Gaza au bord fe la famine

Publié le par FSC

SOURCE : Le Monde du 21 janvier 2024

 


Pendant une distribution gratuite de nourriture, à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 9 janvier 2024. HATEM ALI / AP

Alors que la catastrophe en cours à Gaza a déjà dépassé en ampleur toutes les souffrances que le peuple palestinien a endurées par le passé, la faim menace désormais des centaines de milliers de personnes.

La faim et la famine se sont trop souvent invitées dans la longue tragédie palestinienne. En 1987, le blocus imposé par les milices prosyriennes aux camps palestiniens du sud de Beyrouth fut si sévère que la population assiégée obtint une fatwa l’autorisant à manger des chiens et des chats. De 2013 à 2015, le siège imposé par le régime Assad au camp palestinien de Yarmouk, dans la banlieue de Damas, a causé la mort de centaines de personnes, soit directement de la faim, soit tuées en cherchant de la nourriture.
De même que la catastrophe en cours à Gaza a déjà dépassé en ampleur toutes les souffrances que le peuple palestinien a endurées par le passé, la faim menace désormais à Gaza, non plus quelques milliers de personnes comme lors des sièges de Beyrouth ou de Damas, mais des centaines de milliers.
En effet, il y a déjà un mois, jour pour jour, que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a affirmé que « 93 % de la population de Gaza a atteint des niveaux critiques de faim ». Et l’implacable poursuite des hostilités israéliennes n’a fait, depuis, qu’aggraver cette situation pourtant sans précédent.

Une enclave affamée


Dès le 9 octobre 2023, deux jours après les attaques terroristes du Hamas en Israël, Yoav Gallant, le ministre de la défense israélien, annonce la suspension de la délivrance de nourriture, ainsi que d’électricité et de carburant, à la bande de Gaza. D’autres membres du gouvernement Nétanyahou émettent des déclarations comparables, qui se traduisent, sur le terrain, par une inexorable dégradation de la situation alimentaire des 2,3 millions d’habitants de l’enclave assiégée – du fait des seize années de blocus israélien, 80 % de la population dépendaient déjà, avant le conflit en cours, de l’assistance humanitaire pour se nourrir, alors que seuls 2 % avaient accès à l’eau potable.


Ce n’est que le 15 novembre 2023 qu’Israël autorise l’entrée à Gaza par l’Egypte de 23 000 litres de carburant, à comparer aux 160 000 litres nécessaires quotidiennement pour assurer les services de base. Le même jour, un bombardement israélien détruit la dernière minoterie encore opérationnelle dans l’enclave, où il est désormais impossible de produire localement de la farine. Les réserves sur lesquelles les civils ont pu subsister durant les premières semaines du siège se sont rapidement épuisées, au fil des déplacements successifs de 85 % de la population, chassée des habitations par les bombardements israéliens, et parfois contrainte de chercher un nouveau refuge une ou plusieurs fois.


Les vergers et les champs ont été saccagés par les envahisseurs ou laissés à l’abandon, faute d’irrigation, tandis que le bétail meurt à petit feu, réduisant progressivement la production agricole du territoire à néant.
Le 6 décembre 2023, le Programme alimentaire mondial (PAM) affirme que neuf familles sur dix dans le nord de l’enclave, ainsi que deux sur trois dans le sud, ont récemment enduré un jour et une nuit d’affilée sans la moindre nourriture. Les civils commencent à s’organiser pour survivre avec un seul repas par jour. La moyenne d’eau potable disponible par personne et par jour est alors tombée à un litre et demi. C’était il y a déjà un mois et demi.

Le risque d’épidémies


L’armée israélienne n’a, depuis, desserré que très légèrement son étau sur la bande de Gaza. Il en faudrait bien plus pour enrayer la catastrophe en cours, selon les organisations humanitaires, qui exigent un cessez-le-feu durable afin d’assurer un flux régulier d’assistance vitale et de rétablir le fonctionnement minimal d’infrastructures civiles, pour l’heure détruites ou paralysées.
L’IPC, le sigle anglais de la Classification par phase intégrée de sécurité alimentaire, créée en 2004 dans le contexte en Somalie, considère que l’ensemble de la population de Gaza est désormais entré dans la « phase 3 de sévère crise alimentaire ». Non seulement l’IPC n’a jamais été confrontée à une situation aussi alarmante en vingt ans d’activité, mais elle estime que la moitié des habitants de l’enclave palestinienne a atteint la « phase 4 d’urgence alimentaire » et que le quart est tombé dans la « phase 5 dite de catastrophe ».


Ce sont ainsi 576 000 personnes qui sont, selon l’IPC, « menacées de famine », la situation étant encore plus tragique dans le nord ravagé de la bande de Gaza que dans le reste du territoire. Partout, d’ores et déjà, l’IPC rappelle que les adultes se privent de nourriture pour permettre aux enfants de manger au moins un peu, si ce n’est à leur faim. Et des chefs de famille sont prêts à braver tous les risques pour récupérer un peu d’aide, comme le 11 janvier à Gaza, où des tirs israéliens ont tué un nombre indéterminé de civils rassemblés pour une distribution alimentaire.


L’OMS estime que plus du cinquième de la population de Gaza souffre de maladies infectieuses, avec 180 000 cas d’infections respiratoires, 55 000 cas de gale et autres infections cutanées, ainsi que 136 000 cas de diarrhées chroniques. Les victimes de ces dernières sont pour moitié des enfants de moins de 5 ans, une population particulièrement fragile chez qui les cas de diarrhée ont été multipliés par vingt-cinq depuis le début du conflit.


L’entassement dans des refuges de fortune – où aucune hygiène n’est garantie – explique autant ces chiffres effroyables que la contamination de l’environnement par les bombardements, notamment au phosphore, aggravée par la putréfaction de milliers de cadavres abandonnés dans les rues ou enfouis sous les décombres. La mort d’un soldat israélien, du fait d’une infection fulgurante contractée à Gaza, a illustré la gravité du risque épidémiologique, risque que la menace de famine rend encore plus sérieux.
Pour l’heure, l’ONU estime que 80 % des personnes menacées de famine dans le monde entier se trouvent dans la bande de Gaza. Vous avez bien lu : 80 %, famine, monde entier, Gaza !

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