Fadwa Khader, une Palestinienne communiste et déterminée
Axel Nodinot
L'Humanité du 24 septembre 2023
L'Humanité du 24 septembre 2023
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Dans les allées de la Fête de l’Humanité, Fadwa Khader a porté un message pendant les débats auxquels elle a participe : union et justice pour les Palestiniens. © Nicolas Cleuet/Le Pictorium |
« Quand nous avons dû déménager dans la vieille ville de Jérusalem, l’armée a scellé la porte avec de la cire rouge pour nous empêcher d’y entrer ! J’avais 10 ans quand ils ont commencé à bombarder la vieille ville pour l’occuper. C’est ma mère, toujours courageuse, qui m’a influencée, et a fait que j’ai milité dès l’âge de 19 ans. » Les années n’ont rien entamé de sa volonté. Outre son militantisme, elle est aussi directrice générale de l’association Sunflower (tournesol), essentiellement tournée vers l’environnement et vers les femmes, qui y trouvent des ateliers pour confectionner des sacs, qu’elles peuvent ensuite revendre sur les marchés. Une action concrète qui permet à chacune de trouver sa place dans une société palestinienne encore patriarcale.
Le week-end des 15, 16 et 17 septembre, comme chaque année depuis dix ans, elle arpentait les allées de la Fête de l’Humanité, multipliant les rencontres et les discussions, alertant sans relâche sur l’apartheid vécu par les Palestiniens.
« Je crois en la jeunesse et en son engagement, se réjouit-elle. Sans elle, il n’y a pas d’avenir, et nous avons besoin de ses forces. » Quand elle avait l’âge des jeunes qui ont la chance de la croiser, Fadwa Khader a surtout réussi à imposer la question féminine, avec la création d’un comité des femmes au sein du PPP. C’était à la fin des années 1970.
« Lors de la première Intifada (1987-1993 – NDLR), mon mari était à l’hôpital, raconte-t-elle. Les soldats israéliens sont entrés dans la chambre. Il leur a demandé s’ils venaient pour lui ou pour moi. Malheureusement, c’était pour l’enfermer lui. C’était très dur, comme quand ils ont arrêté mes deux fils. Mais il fallait que nous restions fortes, car nous, les femmes, avons mené la lutte quand nos hommes étaient enfermés. On se levait tôt pour peindre des slogans contre l’occupant israélien sur les murs, faire flotter le drapeau palestinien. »
Lors de la seconde Intifada, entre 2000 et 2005, l’État israélien a rouvert plusieurs prisons, dont Damoun, où les 51 femmes palestiniennes détenues ont vu leurs droits et leur dignité bafoués.
L’année dernière, la militante est même victime de violences physiques lors des commémorations liées à la mort de Shireen Abu Akleh, journaliste palestinienne tuée en 2022 par les forces israéliennes à Jénine. Sans respect pour la douleur de la famille, les soldats ont réprimé l’hommage de milliers de manifestants à notre consœur, frappant, tirant des grenades lacrymogènes à bout portant, manquant de faire tomber le cercueil, et laissant Fadwa Khader avec un visage tuméfié et un œil au beurre noir. « J’ai été rouée de coups par l’armée et la police, mais je n’arrêterai jamais, parce qu’il y a une voie, une volonté. Donc nous résistons pour exister et nous existons pour résister, comme le dit notre slogan. Nous continuerons de le faire, avec la jeune génération. »
Du soutien, les Palestiniens en ont besoin, car à Gaza et en Cisjordanie, d’où elle est originaire, leur situation se détériore jour après jour. « Cela fait soixante-quinze ans que nous combattons le gouvernement fasciste et sioniste d’Israël, et ça continuera jusqu’à ce que nous ayons notre indépendance et que nous puissions revenir dans notre capitale, Jérusalem, sans colons ni occupation. »
Pour cette lutte, la responsable du PPP peut compter sur les communistes du monde, y compris en Israël. « On se renforce l’un l’autre, il y a des camarades juifs du Parti communiste israélien qui agissent contre les colons, font entendre nos voix, et sont aussi frappés, voire enfermés, rappelle-t-elle. Nous continuons la lutte, des deux côtés, pour amener de plus en plus de candidats et d’activistes face à l’aile droite et fasciste du gouvernement israélien. Nous avons aussi des souffrances en commun, puisque les criminels sont couverts par le gouvernement d’Israël. Nous continuons donc de nous battre main dans la main. »
L’union et la justice, tels sont les thèmes que la Palestinienne a développés à l’occasion de plusieurs débats à la Fête de l’Humanité, sans jamais faiblir. « Il y a une issue, ce n’est pas une impasse », conclut Fadwa Khader, combative et pleine d’espoir.