La situation au Moyen-Orient
Pierre Barbancey
L'Humanité du 19 juin 2024
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Lundi, l’armée déclarait avoir tué un « opérateur central » de la division de roquettes du Hezbollah lors d’une frappe de drone. RABIH DAHER / AFP |
Alors que l’armée israélienne affirme avoir validé des plans opérationnels pour une offensive au pays du Cèdre, le dirigeant du Hezbollah souligne dans une intervention que le combat de son organisation est un front de soutien aux Palestiniens. Les États-Unis s’inquiètent.
Les chiffres sont là, implacables. Ils disent à eux seuls la tension qui règne à la frontière entre le Liban et Israël. Plus de 400 Libanais ont été tués, dont des journalistes et des ambulanciers, au cours des huit derniers mois, par les raids aériens ou les tirs d’artillerie de l’armée israélienne.
De l’autre côté, 25 sont morts en Israël. Au moins 90 000 Libanais ont été déplacés et plus de 60 000 personnes ont été forcées de quitter leur foyer dans le nord d’Israël. Le Hezbollah a récemment déclaré qu’il a mené plus de 2 100 opérations militaires contre Israël depuis le 8 octobre. Alors qu’à Gaza, 37 000 Palestiniens ont trouvé la mort et au moins 500 en Cisjordanie.
« Nous sommes très proches du moment où nous déciderons de changer les règles du jeu contre le Hezbollah et le Liban. Dans une guerre totale, le Hezbollah sera détruit et le Liban sera touché durement », a affirmé le ministre des Affaires étrangères israélien, Israël Katz, dans un communiqué officiel.
Dans le cadre d’une « évaluation de la situation », menée mardi en présence du général de division Ori Gordin, commandant de la région militaire Nord, et du chef de la direction des opérations, le général de division Oded Basiuk, « des plans opérationnels pour une offensive au Liban ont été approuvés et validés », indique l’armée. Il a également été décidé de « continuer d’améliorer la préparation des troupes sur le terrain ».
Washington veut éviter une guerre à grande échelle
Or, au même moment, l’envoyé spécial américain pour le Liban, Amos Hochstein, se trouvait à Beyrouth où il a jugé « urgente » une désescalade entre Israël et le Hezbollah, parlant de « situation grave ». Les États-Unis veulent éviter « une guerre à grande échelle », a-t-il ajouté, après avoir fait étape à Jérusalem.
Les échanges de tirs sont quotidiens de part et d’autre de la frontière. En l’espace de quelques jours, ces affrontements armés se sont intensifiés et Israël ne cache plus sa volonté d’affronter directement le Hezbollah. Mardi, les autorités israéliennes affirmaient avoir frappé des infrastructures militaires dans plusieurs régions du sud du pays.
Lundi, l’armée déclarait avoir tué un « opérateur central » de la division de roquettes du Hezbollah lors d’une frappe de drone. Une semaine auparavant, elle avait assassiné Taleb Abdallah, le commandant d’une division de l’organisation chiite libanaise couvrant le secteur occidental de la ligne de front entre la frontière avec Israël et le fleuve Litani.
Netanayahou maintient la pression sur Biden
Les tentatives pour provoquer le Hezbollah ne cessent jamais. Dans ce contexte, l’intervention de Hassan Nasrallah, le secrétaire général de l’organisation, ce mercredi, était particulièrement attendue. Il a répété régulièrement que son organisation n’arrêtera ses attaques que si Israël stoppe son invasion de Gaza et annonce un cessez-le-feu.
Cette fois, il a été clair : « Nous ne voulons pas de guerre totale, car notre combat est un front de soutien. L’ennemi en parle, mais il ne peut le faire. Quelles que soient nos intentions, que nous voulions une guerre totale ou non, l’ennemi est obligé de rester prêt dans le nord du pays. » Hassan Nasrallah a d’ailleurs fait remarquer avec une pointe de satisfaction non dissimulée : « Un des hauts dirigeants israéliens a reconnu que si le front libanais n’avait pas été là, cela aurait permis à l’armée israélienne d’éviter de lourdes pertes lors de ses opérations à Gaza. »
L’attitude d’Israël, en opposition avec son grand allié américain, marque en réalité la volonté de Benyamin Netanyahou de faire pression sur Joe Biden pour poursuivre sa guerre à Gaza et, sous prétexte d’éradication du Hamas, vider le territoire palestinien de la plus grande partie de ses habitants.
En brandissant une possible guerre avec le Liban, dont Washington ne veut pas, le premier ministre israélien dit aux États-Unis « c’est donnant-donnant ». Interrogé par le Figaro sur la proposition d’Emmanuel Macron émise lors du G7 d’une initiative trilatérale États-Unis – France Israël, Netanyahou la balaie avec mépris : « Trop de chefs en cuisine gâtent la soupe. » On est à mille lieues d’un dirigeant acculé, au bord de la démission ou abandonné par les siens.