Les opérations militaires israéliennes s’intensifient en Cisjordanie occupée
Luis Reygada
L'Humanité du 20 juin 2024
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© Nedal Eshtayah / Anadolu via AFP |
En Cisjordanie, les Palestiniens subissent également les violences des militaires et des colons, moins médiatisées que celles perpétrées dans la bande de Gaza, où les opérations israéliennes ont déjà fait près de 37 500 tués.
Alors que tous les yeux sont rivés sur Gaza – où les bombardements continuent – ou sur la frontière entre le Liban et Israël – où la tension est à son comble avec l’annonce de l’armée israélienne d’une validation de « plans opérationnels pour une offensive » –, la situation reste toujours aussi tendue en Cisjordanie occupée, où résident plus de 3 millions de Palestiniens.
Depuis le 7 octobre, Israël intensifie son processus de répression et de colonisation
Le territoire, qui subit un redoublement de la répression israélienne ainsi qu’une accélération du processus de colonisation depuis la riposte à l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, est le théâtre d’une guerre menée à bas bruit qui charrie jour après jour son lot de désolation.
Selon les autorités palestiniennes, en moins de neuf mois, au moins 546 Palestiniens y ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, dont plus de 120 enfants, tandis que les chiffres officiels israéliens rapportent que 14 Israéliens y ont été tués dans des attaques ou attentats palestiniens.
La semaine dernière, le ministère palestinien de la Santé a annoncé la mort d’un adolescent, « tué par balle, par les forces israéliennes, lors d’une opération de « contre-terrorisme « » dans la ville de Beit Furik (Nord), selon la version officielle israélienne. « Les forces israéliennes ont pris la ville d’assaut, tirant à balles réelles sur des résidents », a rapporté l’AFP, en citant des habitants.
Une série de raids sur Jénine
Ce jeudi, c’est la localité de Jénine (Nord) qui était attaquée par l’armée d’occupation. « Une force israélienne (a) pris d’assaut la ville et commencé à fouiller les maisons palestiniennes et les locaux commerciaux, au milieu d’affrontements avec des dizaines de Palestiniens », ont déclaré des témoins oculaires à Anadolu.
L’agence de presse turque ajoute que l’armée israélienne a mené ce jour-là « une série de raids » visant plusieurs villes de Cisjordanie, notamment le camp d’Al-Far’a, près de la ville de Tubas (Nord-Est), « au cours desquels des Palestiniens ont été arrêtés ».
« Les raids de l’armée sont récurrents à Jénine. Comparée à Gaza, la situation en Cisjordanie apparaît secondaire, pourtant des crimes ont également lieu sur place de manière quotidienne, explique Anne Tuaillon, présidente de l’association France Palestine Solidarité (AFPS). Mardi, des groupes de colons armés ont mené une attaque dans le village de Burin, au sud-ouest de Naplouse, en vandalisant des maisons et en incendiant des champs. Ils profitent de l’absence de couverture médiatique pour terroriser et violenter les localités palestiniennes, protégés qu’ils sont par l’armée israélienne. ».
Israël agite la menace de l’asphyxie bancaire
De son côté, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’alarme de l’aggravation de la crise sanitaire dans le territoire, pointant du doigt des restrictions draconiennes, des violences contre les infrastructures médicales – 480 attaques, recensées depuis le 7 octobre 2023, contre les services de santé – qui mettent en péril « la protection des civils et du système de santé », ainsi que « l’inviolabilité des soins de santé, un principe du droit international humanitaire ».
Alors que les établissements de santé sont déjà soumis à rude épreuve, l’OMS déplore un fonctionnement limité « à 70 % de leur capacité par manque d’argent, (une situation) aggravée par le fait qu’Israël retient depuis le 7 octobre une part croissante de l’impôt sur le revenu qu’il collecte auprès des Palestiniens ».
Car la Cisjordanie vit aussi sous la menace d’une asphyxie bancaire. En réponse à la reconnaissance, le mois dernier, de l’État de Palestine par trois pays européens, le ministère israélien des Finances, dirigé par le ministre d’extrême droite Bezalel Smotrich (partisan d’une guerre totale à Gaza, comme en Cisjordanie), a en effet menacé de couper, le 30 juin, un canal bancaire vital entre Israël et la Cisjordanie.
L’ONU évoque des « crimes contre l’humanité »
Ce qui aurait un impact direct sur les échanges commerciaux, dont dépendent les moyens de subsistance des Palestiniens. « Le système bancaire pourrait s’effondrer. (…) L’Autorité palestinienne est en crise financière et pourrait s’effondrer avant août », confiait à l’AFP, ce dimanche, une source diplomatique européenne à Jérusalem.
Un nouveau rapport du Bureau des droits de l’homme de l’ONU a examiné six attaques d’Israël à Gaza représentatives de sa campagne de bombardements qui dure de plus de huit mois.
Le constat est sans appel : les lois de la guerre ont été « constamment violées », avec notamment des attaques « ne permettant pas de faire une distinction effective entre les civils et les combattants ». Le bilan des victimes fait état de près de 37 500 morts. En écho, une commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme a dénoncé « le mépris flagrant du droit international dans l’ensemble du territoire palestinien occupé ».
Ses membres ont réitéré les conclusions du rapport, déjà publiées la semaine dernière, et indiquant que les autorités israéliennes étaient responsables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme.