« Le plan présenté par Trump est miné » : le décryptage de Mustafa Barghouti, leader de l'Initiative nationale palestinienne

Publié le par FSC

Pierre Barbancey
L'Humanité du 30 septembre 2025

 

 

Mustafa Barghouti, membre du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine, se réjouit d’un possible arrêt de la guerre génocidaire menée à Gaza, mais exprime ses craintes après les déclarations de Benyamin Netanyahou.
Pour le leader de l’Initiative nationale palestinienne et membre du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), candidat à l’élection présidentielle de 2005  face à Mahmoud Abbas ayant recueilli 20 % des suffrages, Mustafa Barghouti, le plan en 20 points, s’il peut conduire à mettre un terme au génocide, écarte les Palestiniens de la conduite de leurs propres affaires.


Ce plan présenté par Donald Trump avec, à ses côtés, Benyamin Netanyahou, va-t-il réellement apporter la paix ?

Mustafa Barghouti

Je dois dire ma déception concernant deux points fondamentaux. Tout d’abord le parti pris total du président états-unien pour la partie israélienne. Il n’a même pas prononcé les mots « en finir avec l’occupation ». Il a même assuré qu’il comprenait le rejet par Netanyahou d’un État palestinien.
De quelle paix parlons-nous si l’idée même de la fin de l’occupation n’est pas mentionnée ? Mais, évidemment, tout le monde veut mettre fin à cette guerre génocidaire. Si Israël est forcé d’arrêter la guerre, il s’agit bien sûr d’une chose positive.
De même, l’objectif israélien de nettoyage ethnique total de la bande de Gaza n’a pas été atteint, même si le territoire est totalement détruit. Ce plan présenté par Trump est en fait rempli de mines qui pourraient mettre en danger sa mise en œuvre même. Il ignore les Palestiniens et les causes du conflit : l’occupation et l’apartheid.
La plus grosse interrogation réside dans ce que qu’on peut attendre de l’attitude d’Israël une fois qu’il aura récupéré ses prisonniers ou, comme ils sont appelés, ses otages. Est-ce que Netanyahou va reprendre la guerre ? Quelles sont les garanties qu’il ne s’engagera pas dans cette voie ?

Les déclarations de Netanyahou ne vous apparaissent-elles pas rassurantes ?

Mustafa Barghouti

Lors de la présentation du plan, le premier ministre israélien a déclaré deux choses. La première est que le retrait de ses troupes, tel qu’il est prévu, se fera lentement. Nous avons également vu cette carte mentionnant un retrait graduel, ce qui est particulièrement dangereux parce que maintenir des soldats dans la bande de Gaza n’est rien d’autre que maintenir les causes d’une explosion. Le deuxième argument préoccupant développé par Netanyahou réside dans ce droit qu’il se donne de reprendre la guerre pour n’importe quelle raison.
Nous savons que les Israéliens excellent dans cet exercice, celui d’inventer des causes pour pouvoir faire ce qu’ils veulent (la trêve conclue en janvier sous l’égide des États-Unis a été rompue unilatéralement quelques semaines plus tard par Benyamin Netanyahou – NDLR).
Tout cela ne rend pas tellement optimiste. D’autant qu’il faut ajouter un troisième point : les Palestiniens sont totalement écartés, la représentation officielle palestinienne est exclue. Ce plan prévoit ce qu’ils appellent un « conseil d’administration international » pour gérer Gaza. Quelle loi leur permet de venir et de nous prendre en main, nous Palestiniens, plutôt que de respecter notre droit à nous gérer nous-mêmes ?


Le Hamas peut-il accepter ce plan ?

Mustafa Barghouti

C’est une décision très difficile à prendre. Est-ce que le Hamas et les autres groupes palestiniens réalisent l’importance de mettre fin à cette guerre génocidaire ? Chaque jour, près de cent personnes sont tuées.
Israël détruit maintenant la cité historique de Gaza. Et il y a cet élément important qu’il est possible d’empêcher le nettoyage ethnique de Gaza. Mais, comme je vous l’ai dit, il y existe beaucoup de mines à l’intérieur de ce plan.


De quoi Donald Trump parle-t-il lorsqu’il évoque des réformes de l’Autorité palestinienne ?

Mustafa Barghouti

Ce n’est absolument pas clair. S’agit-il de réelles réformes démocratiques, de l’organisation d’élections présidentielle et législatives, ou s’agit-il de faire de l’Autorité palestinienne un simple sous-agent pour la sécurité d’Israël ?

Le nom de Tony Blair a été évoqué pour faire partie de ce Conseil d’administration international. Qu’en pensez-vous ?

Mustafa Barghouti

C’est l’idée la plus terrible. La pire menace est l’imposition d’une domination étrangère aux Palestiniens de Gaza, qui séparerait la bande de Gaza de la Cisjordanie et saperait tout potentiel d’un État palestinien indépendant. Tony Blair n’a rien à faire dans l’administration de Gaza.
Nous nous sommes déjà trouvés sous la domination coloniale britannique auparavant (durant la période dite de la Palestine mandataire de 1920 à 1948 – NDLR). Nous nous sommes battus pendant des décennies pour nous débarrasser de ce colonialisme. Puis il y a eu l’occupation israélienne. Il est inacceptable qu’une personnalité étrangère gère Gaza, surtout avec la réputation que traîne Tony Blair (premier ministre britannique lors de l’invasion de l’Irak en 2003 – NDLR).

 

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