Cessez-le-feu à Gaza : pourquoi l'accord est menacé

Publié le par FSC

Pierre Barbancey
L'Humanité du 11 février 2025

 

Le Hamas dénonce les attaques israéliennes qui se poursuivent et menace de ne pas libérer samedi 15 février les Israéliens qu’il détient dans le cadre de l’accord de trêve. Donald Trump et Benyamin Netanyahou sautent sur l’occasion pour tenter de reprendre la guerre et poursuivre leur entreprise de nettoyage ethnique des territoires palestiniens.


Le cessez-le-feu entré en vigueur à Gaza le 19 janvier, à la suite d’un accord conclu quatre jours auparavant entre Israël et le Hamas, sous l’égide des États-Unis, de l’Égypte et du Qatar, est en péril. Lundi 11 février, le Hamas a menacé de reporter la prochaine libération d’otages prévue samedi dans le cadre de l’accord de trêve, en accusant Israël de le violer. Il a bien assuré que « la porte reste ouverte » pour une libération ce jour-là si Israël « s’acquitte de ses obligations ».


Une aubaine pour Netanyahou. « Si le Hamas ne rend pas nos otages d’ici samedi midi, le cessez-le-feu prendra fin et l’armée israélienne reprendra des combats intenses jusqu’à ce que le Hamas soit définitivement vaincu », a-t-il posté sur X. « Nous devons éviter à tout prix une reprise des hostilités à Gaza qui conduirait à une immense tragédie », s’est inquiété Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU.

Vers une reprise des bombardements


C’est grave pour les Palestiniens qui continuent à regagner ce qui leur reste de maisons, au nord du territoire, d’où ils ont été chassés. La rupture du cessez-le-feu signifierait tout simplement la reprise de la guerre, d’autant que Benyamin Netanyahou a toujours expliqué que le moindre accroc se traduirait par la reprise des bombardements.
Il n’a d’ailleurs jamais caché sa volonté de « finir le travail » : c’est-à-dire éradiquer totalement l’organisation palestinienne d’une zone qui elle-même serait rendue à l’état de chaos. C’est grave également pour les Israéliens toujours retenus dans l’enclave palestinienne, dont les chances de libération seraient totalement nulles. Mardi, des centaines d’Israéliens se sont rassemblés devant le bureau du premier ministre à Jérusalem, demandant que tous les captifs soient rapatriés alors que démarrait une réunion du cabinet de sécurité.


Le Hamas a accusé Israël de ne pas avoir respecté sa part du contrat en retardant initialement le retour des Palestiniens dans le nord de Gaza en raison d’un différend antérieur, en menant des frappes sur tout le territoire (25 personnes auraient été tuées depuis le 19 janvier selon les autorités locales) et en entravant l’entrée de tentes, de mobile homes et de fournitures médicales pour les hôpitaux.
Une déclaration ultérieure de l’organisation islamiste a tenté de minimiser le report en parlant de « signal d’avertissement » adressé à Israël, tout en soulignant qu’il restait cinq jours aux médiateurs – les États-Unis, le Qatar et l’Égypte – pour faire pression sur Tel-Aviv.


Donald Trump, de son côté, s’est empressé de tendre un peu plus la situation, comme s’il voulait empêcher tout apaisement. Il est intervenu en qualifiant de « terrible » la menace du Hamas de reporter les libérations. « Si tous les otages ne sont pas ramenés d’ici à samedi midi (…), je dirai : “Annulez-le (l’accord de trêve – NDLR), et rien ne va plus, qu’un véritable enfer se déchaîne” », a-t-il déclaré. « Le langage des menaces est sans valeur et ne fait que compliquer les choses. Trump doit se rappeler qu’il y a un accord qui doit être respecté par les deux parties et que c’est le seul moyen de faire revenir les prisonniers », a répliqué l’un des responsables du Hamas, Sami Abou Zouhri.

Le projet de Trump équivaut à un nettoyage ethnique


En réalité, contrairement à ce que dit le président états-unien, sur les 251 personnes enlevées lors de l’attaque du 7 octobre 2023, l’accord prévoit, durant une première phase courant sur six semaines, la libération de 33 Israéliens, dont huit annoncés comme morts, en échange de 1 900 Palestiniens détenus par Israël.


Trump le sait bien mais cela lui permet de jeter de l’huile sur le feu et de développer sa terrible idée avancée la semaine dernière : prendre possession de la bande de Gaza, expulser les Palestiniens vers les pays arabes et construire la plus grande des stations balnéaires de la région. Dimanche, il est allé encore plus loin, admettant, sur Fox News, que les Gazaouis n’auraient pas le droit de revenir.
La cheffe de la Commission d’enquête internationale indépendante de l’ONU sur les territoires palestiniens occupés, Navi Pillay, a rappelé, sur le site d’information Politico, que le projet de Trump de « déplacer de force un groupe occupé est un crime international et équivaut à un nettoyage ethnique ». Ce qui semble n’émouvoir personne à la Maison-Blanche.


Donald Trump et Benyamin Netanyahou sont en train de refermer leur piège sur les Palestiniens et, plus largement sur le Moyen-Orient, leurs deux plans se complétant. Même la deuxième phase des négociations, qui aurait dû commencer la semaine dernière, est aléatoire. La délégation israélienne qui vient de se rendre à Doha, au Qatar, n’aurait pratiquement aucune latitude de discussion. « Nous sommes ouverts aux idées concernant une nouvelle forme de gouvernement palestinien et d’administration de Gaza, mais pas à l’expulsion », a redit Hazem Qassem, l’un des porte-parole du Hamas. Mais ni le président états-unien ni le premier ministre israélien n’en sont là. Derrière le slogan « pas de Hamas » se cache « pas de Palestiniens ».

Pression sur l’Égypte et la Jordanie


La pression est maintenant mise sur l’Égypte et la Jordanie, menacées de voir l’aide de Washington supprimée comme l’a laissé entendre Trump. « Je pense que je pourrai conclure un accord avec la Jordanie. Je pense que je pourrai conclure un accord avec l’Égypte. Vous savez, nous leur donnons des milliards et des milliards de dollars par an », a-t-il affirmé.
Le président égyptien, Abdel Fattah Al Sissi, peut bien appeler à la reconstruction de Gaza « sans déplacer les Palestiniens », son avis semble de peu de poids. Pour Amman, le roi Abdallah II de Jordanie, reçu mardi à la Maison-Blanche, a tenté de temporiser, soulignant qu’il existe un chemin vers la paix et la prospérité pour la région. Trump est resté sur ses positions. Il pense à 99 % qu’il sera capable de trouver « quelque chose avec l’Égypte aussi ».
L’armée israélienne ne cesse d’intervenir en Cisjordanie, particulièrement dans les camps de réfugiés de Jénine, Tulkarem et Tubas « presque vidés de leurs habitants », selon l’Unrwa. L’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens estime que 40 000 personnes auraient déjà été déplacées ces dernières semaines.

 

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