par Tel-Aviv, comme un obstacle à la mise en œuvre de la deuxième phase du plan, voire un casus belli afin de rompre la trêve et reprendre les bombardements.
Le plan de Donald Trump révèle ici son immense faiblesse : négocié phase par phase, il laisse la possibilité à l’une des deux parties de ne pas avancer dans le processus, sachant qu’après la première phase, seul Israël, disposant du soutien des États-Unis et de la puissance de feu, peut réellement en sortir.


Le président états-unien agit néanmoins comme si l’affaire était définitivement réglée. Il s’exprimera lundi devant la Knesset puis se rendra à Charm el-Cheikh pour coprésider aux côtés du président égyptien, Al Sissi, un sommet pour la paix à Gaza, en présence de dirigeants de plus de 20 pays (dont Emmanuel Macron) et du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Un nom manque à la longue liste des invités : Benyamin Netanyahou. Comme si Donald Trump souhaitait entretenir ses alliances, indépendamment de son allié. Ou comme si le premier ministre israélien signifiait que l’accord conclu la semaine dernière ne l’engageait pas outre mesure.
 

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