SYNDICALISME NOBLECOURT

Publié le par FSC

LE MONDE début MARS 2021
Douze défis pour l’avenir du syndicalisme

En cette période anxiogène peuplée d’incertitudes, où la crise sanitaire bouche l’horizon, voilà un livre ­roboratif et tonique. Il offre une ­vision optimiste sur l’avenir du syndicalisme si ce dernier cède à l’obligation de changer. Auteurs de nombreux ouvrages sur les relations sociales, Michèle Millot et Jean-Pol Roulleau, consultants et formateurs, formulent au début de leur essai, Renouveau du syndicalisme : défis et perspectives, un constat incontestable : du fait des transformations du travail et du salariat, « le choc est rude pour le syndicalisme, sa base traditionnelle se restreint, le profil du travailleur se transforme, l’individualisme l’emporte sur le collectif, les nouveaux salariés l’ignorent. De là à conclure qu’il est condamné à se réinventer ou à mourir, il n’y a qu’un pas. Pourtant si le monde change, la raison d’être du syndicalisme demeure ».

Compte tenu de l’indifférence des nouvelles générations à son endroit, Michèle Millot et Jean-Pol Roulleau jugent que « pour assurer son avenir, le syndicalisme a pourtant un besoin vital d’une relève. Les valeurs qui motivent les jeunes seraient-elles antinomiques à celles qui habitent le syndicalisme ? Pour devenir attractif, le syndicalisme doit changer son image, ses structures et son langage ».

Savoir « avec qui changer le monde »

S’appuyant sur de nombreuses expériences d’entreprises, où la CFDT a souvent joué un rôle de pionnière, les auteurs identifient douze défis à relever : « Etre partie prenante de l’entreprise ; être acteur dans la gestion de ­l’entreprise ; s’engager pour trouver un repreneur ; le bien-être au travail ; l’éloignement des centres de décision [avec nombre de grandes entreprisesqui ont leur siège à l’étranger] ; la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise ; le défi du ­numérique ; le syndi­calisme de services ; la syndicalisation des non-salariés ; le défi jeune ; le choix entre ­l’engagement et la carrière. »

L’ultime défi consiste à répondre à la question : « Avec qui changer le monde ? » Plusieurs syndicats ont mis en avant leur volonté, au-delà du cadre de l’entreprise, de transformer le modèle de développement et de bâtir une nouvelle société. En mars 2019, la CFDT, la CFTC et l’UNSA, rejointes ensuite par 58 associations, ont élaboré un « pacte pour le pouvoir de vivre ». Un an plus tard, sur un mode plus contestataire, la CGT a élaboré avec Attac et Greenpeace un plan dit de« sortie de crise » ­intitulé « Plus jamais ça ».La cause écologique suscite de nouvelles vocations. En mai 2020, une association, le Printemps écologique, ­fondée par le jeune Maxime Blondeau, a lancé (encore timidement) les « écosyndicats »,avec pour but d’« adapter les modes de gouvernance à l’impératif écologique ».

Loin de théoriser, les auteurs livrent une analyse pertinente et concrète. Quand ils soulignent que, face à des risques de pertes d’emplois, il faut « être à la fois combatifs et constructifs », et plaident pour une « recherche partagée de la performance collective », ils s’appuient sur des exemples. Le plus éclairant est « l’incroyable sauvetage » de l’usine Bosch de Vénissieux (Rhône), où, pour éviter une fermeture et la suppression de 550 emplois, des syndicalistes de la CFDT sont allés, à partir de 2010, négocier au siège du groupe allemand à Stuttgart. Pendant vingt-cinq mois de négociations, le site a continué à produire sans une seule heure de grève. Grâce à la confiance des salariés, le pari a été tenu. En échange d’une 36e heure de travail gratuite, un investissement a permis une nouvelle production.

L’importance du « bien-être au travail »

Michèle Millot et Jean-Pol Roulleau font du « bien-être au travail » un nouveau terrain de négociation. A leurs yeux, il s’agit d’un « combat pour retrouver la maîtrise et le sens de son travail ». La crise sanitaire a montré que cette préoccupation commence à être ressentie par le patronat avec la signature, en 2020, de deux accords nationaux, sur le télétravail et la santé au travail. Mais pour les auteurs, « ces temps de prise de parole représentent une ­véritable révolution et répondent à une aspi­ration grandissante des salariés (…). Cette ­aspiration est enfin reconnue par le syndicalisme ». A charge pour celui-ci de « convaincre la direction de partager son pouvoir d’organisation avec l’intelligence collective des salariés ». C’est loin d’être gagné, mais on pourrait déjà sortir des oubliettes les lois Auroux de 1982 sur l’expression des salariés…

Le numérique peut permettre aux syndicats de consulter leurs adhérents pendant une négociation. Michèle Millot et Jean-Pol Roulleau encouragent le développement de services, en rappelant que « l’entraide fait partie de l’ADN du syndicalisme ». Ils voient dans « l’absence de retour sur investissement  » une des causes du faible taux de syndicalisation : « A la question “Qu’est-ce que je gagne en échange de ma cotisation ?”, difficile d’aligner desavantages. » La conclusion du livre tient en une seule phrase : « Le syndicalisme n’a d’avenir que s’il fait la preuve de son utilité. » Inévitable, ce renouveau du syndicalisme est une ardente obligation.

par  Michel Noblecourt
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