Guerre en Ukraine : des parallèles historiques et de leur utilisation par la propagande occidentale
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Des parallèles historiques légitimes avec la situation actuelle, et d’autres invalides
La Guerre d’Hiver (l'Union soviétique contre la Finlande, 1939 – 1940)
Le monde des médias et des bien-pensants occidentaux s’est enflammé pendant la Drôle de Guerre pour la « petite et courageuse Finlande attaquée par l’ours russe », jusqu’à vouloir intervenir militairement alors que Français et Britanniques étaient déjà en guerre avec l’Allemagne nazie. Et les motivations de Staline à l’époque, à savoir créer un glacis défensif pour couvrir Léningrad, étaient très comparables à celles actuellement avancées par la Russie. Ainsi que son mépris pour les réactions scandalisées de l’opinion publique des pays riches. Les Russes l’ont d’ailleurs emporté mais l’ont perdue en terme d’image ce qui est un risque qu'ils ont pris à nouveau en 2022.
Le soulèvement anticommuniste et antisoviétique de Budapest en 1956
En 1956 la révolte nationale hongroise considérée comme inacceptable pour le glacis stratégique soviétique en Europe de l’Est a été écrasée par l’Armée rouge après avoir été encouragée de manière irresponsable et cynique par les médias et les services secrets occidentaux. Les insurgés sont rapidement tombés sous le contrôle des restes encore frais du fascisme hongrois génocidaire de 1944, et se sont engagés dans une campagne de lynchage et de massacre des communistes, tout en produisant vers l’extérieur un récit à géométrie variable, destiné à divers publics occidentaux et notamment aux gauchistes. Du coup Budapest, contre-révolution lancée par un précurseur postcommuniste de Gorbatchev et rapidement contrôlée par l’extrême-droite, reste encore aujourd’hui un mythe gauchiste, une des éphémères républiques des conseils qui n’existent que dans leurs rêves. Il y a des similitudes avec la situation ukrainienne, illusions gauchistes comprises mais celle-ci s’étend sur plusieurs années au lieu de quelques semaines. L’affaire ukrainienne a commencé en fait en avec le mouvement de la place Maidan, et le coup d'État antirusse qui s'en est suivi en 2014.
Un célèbre roman scolaire pour adolescent, J'ai quinze ans et je ne veux pas mourir, est situé à Budapest, et les enseignants bien-pensants qui le font lire à leurs élèves ne manquent jamais de dire que le récit se place en 1956. En fait, c’est pendant le siège par l’armée rouge en 1945 de la ville qui était encore aux mains des nazis furieux des Croix Fléchées.
Les accords de Munich de septembre 1938, signés entre la France, la Grande Bretagne, et le IIIème Reich, sur le dos de la Tchécoslovaquie
A chaque campagne belliciste de l’OTAN on entend dire que ceux qui s’y opposent seraient des munichois. Il s’agit d’une reprise du narratif historique de l’entrée dans la seconde guerre mondiale tel qu’il est construit par l’historiographie bourgeoise.
La catastrophe se serait produite en 1939 parce qu'on aura cherché à apaiser Hitler par « faiblesse des démocraties » à Munich en septembre 1938. Et non pas parce que la bourgeoisie française et britannique n’avait aucun véritable conflit politique avec Hitler, qu’on aurait simplement préféré lancer contre l’Union soviétique comme on croyait plus habile de le faire que le combattre.
Il est vrai que ces accords se sont retournés contre la France et la Grande Bretagne dont ils ont ruiné la crédibilité : ils ont conduit à la décision soviétique de signer le pacte de non-agression avec l’Allemagne le 23 août 1939 et ouvert la porte à l'invasion de la Pologne.
Se référer à Munich pour stigmatiser les adversaires de la guerre signifie sans qu’on s’en rende toujours bien compte qu’on adopte une position belliciste, en faveur d'une guerre préventive contre une puissance nucléaire dont les conséquences sont incalculables. Appliquer cette métaphore à la situation actuelle est un appel à l’action militaire directe contre la Russie. Ce qui est symétriquement ce que Poutine est en train de faire dans une guerre par procuration. C’est peut être bien lui qui a choisi de ne plus apaiser un adversaire expansionniste, à savoir l’OTAN. Car il partage avec ses adversaires les présupposés psychologisants de l'histoire bourgeoise.
Tout adversaire de l’Occident est systématiquement, dans la propagande monochrome des médias occidentaux pourtant pluriels et divers, portraituré en Hitler.
En 1938 la Tchécoslovaquie était un allié proche de la France, une pièce clef de la stratégie française pour dissuader l’Allemagne d’attaquer la France. Les munichois ont non seulement trahi un allié mais ils ont aussi trahi la France en ruinant sa défense stratégique. Il n’existait en 2022 aucun traité signé entre la France et l’Ukraine, pays qui ne joue aucun rôle direct ou indirect dans sa sécurité. Ce pays veut par contre intégrer l’OTAN qui est une alliance activement hostile et mobilisée contre la Russie, c’est même sa raison d’être, et qui l’a invitée.
Contrairement au récit de la propagande nazie, les Allemands de la région des Sudètes, en Tchécoslovaquie, n’étaient ni maltraités ni discriminés. Par contre aujourd’hui Russes et russophones sont activement et brutalement persécutés en Ukraine. Aucun de ces problèmes n'existaient au temps où les deux États faisaient partie de l'Union Soviétique.
Trouver un accord avec la Russie qui n’est pas un adversaire stratégique contrairement à l’Allemagne de 1938 ce n’est donc pas une faiblesse qui conduit à la guerre mais un signe d’indépendance qui peut contribuer à la paix.
La crise des fusées de Cuba , en octobre 1962, qui faillit provoquer une guerre nucléaire entre les États-unis et l'Union soviétique, parallèle beaucoup plus adéquat.
La situation actuelle ressemble à ceci : Les Russes sont dans la position qu’auraient occupés les Américains en 1962 si les Soviétiques n’avaient pas renoncé in extremis à implanter leurs fusées à Cuba. Les seconds auraient en représailles envahi l'île non sans rencontrer une forte résistance. Car l'intégration de l'Ukraine à l'OTAN est bien une affaire de fusées et d'ogives nucléaires et signifie que l'arsenal nucléaire occidental peut être positionné à cinq minutes de vol de Moscou.
Les brigades internationales intervenues dans la guerre civile espagnole, 1936 à 1938, et d'autres cas qui y ressemblent
On entend des gens suggérer des brigades de volontaires internationaux pour combattre aux cotés des Ukrainiens. Il y a un précédent historique effectivement assez proche : l’envoi de volontaires par les nazis scandinaves pour aider la Finlande face à l’invasion russe de la Guerre d’Hiver. En ce qui concerne les Brigades internationales de la République espagnole, il y a aussi une comparaison valable, mais pour l'autre camp : des centaines de combattants se sont rendus dans le Donbass en sécession de Kiev pour aider les habitants à repousser les nazis du bataillon Azov et d'autres groupes armés à partir de 2014 ; ces volontaires sont soit des communistes staliniens, soit des conservateurs, souvent d’anciens militaires, adhérents au discours poutinien sur les « valeurs traditionnelles ».
Par contre il n'y a rien de comparable dans le camp de Kiev aux Brigades internationales recrutées pour défendre la république espagnole contre le fascisme, principalement composées de militants communistes et de réfugiés antifascistes provenant du monde entier, et sous commandement communiste avec aide de conseillers soviétique. Il est vrai que les récits scolaires présentent aujourd'hui ces combattants comme des défenseurs de la démocratie parlementaire dont ils ne faisaient aucun cas, et non du socialisme.
L’extrême droite suprématiste et raciste mondiale est quant à elle tombée amoureuse de l’Ukraine issue du coup d’État du Maidan en 2014 qui a réhabilité Bandera et les SS ukrainiens exterminateurs de juifs, de communistes, de polonais, etc. et des milliers de volontaires et de mercenaires de cette tendance ont afflué et combattent aujourd’hui contre les Russes et les habitants du Donbass.
Mais en réalité chaque situation historique est unique.
L’Ukraine actuelle, gouvernée par des mafieux et des gangs armés issus des clubs de supporters de foot fascistes et en fait dirigée de l’extérieur par les États-Unis qui ont investis des milliards de dollars dans ce pays ruiné par le transition au capitalisme à seule fin de le détacher de la Russie, en proie à une anarchie sanglante et à une guerre civile de basse intensité depuis huit ans ressemble de plus en plus à un nouvel Afghanistan ou à une nouvelle Syrie, implanté par la perversité de l’impérialisme au cœur de l’Europe.
Les buts de guerre affichés par la Russie en Ukraine, prendre le contrôle du pays pour le démilitariser et le dénazifier sont donc parfaitement plausibles. Qu'elle se les soit fixés malgré le coup très élevé que ça lui coûte en terme d'image et de la sortie du cadre protecteur du droit international signifie que ses dirigeants ont conclu de l'attitude de l'OTAN qu'ils allaient faire face à courte échéance à une menace existentielle.
La seule réponse de l'Occident consiste à spéculer sur l'état mental de Poutine. Il faudrait être fou ou pervers ou les deux pour résister à l'Empire du bien.
GQ 27 février 2022, relu le 14 avril 2024
PS ( 20 mars 2023) : avec une année de recul, on constate une autre analogie historique : les sanctions occidentales contre la Russie rappellent le blocus continental que Napoléon 1er avait tenté de mettre en œuvre pour asphyxier économiquement la Grande Bretagne, et aussi son échec stratégique.