Crise énergétique, crise économique :Soumission européenne et française au suzerain US !
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Article de Baptiste Lambert • Il y a 6 h
Le plan de Joe Biden pour réduire l’inflation et accompagner l’industrie « verte » américaine crée bien des remous dans l’Union européenne. Ce plan à 369 milliards est jugé comme anticoncurrentiel pour l’industrie européenne et en particulier le secteur des voitures électriques. Les relations USA – Europe « sous assistance respiratoire » : von der Leyen ouvre la porte à un nouveau cadre sur les aides d’État pour sauver l’industrie européenne© Fournis par Business AM
Le mal nommé Inflation Reduction Act vise à aider l’industrie américaine à assurer sa transition énergétique, à coups de centaines de milliards de dollars. S’il n’a pas vraiment vocation à réduire l’inflation (au contraire), il apporte des subventions importantes au secteur des voitures électriques. Pour la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, l’Europe doit apporter une réponse appropriée.
Dans l’actu : Ursula von der Leyen appelle à « adapter » les règles relatives aux aides d’État en réponse aux subventions « vertes » des États-Unis.
- « L’Inflation Reduction Act doit nous faire réfléchir à la manière dont nous pouvons améliorer nos cadres d’aides publiques, et les adapter à un nouvel environnement mondial », a déclaré Mme von der Leyen dans un discours prononcé à Bruges, en Belgique, rapporte Politico. « La nouvelle politique industrielle affirmée de nos concurrents exige une réponse structurelle », affirme-t-elle.
- En ce sens, elle ouvre la voie à un élargissement des critères de suspensions des règles sur les aides d’État aux entreprises. L’Union possède en effet des règles très strictes quant aux subventions publiques pour éviter que les États membres ne se fassent trop de concurrence.
- Ursula von der Leyen, par sa position, rejoint plusieurs membres de la Commission, à commencer par le Commissaire au Marché intérieur, le Français Thierry Breton, qui a appelé ce week-end dans le Journal Du Dimanche, à un nouveau fonds européen pour soutenir l’industrie européenne. « Face à une distorsion de concurrence, l’Europe doit réagir », plaidait-il.
L’essentiel : l’UE se dirige-t-elle vers un nouveau plan de relance ?
- La perspective d’un nouveau fonds européen n’enchante pas tous les États membres. À commencer par l’Allemagne, qui pourtant est l’un des premiers concernés de par son industrie automobile.
- Les Allemands rappellent qu’il existe déjà le fonds RePowerEU, qui vise à assurer la transition énergétique du continent. Une nouvelle discussion houleuse s’annonce entre les États membres.
- Sous couvert d’anonymat, un diplomate d’un pays récalcitrant explique son opposition : « Il y a encore de l’argent inutilisé dans le pot, sans parler des prêts qui n’ont pas été utilisés. » Et d’ajouter : « La dernière chose que l’UE souhaite est d’ouvrir un débat sur l’augmentation des fonds européens. »
- Un autre fonctionnaire européen va dans le même sens : « Nous devons savoir clairement quels secteurs seront réellement touchés par l’IRA et dans quelle mesure. Sur cette base, nous pourrons évaluer où un soutien est nécessaire. » « Pourquoi entamer maintenant une discussion très difficile sur de nouveaux fonds si nous pouvons chercher à mieux exploiter ce qui est déjà disponible ? »
Le contexte : la relation commerciale entre l’UE et les USA n’a plus été si tendue depuis l’ère Donald Trump.
- La semaine dernière, le président français a reçu les honneurs d’une visite d’État aux États-Unis. Résultat : beaucoup de beaux discours et de belles photos. En public, Joe Biden a assuré à Emmanuel Macron que l’IRA pourrait être corrigé. Il existe en effet des exemptions pour les pays ayant une relation de libre-échange avec les USA. L’Europe n’en a pas, mais Biden réfléchit à étendre son plan aux pays « alliés », pour que l’Europe puisse en partie bénéficier de cette manne d’argent.
- Dans les faits, des discussions ont lieu en ce moment à Washington entre les fonctionnaires européens et américains. « La réinitialisation transatlantique entre Bruxelles et Washington est sous assistance respiratoire », écrit Politico, qui a parlé à plus de 20 fonctionnaires et décideurs politiques des deux côtés de l’Atlantique.
- Le protectionnisme américain et sa volonté de combattre commercialement la 2e puissance économique mondiale – la Chine – placent l’Europe entre deux chaises. Au sein de l’UE, de nombreuses voix appellent à ne pas se montrer naïfs, aussi bien envers la Chine qu’envers les États-Unis.
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Dans les commentaires de l'article :
Franck Marsal
Qu’es-ce à dire ? A mon avis, la réponse est simple, les hausses de taux ne sont pas essentiellement destinées à lutter contre l’inflation. Elle peuvent être au contraire destinées à financer les aides massives que chacun apporte à sa propre industrie pour la sauver de l’effondrement.
La baisse tendancielle du taux de profit a été depuis de longues années masquée par le développement des bulles financières sans précédent, d’une spéculation hors normes, et l’intervention croissante des gouvernements. Cette politique de financiarisation a atteint ses limites. Le goufre est désormais trop grand pour être masqué. Il va falloir tailler dans la masse, détruire du capital sur une échelle gigantesque. Car, dans la crise qui se développe, tout le monde ne pourra pas être sauvé. Il y aura, comme dans toute crise, des gagnants et des perdants. Les gouvernements eux-mêmes ne sont pas tout-puissants. Leur limite est leur capacité à emprunter de l’argent sur les marchés financiers internationaux, qui sont pilotés, pour l’occident, par le grand capital américain, ses banques et ses fonds d’investissements.
Il faut noter que c’est pour un tel plan de soutien (mal ficelé il est vrai) à l’économie que le gouvernement de Liz Truss en Angleterre est tombé quelques semaines après son arrivée au pouvoir. Le plan avait été mal reçu par les marchés financiers. Ceux-ci estimaient que la signature du gouvernement anglais ne suffisait pas à garantir les fonds nécessaires.
La croissance de l’économie chinoise, suivie par d’autres économies asiatiques, Inde, Indonésie, Vietnam notamment est en train de développer une base élargie et modernisée de production industrielle, qui gagne sans cesse des parts de marché face à la base occidentale et même au Japon. La Chine a réussi à développer sa propre structure de financement interne et internationale, et l’internationalisation du Yuan (la monnaie chinoise) va bon train.
Les USA pour faire face ont choisi de sacrifier leurs alliés : en poussant jusqu’à la guerre la confrontation avec la Russie, le capital américain a privé l’Europe de ses sources d’énergie bon marché. Cette politique avait été préparée de longue date. En s’appuyant sur la Pologne, qui leur est acquise, et l’Ukraine, les USA peuvent contrôler les flux qui alimentent l’Europe. C’est pour cela que les gazoducs NordStream leur déplaisaient profondément ! En passant par la Baltique, la Russie et l’Europe pouvait échanger de l’énergie bon marché hors du contrôle américain. Bien sûr, tout cela a été présenté de manière renversée dnas la propagande de l’OTAN : si l’on détruit les gazoducs NordStream, on prétend que c’est pour défendre la souveraineté énergétique de l’Europe ! Quelle belle souveraineté que voici : l’Europe n’a plus d’énergie, elle se prépare aux coupures d’électricité, elle va “souverainement” dans le mur.
Ce faisant, les USA vont pouvoir assécher et sacrifier l’industrie européenne, espérant ainsi sauver leur propre base du naufrage. Ils réalisent la même chose vis à vis de leurs proches alliés asiatique : Taïwan que l’on prétend défendre de la “menace chinoise”, mais aussi la Corée du Sud doivent ainsi transférer leur production de puces électroniques aux USA. Il n’est pas anodin de ce point de vue que le parti pro-américain DPP ait perdu les récentes élections. Ca au fond, Taïwan n’a rien à gagner dans le jeu guerrier des américains. Il peut y perdre sa principale industrie et son avantage technologique majeur. Déjà, les interdictions d’exportation vers la Chine privent une partie de l’industrie de ses débouchés.
Pour tenir ses alliés dans une politique qui les destabilise profondément, les USA usent de tous leurs pouvoirs, et notamment du pouvoir de propagande et de corruption des élites, afin d’imposer une vision unilatérale de la guerre, empêcher tout dialogue et toute perspective de paix, prolonger le conflit et imposer une coûteuse et stupide guerre économique, aujourd’hui contre la Russie, puis progressivement contre la Chine. On nous dit ça et là que “ça râle”, que les “dirigeants européens” considère que le prix du gaz américain est trop élevé etc etc. Mais force est de constater que cela ne dépasse pas le simple agacement. Pour l’instant, c’est “circuler, y a rien à voir”, “les USA sont notre allié” et “il faut soutenir Zelenski”.
Tôt ou tard, il faudra bien que cela sorte et les communistes ont dans leur histoire et leur formation politique tous les éléments pour porter une réorientation politique majeure.
Mais dans le même temps, les gouvernements – qui soutiennent cette position des banques centrales – engagent des plans faramineux de subvention à l’économie et de déficit public : la France et son bouclier tarifaire, l’Allemagne a annoncé en Octobre un plan de soutien de 200 milliards d’euros et les USA ont suivi le mouvement avec l’IRA à 369 milliards. Tout cela s’accompagne de dépenses militaires en hausse vertigineuse, non pas depuis six mois, mais depuis en réalité depuis plusieurs années. Les dépenses militaires sont un bon moyen pour sauver l’éconnomie capitaliste en faillite.