Après l’attaque de Majdal Shams, le spectre du chaos entre Israël et le Liban
Pierre Barbancey
L'Humanité du 28 juillet 2024
Les attaques israéliennes contre la bande de Gaza se multiplient. Sur le plateau du Golan, occupé et annexé par Israël, une explosion a tué 12 personnes. Le Hezbollah dément toute implication, mais Tel-Aviv promet une réponse sans précédent, au risque de faire basculer la région dans le chaos.
Devant le Congrès américain, mercredi 24 juillet, Benyamin Netanyahou affirmait sans broncher qu’il avait demandé à l’état-major de l’armée israélienne combien de civils avaient été tués à Gaza. On lui avait répondu : « Pratiquement aucun, à l’exception d’un incident où des éclats d’obus ont frappé une bombe d’un dépôt d’armes du Hamas et tué involontairement deux douzaines de personnes. » Personne n’a évidemment cru en cette fable, mais ces propos sont révélateurs de la dialectique israélienne, inscrite dans la loi du talion.
Une frappe israélienne sur une école à Deir Al-Balah a fait 30 morts, samedi 27 juillet, et une opération à Khan Younès a tué 170 Palestiniens en six jours. L’armée israélienne a indiqué avoir mené une opération dans cette école, dans le centre de la bande de Gaza, en ciblant les « terroristes » qui y opéraient.
« Cibler une zone peuplée de familles déplacées est inhumain et méprisable », a dénoncé le premier ministre irlandais Simon Harris, estimant qu’Israël continue d’utiliser une force « disproportionnée » dans une guerre qui fait un nombre de morts et de blessés civils « inacceptable, particulièrement chez les enfants ». Ces derniers mois, l’armée est retournée dans plusieurs zones du territoire palestinien, d’où elle avait dit avoir chassé le Hamas.
« Nous voyons chaque jour les missiles du Dôme de fer rater leur cible et tomber sur nous »
Cette guerre risque de s’étendre régionalement chaque jour un peu plus. La preuve par la mort de 12 personnes sur le plateau du Golan annexé par Israël, une zone où vivent des communautés druzes, tuées par ce qui est présenté comme une roquette. Tel-Aviv a immédiatement pointé du doigt le Hezbollah libanais, donc l’Iran, en droite ligne des accusations réitérées devant le Congrès par Netanyahou. Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a promis dimanche 28 juillet de « frapper l’ennemi avec force ».
Pourtant, le Hezbollah a nié toute implication, y compris dans un message aux Nations unies. Le président du comité de l’initiative druze, Ghaleb Saif, a expliqué que « les missiles qui tombent sur les villages druzes du Golan et de Galilée sont des missiles intercepteurs israéliens et causent de grands dégâts. Nous voyons chaque jour les missiles du Dôme de fer (bouclier antimissiles israélien – NDLR) rater leur cible et tomber sur nous ».
Aux États-Unis, Benyamin Netanyahou a pu mesurer le fossé existant entre républicains et démocrates concernant la guerre à Gaza. Si tous louent « l’amitié indéfectible entre les États-Unis et Israël », selon la formule consacrée, les propos de Kamala Harris et de Donald Trump sont à l’opposé.
La première, qui devrait être officiellement candidate à la Maison-Blanche au mois d’août, a fait savoir, après sa rencontre avec Netanyahou : « Il est temps que cette guerre prenne fin. Nous ne pouvons pas nous permettre d’être insensibles à la souffrance et je ne serai pas silencieuse. » Ce que n’a visiblement pas apprécié Netanyahou.
Dimanche, s’exprimant sur X à propos du plateau du Golan, il a écrit : « Je peux dire que l’État d’Israël ne laissera pas passer cela sous silence. » La veille, il avait dit qu’il enverrait une délégation à Rome pour des pourparlers qui devaient avoir lieu ce 28 juillet.
Mais il n’avait pas pu s’empêcher de lancer cette pique à l’intention de la vice-présidente américaine : « Je pense que, dans la mesure où le Hamas comprend qu’il n’y a pas de désaccords entre Israël et les États-Unis, cela accélérera l’accord. Et j’espère que ces commentaires (de Kamala Harris – NDLR) ne changeront pas ça. » Pour Netanyahou, mieux vaut miser sur Trump, qui a demandé à plusieurs reprises qu’Israël « termine le travail » à Gaza et détruise le Hamas.