Patrick Jarry, maire de Nanterre : « La colère ne mène nulle part : ni aujourd’hui, ni hier, ni demain »
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| Le maire de Nanterre, Patrick Jarry, prend la parole dans la cour de Matignon, le 30 juin 2023. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE » |
Existe-t-il à Nanterre des tensions récurrentes entre la police et des jeunes ?
Ici à Nanterre, les relations entre le commissaire de police et la mairie sont des relations normales, marquées d’un réciproque respect. Le commissaire est un fonctionnaire compétent et de manière générale, le travail de la police s’effectue dans les règles. Nous sommes aujourd’hui confrontés à un épisode particulièrement dramatique, un moment très difficile, qui va nous obliger à réfléchir sur les conditions d’intervention de la police et particulièrement de certaines forces de police, comme celles qui sont intervenues mardi matin en faisant usage de leurs armes contre un adolescent, en violation totale de toutes les dispositions légales.
Comment les Nanterriens ont-ils réagi après le meurtre de Nahel et quelle est leur réaction après les violences qui ont eu cours dans la ville ?
Ce meurtre a créé une très vive émotion que les habitants ont exprimé en participant massivement à la marche blanche et en exprimant leur soutien à la famille de Nahel. Il y a une grande tristesse et une profonde indignation. Aujourd’hui, domine l’exigence de justice. Les milliers de personnes qui ont manifesté leur colère voudraient être certaines que la justice sera rendue de manière équitable. Elles n’en ont pas la certitude. Elles sont inquiètes. A la marche, il y avait les Nanterriens dans toute leur diversité. Ils veulent être au côté de la maman de Nahel. Il faut continuer d’entourer cette maman. Ici à la mairie, nous serons toujours à ses côtés et nous la soutiendrons dans toutes ses démarches, notamment auprès de la justice. Les deux premières décisions prises – la mise en examen et le placement en détention provisoire de l’auteur des coups de feu – sont un bon signe. Nous resterons vigilants afin que la justice fasse tout son travail dans la sérénité.
Et concernant les violences et les dégradations importantes ?
Il y a deux sentiments : celui que je viens de décrire, tristesse et colère. Puis il y a la réaction qui consiste à dire : ne défigurez pas votre ville. Lorsque des jeunes dégradent des équipements publics comme le centre social et culturel du quartier du Vieux-Pont, ils détruisent des biens et des services dont les habitants parmi les plus démunis profitent. C’était le cas de Nahel et sa maman qui allaient souvent au centre social pour profiter de ses services. Là, les gens ne comprennent plus. De plus, la colère ne mène nulle part : ni hier, ni aujourd’hui, ni demain. La violence affaiblit le rassemblement dont on a besoin pour revisiter les conditions d’intervention de la police et pour aller vers plus de justice sociale. Nous sommes dans l’urgence de trouver les mots afin de sortir de la violence.
Nanterre est une ville qui se compose de différentes communautés. Y a-t-il des tensions entre ces différentes populations ?
L’histoire de cette ville, c’est l’histoire d’immigrations nombreuses depuis le début du XXe siècle. Une immigration des provinces de France et des immigrations d’Europe du Sud, du Mahgreb et d’Afrique subsaharienne. Nanterre s’est érigée sur l’immigration. Jusqu’au début des années 1960, des bidonvilles bâtis au fur et à mesure par les populations venues là pour travailler entouraient la ville historique. Nanterre a été fabriquée par des migrants. Ce sont nos pères qui ont construit les premières tours de la Défense, pour l’édification desquelles on a rasé les baraques existantes. C’est ce qui fait l’âme de Nanterre. Ça a toujours imprégné la ville.
Qu’attendez-vous de L’État ?
J’attends de L’État qu’il compense les dotations que les villes ont perdues au cours des dernières années. Des actions importantes doivent être entreprises avec détermination et énergie pour les écoles et le logement. Le logement, c’est l’un des plus grands problèmes de la jeunesse aujourd’hui. La question que les citoyens me posent le plus souvent, c’est : « monsieur le maire, comment je fais pour avoir un logement ? ».
Propos recueillis par Yves Bordenave
Le Monde du 1er juillet 2023
