« Guerre à Gaza » de Joe Sacco : G comme génocide

Publié le par FSC

Lucie Servin
L'Humanité du 09 septembre 2024

Guerre à Gaza, de Joe Sacco, traduit de l’anglais par Sidonie Van den Dries, Futuropolis, 32 pages, 6,90 euros

Joe Sacco ne pouvait rester silencieux. Depuis plus de trente ans, il n’a eu de cesse de documenter et d’informer sur le conflit israélo-palestinien. Aujourd’hui, il crie sa colère dans un nouvel album.


« Meltdown » : « effondrement ». Ainsi était titré le Times Magazine, le 22 août 2016, quand Edel Rodriguez publiait à la une sa première caricature de Trump, réduit à une bouche qui éructe : le visage dégoulinant d’une démocratie liquéfiée. Meltdown, c’est aussi ce que dénonce Joe Sacco en signant ce pamphlet contre la guerre à Gaza et le soutien des États-Unis à la riposte israélienne, qu’il requalifie d’« autodéfense génocidaire » : une manière de condamner l’horreur du massacre du Hamas du 7 octobre et le génocide en cours.


Joe Sacco connaît très bien les territoires palestiniens pour y avoir réalisé de nombreux reportages, à commencer par les premiers de sa carrière, réunis dans le recueil Palestine (1993), qui par leur rigueur, leur sérieux et leur souci du détail élevaient le journalisme en BD à une forme des plus exigeantes du grand reportage.

« L’Occident est venu mourir à Gaza »


Avec Gaza 1956, en 2010, il donnait à comprendre la profondeur historique du conflit dans une enquête documentaire modèle de près de 400 pages sur le massacre oublié de Khan Younis, repéré dans une note de bas de page d’un rapport de l’ONU. Le journaliste, se méfiant de la prétendue objectivité, a toujours revendiqué une démarche sincère dans la reconstitution des faits et la collecte de témoignages.


D’une tragédie à l’autre, devant l’impossibilité de se rendre actuellement à Gaza, il a choisi cette fois de réagir à chaud, soutenu par son éditeur, Gary Groth de chez Fantagraphics en publiant une série de chroniques sur le forum du Comics Journal : douze épisodes en tout, postés entre le 26 janvier et le 18 juin 2024. Réuni en brochure, l’ensemble fait entendre sa colère, raconte le cauchemar d’un contribuable américain qui refuse que ses impôts servent au financement des armes livrées par les États-Unis à Israël. Mais cette indignation pointe surtout la responsabilité morale.


C’est le G de Gaza et de génocide, la lettre écarlate tracée sur le front de Joe Biden qui désigne la complicité et la faillite des démocraties occidentales. « L’Occident est venu mourir à Gaza », écrit-il en accusant l’instrumentalisation de la violence par les politiques de la haine. Dante ressuscité pourrait bien chanter un dixième cercle de l’enfer, pourvu que cet appel à la justice soit entendu au nom de valeurs humanistes étendues à tous les peuples.
 

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