France Travail : la bourgeoisie contre-attaque
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Une analyse de la réforme du RSA à travers la grille de lecture de la lutte des classes, ou France travail comme instrument de coercition des « classes dangereuses ».
FRANCE TRAVAIL, L’ULTIME INSTRUMENT DE L’EXPLOITATION
La loi sur le plein emploi, portant la création de France Travail, l’entité censée remplacer le Pôle Emploi, Cap Emploi et les Missions Locales, est arrivée à bas bruits dans l’hémicycle, pour finalement être adoptée sans que les dispositions qu’elle contient ne scandalisent l’opinion publique, bien qu’étant porteuses de modifications du rapport au travail susceptibles de créer une nouvelle forme d’exploitation des plus précaires. Parmi les professionnels de l’accompagnement des chômeurs, l’absence de réaction a de quoi surprendre et pose également la question de savoir si elle résulte de leur ignorance du dispositif, de leur résignation ou de leur indifférence à ce qu’il implique quant à leur fonction.
Prétendument destinée à apporter des solutions pour ramener vers l’emploi les publics qui en sont les plus éloignés, la future entité France Travail ne semble en fait n’être qu’une mesure purement idéologique, qui stigmatise les personnes les plus vulnérables pour instaurer des logiques de coercition destinées à intégrer à marche forcée dans le rapport social de production capitaliste qu’est le salariat celles et ceux qui s’en écartent, volontairement ou non.
Afin de mieux comprendre les ressorts idéologiques de la loi « plein emploi », il est impératif de saisir le champ de l’insertion professionnelle à l’aune de deux éléments agissant comme des biais cognitifs largement répandus dans l’imaginaire collectif : Il s’agit premièrement de la figure stéréotypée du pauvre indigne et dangereux, largement fantasmée depuis la fin du Moyen Âge à travers l’imagerie populaire du vagabond ou du mendiant, capable de travailler mais refusant de gagner son pain à la sueur de son front, qui s’oppose à celle de l’infirme ou de l’impotent, injustement frappé par la maladie ou l’accident, seul improductif digne de la miséricorde et de l’assistance de la communauté.
En second lieu, le concept d’insertion professionnelle, en tant que référentiel d’action publique, émerge dans le même continuum espace-temps (les pays capitalistes des années 1980) que l’idéologie néolibérale qui se diffuse parmi les classes dominantes, instaurant progressivement le paradigme du marché comme une totalité historique qui englobe et organise des pans entiers de la vie publique et des relations sociales.
La conjonction de ces deux référentiels a massivement influencé le champ de l’insertion professionnelle, de sa conception même jusqu’à sa mise en œuvre concrète. A partir de ce constat, largement documenté par la littérature sociologique, nous formulons ici l’hypothèse que l’insertion, en tant que domaine d’action publique, a été conçue par la classe dominante comme un instrument de gestion des populations exclues de la production, perçues comme potentiellement dangereuses, destinée à faciliter l’allocation des ressources (ici la ressource humaine) sur le système d’emploi conçu comme un marché. La configuration du système d’insertion depuis ses débuts est également une manifestation de la croyance, caractéristique de la pensée néo-libérale, que pour changer le fonctionnement d’un système, il faut agir sur les comportements individuels.
Nous tenterons, dans les lignes qui suivent, et selon la perspective de la lutte des classes, d’expliquer l’émergence de France Travail comme un élément central, la pierre angulaire d’une dynamique générale de coercition à destination des chômeurs, mais également, par devers eux, de l’ensemble de la société salariale, visant à la restauration du paradigme salarial comme élément central de la vie des individus, et la remise en cause des conquêtes et des droits sociaux issus de l’état social-keynésien de la seconde moitié du XXème siècle. En effet, il s’agit, de notre point de vue, d’une attaque en règle contre les salariés dans leur ensemble, et non plus seulement les chômeurs, dans la mise en concurrence des smicards avec des chômeurs auxquels on impose des heures d’activité, dont il est fort probable qu’elles serviront à pourvoir des emplois. Le tout dans le but que poursuit la bourgeoisie depuis l’aube du capitalisme, à savoir la baisse du coût du travail.
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