Le PS et l’IHS-CGT censurent Annie Lacroix-Riz et Michel Etiévent

Publié le par FSC

Le 26 septembre 2013, la mairie de Paris avec l’IHS CGT (l’Institut d’Histoire Sociale) organisait un colloque en mémoire d’Ambroise Croizat. Alors que le PS travaille méticuleusement à la casse de la sécurité sociale (cette politique ne date toutefois pas d’aujourd’hui : rappelons-nous entre autres la CSG de Rocard, la réforme hospitalière de 1991, etc...), les deux principaux auteurs ayant travaillé sur le personnage d’Ambroise Croizat, son histoire et son action en tant que ministre des travailleurs, en ont été systématiquement écartés. Le plus scandaleux, c’est que l’IHS CGT a prêté son concours à cette odieuse manigance. Nous publions ci-dessous les réactions des protagonistes ainsi que quelques-uns de leurs nombreux soutiens (Michel Etiévent nous fait part de la réception de plus de 8.000 messages à ce jour).

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Message de Michel Etiévent :

Alors que je travaille sur Ambroise Croizat depuis 30 ans (auteur des 2 seules biographies existantes sur le personnage, 219 conférences sur son œuvre et sa modernité en France en 2 ans pour la CGT, le PCF, les associations, les municipalités, les lycées, le front de gauche…, nombre incalculables d’articles dans les journaux dont l’Humanité, trois émissions sur France Inter (Là-bas si j’y suis avec Daniel Mermet et François Ruffin), plusieurs sur FR3, un film "De mémoires d’ouvriers" de Gilles Perret (5.000 entrées), bataille pour faire entrer Ambroise Croizat dans le dictionnaire Robert, pour le faire entrer dans le Larousse, dans les livres scolaires (depuis la rentrée 2013), sur les places, dans les noms de rues, sur les stèles…), je viens d’apprendre avec colère et étonnement que je ne figurais pas parmi les intervenants du colloque Croizat organisé par la Mairie socialiste de Paris en partenariat avec l’IHS CGT et le Comité "d’honneur" Ambroise Croizat.

Ne faut-il pas rechercher les motifs de cette éviction comme me le suggèrent de nombreux camarades atterrés par cet ostracisme et le choix des universitaires présents pour parler du ministre des travailleurs (le mot rappelle quelque chose aux communistes), dans la crainte des organisateurs de ma liberté de ton qui, ils le savent, me conduirait entre autres à m’interroger ouvertement et publiquement à la tribune de la mairie de Paris sur la politique sociale du gouvernement socialiste qui va à l’encontre de celle qui a porté et animé toute la vie et le combat d’Ambroise Croizat. La casse de la Sécu et de l’œuvre du "ministre des travailleurs" continue et le gouvernement actuel (socialiste et ses ascendants) n’ont cessé de le faire. Ils se sont opposé dès le début à la sécurité sociale et à Croizat, ont refusé de voter le statut de la fonction publique, la nationalisation d’EDF-GDF ; ils ont continué avec la CSG de Rocard, les décrets de déremboursements et de casse hospitalière de Georgina Dufoix en passant aujourd’hui par l’ANI, la dégradation permanente de la protection sociale instauré par le CNR, la casse des retraites, la mort de l’hôpital public.

Il est certain que les universitaires choisis pour parler de Croizat ce jour-là ne risqueront pas de poser ces questions. La plupart affidés au PS vont tout bonnement se contenter de reprendre et redire mon travail en l’épurant, bien sûr. J’en connais certains, l’un (CNRS) ne connaissait pas l’œuvre de Croizat avant que dans un travail collectif je le lui apprenne. L’autre sorti d’on ne sait où l’an dernier, reprend et se sert régulièrement de mon travail et rien d’autres. Tous viennent bizarrement d’apparaître (sans jamais avoir travaillé sérieusement sur Ambroise Croizat. Aucun n’a fait paraître de travaux sur le personnage) alors que nous ne les avions jamais entendus, alors qu’il n’ont jamais à aucun instant participé aux luttes que nous avons menées depuis des années pour la reconnaissance d’Ambroise Croizat.

Amitiés

Michel Etiévent


Autre message de Michel Etiévent

Dans une lettre adressée à tous (sauf à moi, évidemment...), l’IHS CGT tente confusément (et en des termes qui révoltent des centaines de copains), d’expliquer mon éviction en rajoutant au scandale de mon exclusion et de celles des communistes, un mensonge...

Contrairement à ce qui est dit dans cette lettre, non ! je n’ai jamais reçu aucune explication, je n’ai jamais été averti préalablement pour préparer le colloque, on ne m’a jamais téléphoné ou écrit pour la préparation de la journée, je n’ai jamais été associé à la conception du colloque par les trois organisateurs ! J’ai juste appris brutalement mon absence comme tout le monde, sans autre forme d’explication. Mais ce n’est pas la première fois que cette éviction est tentée, sans compter tous les rétentions d’information, le silence de mes actions, de mon travail, de mes multiples conférences, émissions de radio, de télé, de films sur Croizat, travaux pour faire entrer Ambroise dans tous les livres scolaires comme je viens de le faire en septembre 2013. Il est dommage que des petits égoïsmes personnels viennent ainsi gâcher tout ce beau travail de réhabilitation de Croizat effectué depuis 20 ans par des milliers de militants de base.

Mais Je croyais ce genre de pratique disparue… Ce soir mardi, 5.000 mails de soutien, prises de paroles révoltées me sont parvenues. Je remercie tous ceux qui ont ainsi conservé le gout de la dignité que nous a enseigné Ambroise Croizat.

Michel Etiévent


Lettre d’Annie Lacroix-Riz suite à nos deux évictions politiques du colloque Croizat

Lettre d’Annie Lacroix-Riz, spécialiste de l’histoire du mouvement ouvrier, ulcérée par notre éviction politique (la sienne et la mienne) du colloque "Croizat" organisé par la mairie de Paris, du comité "d’honneur" Ambroise Croizat, l’IHSCGT National, au profit d’universitaires découvrant soudainement Croizat et peu enclins à poser les vraies questions de la casse quotidienne de son œuvre... (je ne savais malheureusement pas qu’Annie avait elle aussi été évincée. Si je l’avais su, je l’aurais évidemment, comme mes nombreux amis choqués, fortement associée à toutes mes protestations.


« J’ai signalé le 14 septembre cette éviction particulièrement choquante à Catherine Vieu-Charier, avec laquelle j’ai participé, ce jour-là, à un débat sur le CNR à la fête de l’Huma – je lui ai également précisé que j’étais étonnée de ne pas avoir été invitée, alors que j’avais largement traité d’Ambroise Croizat, en tant que ministre du Travail – précisément le sujet dudit colloque –, et de sa politique des salaires dans ma thèse d’État [« CGT et revendications ouvrières face à l’État, de la Libération aux débuts du Plan Marshall (septembre 1944-décembre 1947). Deux stratégies de la Reconstruction », 4 vol. (2 de texte : 1215 p., 2 de notes : 978 p. + table des matières, index et errata), Paris I, 7 novembre 1981], dans un ouvrage tiré de cette thèse, La CGT de la Libération à la scission (1944-1947), Paris, Éditions Sociales, 1983, 400 p., et dans plusieurs articles universitaires, parmi lesquels le suivant : « Un ministre communiste face au problème des salaires : l’action d’Ambroise Croizat de novembre 1945 à mai 1947 », Le mouvement social, avril-juin 1983, p. 3-44). Certes, ce sont des travaux anciens, mais dont l’étai archivistique demeure solide. Il ne fait aucun doute que Michel (Etiévent) et moi-même avons consacré autant ou plus de volume de nos travaux (avec consultation des archives correspondantes) que les universitaires qui ont pratiqué cet ostracisme. Mais il n’est pas besoin de mettre des guillemets à « universitaires » : ce sont en effet des universitaires de plein exercice, œuvrant dans un contexte de droitisation et d’exclusion fatals à la curiosité historique et à l’histoire dite critique, atmosphère régnant de longue date (voir mon ouvrage L’histoire contemporaine toujours sous influence).

Catherine a invoqué la maîtrise du choix des participants par le « comité scientifique » du colloque – constitué de mes collègues universitaires qui, m’ayant évincée de tout, n’avaient aucune raison de changer d’attitude. À ce sujet, je suis d’ailleurs surprise que Michel, certes légitimement ulcéré par sa mise à l’écart, n’ait pas pensé à m’associer dans la protestation, alors que j’ai immédiatement réagi à son éviction. Je transmets le présent courriel à la JC de Paris, organisatrice du débat évoqué ci-dessus, à Catherine et à son cabinet à la mairie de Paris (son directeur de cabinet était présent au débat de la JC), ainsi qu’à Élyane Bressol, présidente de l’IHS de la CGT, qui a sans doute, comme annoncé, ouvert le colloque tenu jeudi dernier 26 septembre. Je le communique également à mes collègues Michel Margairaz et Michel Dreyfus, qui ont contribué à ce colloque sur « l’action » d’Ambroise Croizat, « négligée par la recherche historique » (les thèses d’État étant désormais exclues de la catégorie ?) et dont j’ai, à cette occasion, appris qu’ils étaient devenus "spécialistes" d’« Ambroise Croizat, ministre du Travail ».

Amitiés (à tous),

Annie Lacroix-Riz


Démission de Michel Etiévent du comité d’honneur Ambroise Croizat

Chers amis et camarades, veuillez trouvez ci dessous copie du courrier que j’ai envoyé ce jour au Comité d’honneur Ambroise Croizat et à son animateur Monsieur Lamirand.

Michel Etiévent


Aux Membres du Comité d’honneur Ambroise Croizat

Objet : Démission du comité d’honneur Ambroise Croizat

Le 29 septembre 2013

Monsieur l’animateur du Comité, Madame, Monsieur,

Puisque vous n’avez pas jugé mon travail suffisamment important, intéressant et « rigoureux » pour m’intégrer dans les conférenciers du colloque Croizat organisé par la mairie de Paris, L’IHS, le comité d’honneur, (j’ai découvert mon éviction sur le carton d’invitation, sans n’avoir jamais été préalablement consulté ou contacté ou tout simplement averti avant le choix des intervenants), je ne vois pas quel sens vous pouvez désormais donner à ma présence au sein du comité d’honneur « Ambroise Croizat ». Veuillez donc recevoir ma démission. Je vous demande en conséquence de retirer immédiatement mon nom de la liste des membres du comité d’honneur Ambroise Croizat.

Vous ne pouvez ignorer que depuis plus de 20 ans, j’œuvre sans cesse pour la reconnaissance d’Ambroise Croizat, le syndicaliste, le ministre, le communiste, l’homme et surtout ce qui semble le plus gêner : l’actualité brûlante et la modernité de son message et de son œuvre (le rappel constant de cette dérangeante actualité au fil de mes conférences est sans doute ce que l’IHS dans une lettre embarrassée et confuse adressée à tous sauf à moi, qualifie « d’instrumentalisation »…).

Je ne rappellerai pas les nombreuses conférences (217 en 2 ans aux quatre coins de France pour la CGT, le PCF, le Front de gauche et bien d’autres associations, mairies, collèges, écoles, lycées, universités…), inaugurations de rue, de places, de lycées, l’entrée d’Ambroise dans le dictionnaire Le Robert, des émissions de Radio (3 émissions sur France inter à 600.000 auditeurs chacune), dans des films documentaires (dont Mémoires d’ouvriers de Gilles Perret), de multiples interviews à la télévision, l’entrée dans tous les livres scolaires de terminale, économie, sciences, techniques et sociales. J’ose également vous rappelez que je suis l’unique biographe (2 ouvrages à 20.000 exemplaires) que vous avez en d’autres temps fortement encensés. Je peux, je crois sans prétention aucune estimer que mon travail n’est pas étranger à toutes les avancées qui ont permis de donner à Ambroise Croizat la place qu’il occupe enfin aujourd’hui dans l’histoire sociale et l’histoire tout court.

Je ne peux et ceci semble encore plus important aux yeux de milliers de camarades qui m’ont apporté leur soutien par 6.000 messages d’indignation et de colère, cautionner la dénaturation et l’étouffement de la modernité sociale et révolutionnaire du message d’Ambroise à l’heure de la casse sociale de tous ses conquis. Et ceci par le recours à des universitaires intitulés soudainement « experts » ou « spécialistes » pour l’occasion et qui aux dires de nombreux camarades et chercheurs ont gardé un étrange silence jusqu’à aujourd’hui sur son éviction de l’enseignement, des recherches, et ne l’ont évidemment jamais mis en avant dans leur cours, leurs ouvrages (Aucun n’a publié de livres sur le sujet ! Dans mes longues années de recherches, je n’ai jamais croisé leurs noms ou leurs travaux. L’un d’eux ne savait pas quelle était l’œuvre d’Ambroise Croizat avant que je le lui apprenne lors d’un travail collectif…).

Je ne peux cautionner cette entreprise qui consiste à enfermer l’œuvre du ministre des travailleurs dans un discours purement consensuel, nostalgique et événementiel (se contentant d’usurper mon travail en le dénaturant), se gardant bien de poser les vraies questions essentielles aujourd’hui pour de nombreux militants. Cette volonté d’anesthésier l’œuvre d’Ambroise va de pair avec une minimisation constante de mon travail (pour ne citer que les dissimulations et rétentions d’information sur mes conférences par exemple, mes multiples interventions ou mon dernier ouvrage au centre de l’œuvre de Croizat intitulée « La sécurité sociale, une grande conquête de la dignité »…) par son animateur Monsieur Lamirand et ceci malgré mes rappels répétés par mails jamais suivis d’effet et que l’animateur s’est bien gardé de communiquer aux membres du comité.

Vous dire combien cette éviction à la croisée « d’ego » personnel et de calculs politiques m’a profondément blessé. Je n’ai pas le même sens de l’honneur et de la fraternité. Pour l’heure je poursuis et avec quel bonheur mes conférences sur le terrain avec militants, camarades et bien d’autres, conscients de l’importance du message fortement actuel d’Ambroise Croizat qui nous a donné le goût de la dignité (19 conférences avant fin décembre : CGT, PCF, Front de gauche, dans le calendrier que j’ai envoyé à tous).

Salutations

Michel Etiévent

Copies envoyées à tous mes soutiens, aux UD CGT, UL CGT, fédérations du PCF…


Réaction d’Annie Lacroix-Riz

« Merci de m’avoir mise en copie de la communication de ta lettre de démission à tes correspondants habituels.

Je profite de l’occasion pour faire connaître à ces derniers :

1° ma réaction à un courrier du 28 septembre de Lucien Pons, légitimement indigné de ta mise à l’écart du colloque parisien sur Ambroise Croizat, réaction communiquée à plusieurs des organisateurs et participants dudit colloque ;

2° notre récent échange à ce sujet, datant du 28 septembre aussi.

Ceci me fournit l’occasion de préciser à tes correspondants que l’ostracisme ne dépend pas seulement du statut des intervenants, universitaire ou pas ; il sanctionne avant tout leur conception de l’histoire : l’histoire en général, les commémorations officielles à fortiori, doivent pour obtenir publicité se borner à « un discours purement consensuel, nostalgique et événementiel » ‑ et j’oublie la « repentance » et autres concepts en vogue –, bref, penser et écrire conformément à la doxa. C’est dire l’urgence de la réappropriation de l’histoire scientifique par le courant progressiste, syndical et politique. »

Amitiés

Annie Lacroix-Riz

Publié dans Luttes - actualités

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