2018 : POITIERS, souvenir de la Bataille du Rail !

Cheminots, année de grève: la nouvelle bataille du rail
Souvenir ombragé par les Gilets jaunes: les cheminots ont mené un combat féroce pour défendre le fret, salut économique et écolo de la SNCF.
E n montant dans le train pour Paris, je me doutais que c'était historique. Arrivée sur les Champs-Élysées, je n'avais plus de doute. Christelle Berger, cheminote poitevine, a pris place le 22 mars dans le wagon pour Paris depuis Poitiers. La journée annonce une forte mobilisation de la corporation. Les cheminots se battent alors pour leur statut, le fret et la défense d'un service public de qualité.
Un TGV sur cinq en circulation, un TER sur deux, un Transilien sur trois, un Intercité sur quatre, trois trains internationaux sur quatre... « Même les anciens, qui ont fait 1995, n'avaient pas le souvenir d'une telle ampleur », confie Abdelhak Bigaud, secrétaire CGT des cheminots de la Vienne. Les syndicats Sud et CFDT - « les réformistes », charrie le cheminot - se sont joints à la CGT pour organiser le mouvement. C'est dire son aspect inédit. Tant dans le fond que dans la forme.
« Nous prenions la décision de tester une nouvelle méthode de grève », explique Christelle Berger. Les médias l'appellent « grève perlée », mais « ils se trompent », estiment les deux travailleurs de concert. « Ce sont des successions de préavis, ce qui d'ailleurs nous a sauvés pour réclamer nos droits par la suite. »
"Les anciens de 1995 n'avaient pas le souvenir d'une telle ampleur"
A Poitiers, les salariés du rail sont fortement mobilisés. Au 31 jour, ils sont toujours 70% à suivre le mouvement. « C'était moins le cas pour le personnel administratif », regrette Abdelhak Bigaud. Ils sont pourtant en première ligne: sur dix agents, deux postes sont menacés à la gare de Poitiers en 2019. « Leurs postes vont muer en mission de mobilité, affectés de ville en ville selon les besoins. Un vrai calvaire. »
Les intentions de grève s'annoncent sur la durée. Mais la légitimité peine à imprimer l'opinion publique. « Preneurs d'otage », rétorquent certains. « C'était quand même dur de voir à quel point nous étions malmenés alors que nous faisions tout dans les règles », déplorent-ils: déclaration en préfecture, contre-propositions chiffrées et réelle défense de l'environnement par la relance du fret. « Du concret quoi », comparaison avec les actions « Gilets jaunes » à peine feinte. « Nous sommes un peu les dindons de la farce sur ce point. » Hors de question, pour les deux cégétistes, de céder à l'air du temps où certains enterrent déjà représentants politiques et corps intermédiaires. « Notre force, c'est notre pédagogie. On ne casse rien. Mais l'on discute, questionne, interpelle. Il nous a fallu trois semaines de conflit avant que les gens ne s'intéressent réellement à nos revendications. Petit à petit, nous faisions des convaincus. » Une méthode au ras du terrain qui laisse entendre, déjà, une potentielle reprise en 2019. « Le déclin du service public reste inenvisageable. »
« Notre seule action envahissante sur la place publique fut de jeter des pneus sur le parvis de la gare de Poitiers », le 7 juin 2018.
Henry Girard