Cessez-le-feu à Gaza : les armes se sont tues mais la guerre couve encore

Publié le par FSC

Pierre Barbancey
L'Humanité du 21 janvier 2025

 

La quasi-totalité des 2,3 millions d’habitants de Gaza ont dû quitter leur domicile, car Israël a mené des frappes continues sur tout le territoire et émis des ordres d’évacuation massive pour de grandes zones résidentielles.©️ Omar AL-QATTAA / AFP

 

Le territoire palestinien est dévasté, plus de 46 000 personnes ont été tuées et 11 000 portées disparues. L’accord signé le 15 janvier entre Israël et le Hamas permet aux Palestiniens de ne plus vivre sous les bombes. Les échanges de prisonniers ont commencé et doivent se dérouler en trois phases. Mais Benyamin Netanyahou parle déjà de pouvoir reprendre les hostilités.


Le 15 janvier, un accord, placé sous l’égide des États-Unis, du Qatar et de l’Égypte, a été approuvé par Israël et le Hamas (et avec lui, l’ensemble des organisations palestiniennes). Un moment important après quinze mois d’une guerre formellement commencée le 7 octobre 2023 après l’attaque du Hamas, mais à replacer dans le contexte d’un blocus israélien de la bande de Gaza commencé en 2007 et une occupation de l’ensemble des territoires palestiniens depuis plus de cinquante-sept ans.


Dans un rapport explosif, début décembre, Amnesty International a montré qu’Israël y a mené un véritable génocide au regard de la définition de l’ONU. Plus de 46 000 Palestiniens ont été tués et 11 000 seraient disparus. Toutes les universités ont été détruites, de même qu’une bonne partie des écoles et la plupart des structures médicales. Les photos montrent que les immeubles sont soit totalement en ruines, soit difficilement habitables.


Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a subi des pressions de la part de l’administration sortante Biden et de celle, entrante, de Trump pour conclure un accord avant l’investiture du président élu, le 20 janvier. Ce qui ne l’a pas empêché d’affirmer qu’il avait reçu des assurances du nouveau locataire de la Maison-Blanche pour pouvoir reprendre la guerre.

Que contient l’accord ?


Celui-ci prévoit trois phases de six semaines chacune. La première comprend le retrait progressif des forces israéliennes du centre de Gaza et le retour des Palestiniens déplacés dans le nord du territoire. Le Hamas va libérer 33 captifs israéliens, dont toutes les femmes (militaires et civiles), les enfants et les hommes de plus de 50 ans.
Le 19 janvier, trois d’entre elles ont recouvré la liberté. Il s’agit de l’Israélo-Britannique Emily Damari (28 ans) et de l’Israélo-Roumaine Doron Steinbrecher (31 ans), capturées au kibboutz Kfar Aza, et de Romi Gonen (24 ans), enlevée au festival de musique Nova. Sur 251 personnes enlevées ce jour-là, 94 restent otages à Gaza, mais 34 seraient mortes selon l’armée israélienne.


De son côté, Israël relâchera toutes les femmes et les enfants palestiniens de moins de 19 ans détenus depuis le 7 octobre 2023 d’ici la fin de la première phase. Le nombre total de Palestiniens libérés dépendra des otages libérés et pourrait se situer entre 990 et 1 650. Le 19 janvier, 69 Palestiniennes et 21 mineurs ont retrouvé leurs familles.
Parmi elles, la députée du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) Khalida Jarrar. D’autres étaient enfermés uniquement à cause de déclarations faites sur les réseaux sociaux. Selon l’association Addameer, 10 400 Palestiniens se trouvent toujours dans les prisons israéliennes, dont 88 femmes, 320 enfants et 3 376 en détention administrative (c’est-à-dire sans jugement, sans connaissance du dossier d’accusation).


Parmi le millier d’autres prisonniers Palestiniens concernés, environ 190 purgent des peines de quinze ans ou plus. Le dirigeant du Fatah Marwan Barghouti et le secrétaire général du FPLP, Ahmed Saadat, se trouveraient sur la liste. Mais Israël a fait savoir que dans une telle éventualité ils ne seraient pas autorisés à retourner en Cisjordanie.
Les négociations sur une deuxième phase de l’accord commenceront le 16e jour de la première phase et devraient inclure la libération de tous les captifs israéliens restants, un cessez-le-feu permanent et le retrait complet des soldats israéliens. Enfin, une troisième phase devrait inclure le retour de tous les corps morts restants et le début de la reconstruction de Gaza, supervisée par l’Égypte, le Qatar et les Nations unies.

Le défi de l’aide humanitaire


« Israël a bloqué et entravé de manière continue et délibérée l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza : les civils ont été confrontés à des niveaux de famine sans précédent et des enfants sont morts de faim », rappelle la secrétaire générale d’Amnesty International, Agnès Callamard, sur le site de son organisation.


« La communauté internationale, qui n’a pas réussi jusqu’à présent à persuader Israël de respecter ses obligations légales, doit veiller à ce qu’il autorise sans attendre l’acheminement de produits vitaux dans toutes les zones de la bande de Gaza occupée afin d’assurer la survie de la population palestinienne. » L’accord prévoit que 600 camions d’aide humanitaire soient autorisés à entrer dans Gaza chaque jour du cessez-le-feu, 50 d’entre eux transportant du carburant, 300 de ces camions étant affectés au nord, où les conditions de vie des civils sont particulièrement difficiles.

Quel avenir pour ce territoire ravagé ?


La quasi-totalité des 2,3 millions d’habitants de Gaza ont dû quitter leur domicile, car Israël a mené des frappes continues sur tout le territoire et émis des ordres d’évacuation massive pour de grandes zones résidentielles. Se pose donc maintenant la question de la reconstruction. Joe Biden, peu avant de céder son poste, a bien déclaré que le cessez-le-feu persisterait « aussi longtemps que les négociations se poursuivraient », mais Benyamin Netanyahou, dont l’avenir politique est incertain, pourrait avoir besoin de reprendre la guerre. Il ne s’en cache pas.


D’autant que ses objectifs affichés, le retour de tous les otages et l’élimination du Hamas, n’ont pas été atteints après quinze mois de bombardements intensifs. Dès le premier jour du cessez-le-feu, des milliers de combattants palestiniens sont d’ailleurs sortis au grand jour. Mais cette phrase prononcée par Netanyahou à la veille de la mise en place de l’accord ne laisse pas d’inquiéter. Il « se réserve le droit de reprendre les combats si Israël parvient à la conclusion que les négociations sur la deuxième étape sont sans espoir ».


Il se pourrait même que la deuxième phase ne soit pas atteinte. Mustafa Barghouti, membre du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et secrétaire général de l’Initiative nationale palestinienne, a estimé que l’accord de cessez-le-feu était bénéfique pour les Palestiniens : « Les massacres cesseront et les prisonniers sortiront de prison, et l’aide humanitaire sera acheminée. Mais rien ne garantit que l’accord sera respecté », a-t-il assuré, ajoutant que les Palestiniens « ont besoin d’un véritable processus qui mène à la fin de l’occupation israélienne » de Gaza et de la Cisjordanie. Et donc à la création d’un État palestinien.


Malheureusement, avec la nouvelle administration américaine, cette éventualité semble s’éloigner encore plus. Lors d’une visite en Israël en 2017, Mike Huckabee, qui va être ambassadeur des États-Unis dans ce pays, répétait que « cela n’existe pas», à propos de la Cisjordanie ou de l’occupation.
 

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