Black-out sur l’opération militaire israélienne dans l’hôpital Al-Shifa

Publié le par FSC

Par Madjid Zerrouky
Le Monde du 22 mars 2024

 

Lors d’un raid contre l’hôpital Al-Shifa à Gaza, le 21 mars 2024. DAWOUD ABU ALKAS / REUTERS

L’armée israélienne assiège à nouveau le plus grand centre hospitalier de Gaza depuis lundi, affirmant y rechercher des commandants du Hamas et du Jihad islamique. Des milliers de Gazaouis y sont réfugiés depuis des semaines. Treize patients seraient morts depuis le début de l’incursion. Les secours et la presse locale ne peuvent y accéder.

Entrecoupée par l’écho des détonations et le bourdonnement des drones de surveillance, la voix de l’officier israélien s’élève, diffusée par haut-parleur, jeudi 21 mars au matin : « Quittez les bâtiments. Nous vous avons prévenus. » L’armée menace alors de dynamiter l’établissement.
La scène est filmée par une habitante de Gaza, réfugiée dans une aile de l’hôpital Al-Shifa, le plus grand centre hospitalier du territoire palestinien, à nouveau assiégé par l’armée israélienne. « Ils ont arrêté nos hommes. Nous sommes bloqués ici », détaille-t-elle, filmant plusieurs dizaines de femmes et d’enfants assis dans les coursives du bâtiment.


Treize patients seraient morts depuis le début de ce siège de l’hôpital, lundi, selon les services de santé. Parmi elles, quatre personnes placées sous respirateur dans l’unité de soins intensifs, après que l’électricité a été coupée.
Les forces israéliennes auraient depuis procédé à l’évacuation des milliers de personnes réfugiées à l’intérieur. Cette information n’a pu être vérifiée ni par les médias locaux, qui craignent de s’aventurer dans la zone, ni par la défense civile et le Croissant-Rouge, qui disent ne pas être en mesure de répondre aux appels à l’aide des habitants du centre-ville et de l’arrondissement d’Al-Chati, bombardés. Depuis le début de cette nouvelle opération, déclenchée de nuit, le quartier est bouclé. L’armée israélienne nie entraver l’arrivée des secours.

« Il y a des morts »


Mardi, Ezz Lulu, un interne en cinquième année de médecine – injoignable depuis –, lançait un appel à l’aide : « Nous avons été prévenus que toute personne qui s’aventurait dehors serait prise pour cible par des tireurs d’élite. Nous ne pouvons pas sortir pour secourir les victimes dans la cour. Des familles qui ont tenté d’évacuer l’hôpital ont été ciblées. Il y a des morts. Nous sommes assiégés. Sans eau ni électricité. Ils nous ont littéralement coupé du monde extérieur. »
Plus de cent quarante combattants palestiniens auraient été tués en quatre jours de combats dans et autour de l’hôpital, et « environ six cents terroristes » appréhendés, affirme l’armée. Les forces israéliennes avaient lancé un raid, appuyé par des chars et des bombardements aériens, contre l’hôpital lundi, ciblant d’après elles des commandants du Hamas et du Jihad islamique. Vendredi matin, l’opération était toujours en cours.


« Plusieurs armes et documents de renseignement contribuant au combat en cours ont été découverts lors de perquisitions dans l’hôpital », détaille l’armée au Monde, en précisant l’identité des cadres des factions palestiniennes qu’elle dit avoir appréhendés sur place : « Husem Salama, responsable du renseignement et chef de l’équipe d’observation de la brigade de Gaza, et son frère, Wissam Salama, responsable de la propagande au sein de la division de Gaza du Jihad islamique ; Omar Azida, chef du comité de Naplouse et responsable de l’activité terroriste du Hamas dans la région ; Mahmoud Kwasma, qui a planifié et financé l’enlèvement et le meurtre de trois adolescents israéliens en 2014, et Hamdallah Hassan Ali, qui a encouragé l’activité terroriste en Judée-Samarie [nom biblique employé par Israël pour désigner la Cisjordanie] au cours des dernières années. »


Les combats de ces dernières semaines avaient à nouveau contraint des milliers de Palestiniens à se réfugier dans l’enceinte de l’hôpital et dans la cour, vivant sous des tentes de fortune. Selon les Nations unies, seuls douze des trente-trois hôpitaux de Gaza fonctionnent partiellement – six d’entre eux se trouvent dans le Nord, y compris Al-Shifa, et six dans le Sud.

Difficile d’acheminer du matériel


Après un premier siège de l’hôpital Al-Shifa, investi à la fin du mois de novembre 2023, l’armée avait déclaré y avoir trouvé des armes et des équipements de communication utilisés par le Hamas et avoir découvert un tunnel de 55 mètres de long courant sous les bâtiments. Mais les éléments présentés alors n’avaient pas confirmé ces affirmations justifiant le raid, selon lesquelles le groupe islamiste avait fait de l’hôpital un centre de commandement.
Depuis, les services de santé du territoire s’efforçaient, avec l’aide d’organisations humanitaires, de rétablir le fonctionnement des différents départements de l’hôpital, bien qu’il leur soit difficile d’acheminer du matériel, Israël étant régulièrement accusé d’entraver délibérément les livraisons.
Depuis le début du mois de mars, les forces israéliennes sont de nouveau à l’offensive, au sol, dans des quartiers du centre-ville de Gaza qu’elles avaient auparavant déclarés « nettoyés » de la présence de membres du Hamas, après un siège et de violents combats cet hiver. Elles s’étaient depuis repliées à la périphérie de la ville, maintenant un contrôle sur les principales artères et les ronds-points routiers qui en verrouillent les accès.

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