Spoil system macronien contre fonction publique à la française !
Macron entend utiliser l'affaire Benalla qui pourtant révèle la tendance macronienne à ne pas faire confiance y compris en matière de sécurité aux structures publiques, pour précisément tenter de faire encore plus le ménage dans ces structures et installer les hommes/femmes de son clan!
Spoil system :
système américain qui permet au président de changer les directeurs d'administration après son élection
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SOURCE : le site de Danielle BLEITRACH Histoire et Société

Aux Etats-Unis , le spoil system ou système des dépouilles est une pratique inaugurée sous la présidence d’Andrew Jackson (1829-1837)selon laquelle un nouveau gouvernement, devant pouvoir compter sur la loyauté partisane des fonctionnaires, substitue ceux qui sont en place par des fidèles.
Le principe en est de considérer que le peuple donne mandat au gagnant pour choisir les fonctionnaires dans ses rangs. Qui plus est, la justification en est que le service public ne doit pas être réservé à une élite mais accessible à tous, tous les obligés du président surtout. On imagine à quel point ce système est contradictoire avec la permanence de la fonction publique, des grands commis de l’Etat, soustraits aux pressions et à la démagogie du pouvoir politique, qui veut caractérisr la France et sa méritocratie institutionnelle, de Colbert au statut de la fonction publique de Maurice Thorez, en passant par Fouché le vieux révolutionnaire fondant la police du retour des rois.
L’audition des commissions des Lois, celles du Sénat en particulier nous a confronté à la permanence et l’urbanité de ce monde-là. C’est de la politique mais aussi sa livre de chair humaine, les passions de la Comédie humaine de Balzac. La littérature, encore une passion française nous dépeint ce monde où le gendarme issu du monde rural rencontre le député communiste tous deux mettant leur vie au service du pays et se reconnaissant sous la houlette du paternel notable, tous hérissés par les moeurs de voyou. La France profonde, celle qui monte des campagnes, des usines… et qui rencontre le bourg où sévit le monde de madame Bovary. Les voyous bien en cours veulent leur en conter.. ..
Il est clair et Macron ne l’avait pas caché durant sa campagne électorale, son « libéralisme » et son autoritarisme s’accommodent mal avec la conception française de l’Etat républicain.Il avait promis de « changer » ou de « confirmer l’intégralité des postes de direction dans la fonction publique ». Un serment jusqu’ici partiellement mis en œuvre et face auquel l’affaire Benalla sert de révélateur mais ce n’est que le premier round, le jeune Rastignac qui a été promu par le Capital, certainement va tenter de l’utiliser pour activer le spoil system doublé d’une vocation au management dans l’entreprise.Il n’a visiblement rien compris, rien appris et la morgue d’Edouard Philippe à l’Assemblée Nationale dit l’angle d’attaque choisie, celui qui n’est pas avec moi est contre moi.
Il y a quelque chose de fascinant pour un sociologue d’assister à la rencontre entre les institutions de la Ve république et "l’aventurier" Macron, la rencontre entre les caractéristiques séculaires de la société française et ce groupe de technocrates envoyés à l’assaut de l’Etat par un capitalisme qui a prospéré sous la Ve , connu une apogée paradoxale sous Mitterrand et attend les retombées des réformes .
Un viol permanent après le coup d’Etat permanent… Nous sommes à l’acte I, mais cela se jouera peut-être comme l’a dit Alain Minc dans l’insurrection ou en tous les cas dans une de ces mobilisation dont la France paraît avoir le secret, la France vieux pays de la lutte des classes décrit par Marx. En attendant Macron s’escrime à tenter d’utiliser le communautarisme, les avides du lumpen prolétariat et les pseudos élites des start up pour leur faire barrage. La guerre est déclarée , l’individu est puéril, capricieux et se prend pour un surdoué à force de s’entourer de quelques produits excentriques de l’ENA, le cercle véritablement rapproché, dont Benalla n’est que le groom prêt à tout.
La pratique du management dans l’entreprise uni au spoil system mériterait une longue étude, contentons nous de décrire ces têtes à têtes avec les hauts fonctionnaires pour tester leur loyauté et la confiance qu’il fait à ses proches pour en juger.
Ses proches y compris Benalla, mais il y en a d’autres… Disons que son fonctionnement est aux antipodes de la forme parti : pas de véritables adhérents en dehors de ceux qui sont dans l’aura du maître, pas de formation politique, des techniciens chargés de répéter la parole de celui qui se prend pour le Roi soleil pour en détruire l’oeuvre et dit l’Etat c’est moi, pour mieux le mettre à bas, . .
Un cercle de proches et une déstabilisation constante, une transformation des ministères en simples postes techniques avec parfois des périmètres de compétence concurrentiel, tout est fait pour remonter jusqu’à lui et lui seul.La chose à laquelle il ne s’est vraiment pas intéressé est la création d’un parti et le fait d’avoir placé Castaner dans la position inconfortable d’être à la fois le chef de ce parti fantôme et des relations avec le parlement illustre le problème autant que les comportements des députés de LeReM, des gens qui n’ont aucune assise et qui flottent en l’air soutenus par la seule faveur du maître.
La rencontre entre cet individu et la France fut-elle depuis des décennies soumise à des régimes, pensons à Sarkozy, qui ont tenté ce genre de destruction sans pouvoir toutefois aboutir ne peut que multiplier en période de crise nationales, européenne, internationale à exaspérer les blocages et favoriser les prétexte pour les faire sauter violemment en multipliant les oppositions. Giscard, un autre « moderniste » a réussi à abattre le gaullisme en utilisant le pouvoir des notables, cette vieille lutte est là dès les origines de la Ve qui périodiquement laisse échapper dans ses fractures le bouillonnement des exploités.
Ce qui peut faire dire que l’affaire Benalla commence à peine. Non pas que ce petit jeune homme à la tête gonflée et ivre lui aussi des miettes du pouvoir et de son absence supposée de limites, mais le petit jeu des divisions et des exaspérations et de la manière folle de prétendre les lever.
L’affaire Benalla, un moyen pour Macron de reprendre enfin la main sur la haute fonction publique?
Depuis le début du scandale, la communication du chef de l’Etat mais aussi du ministre de l’Intérieur montre du doigt ces grands serviteurs de l’Etat, accusés de porter une part de responsabilité dans le « dysfonctionnement » Benalla. Et en premier chef le directeur de cabinet de l’Elysée Patrick Strzoda, agent à la carrière sans faille pris en faute pour ne pas avoir saisi la justice après avoir pris connaissance de la vidéo montrant Benalla frapper un manifestant.
On a assisté également à une sorte de rébellion de cette haute fonction publique qui n’a pas hésité à renvoyer l’exécutif à sa responsabilité, ce que Macron a fini par devoir assumer devant sa « bande » en se considérant effectivement comme responsable tout en étant selon sa fonction intouchable. Des interprètes de la situation affirment qu’il a été contraint et il l’a été mais aussi qu’il tente d’utiliser cette affaire pour procéder à la purge de la haute fonction publique, imposer ses méthodes. Ses méthodes sont donc en référence avec le spoil system mais aussi l’appel grandissant aux services privés. On Mesure bien que ce qui est imposé à la haute fonction publique va de pair avec le démantèlement de tout le service public. Loin d’être un incident, l’affaire Benalla est une illustration de ce qui est envisagé pour le pays.
« Il va falloir s’en occuper » aurait-il expliqué.
Cette promesse de « changer » ou de « confirmer l’intégralité des postes de direction dans la fonction publique » n’a jusqu’ici été réalisée que partiellement – avec quelques changements effectués au sein de l’Education nationale, notamment.
"Jusqu’à présent, nous nous sommes montrés plutôt conciliants", assure un proche d’Emmanuel Macron au Figaro. "En arrivant, nous avons laissé aux hauts fonctionnaires le choix de rester travailler avec nous ou de partir si cela leur posait des problèmes. Apparemment, certains qui avaient des problèmes sont restés. Il va falloir s’en occuper. »
Donc l’affaire Benalla ne va pas s’arrêter là d’abord parce que la guerre est ouverte dans la haute fonction publique et que les révélations vont se succéder, mais aussi parce qu’à la rentrée cette guerre de sommet a toute chance de s’étendre à tout le service public, agents de l’Etat, mais surtout missions asphyxiées. Une course de vitesse sera-t-elle engagée entre le petit jeu des révélations distillées comme le supplice de la goutte d’eau et qui viennent contredire les affirmations énoncées la veille, chaque intervention dans les médias étant contredites par une vidéo, un preuve sortie des dossiers. Quelle sera la réaction de ceux qui n’en peuvent plus des hausses, des carences organisées en matière de santé, de protection, une vie à crédit comme aux Etats-Unis? Une crise de légitimité et des troupes de réserves étonnement silencieuses, je veux parler des syndicats, tout ce qui a été nié, méprisé.
C'est ce qu'annonçait d’ailleurs le discours du député communiste Chassaigne qui dénonçait comme l’ensemble des oppositions l’arrogance de la dérive monarchique inscrite dans les institutions de la Ve qui avaient d’ailleurs été imaginées par De Gaulle pour le comte de Paris, mais qui a été le seul à lui donner toute sa dimension sociale (1).
La vraie question n’est-elle pas celle qui entraîne l’abstention massive à savoir le sentiment que la politique ne mène nulle part sauf si comme Benalla on accepte de jouer les nervis du pouvoir et du patronat. Chassaigne sur LCI s’interrogeant sur cet OVNI, décrivait ce monde là en se demandant ce qu’il était passé par la tête du capital de se donner pareils individus manquant à ce point d’intelligence face à la réalité qui les entoure.
Il était lui aussi dans l’au-delà du politicien pour s’étonner de cet épisode incongru, avec des gens imbus d’eux-mêmes, incapables d’apprendre…
Danielle Bleitrach
(1) Dans son très beau discours, Melenchon qui est resté sur les institutions et l’Etat, a eu un moment fort quand il a souligné à quel point la République avait arrêté la citoyenneté à la porte de l’entreprise.. De ce point de vue il y a eu un moment historique, celui où il existait un parti communiste implanté dans les couches populaires avec des cellules d’entreprise qui a été en capacité de faire monter dans l’Etat, y compris la fonction publique, les revendications ouvrières et c’est ce conquis qui est en cause, depuis que grâce au Congrès de Martigues, et à la « mutation de Robert Hue, la citoyenneté s’est effectivement arrêtée à la porte de l’entreprise.Macron se croit moderne parce qu’il renoue avec les techniques du management qui ont un peu plus renforcé l’exploitation et l’auto-exploitation. Une association d’hommes des « ressources humaines » pour gérer le pays de la lutte des classes.