Gaza : Benyamin Netanyahou et Marco Rubio sur la même longueur d'ondes en vue d'un nettoyage ethnique
Pierre Barbancey
L'Humanité du 16 février 2025
Le premier ministre israélien a reçu le secrétaire d’État de Donald Trump. L’entente est parfaite pour nettoyer Gaza de ses habitants palestiniens. Washington vient de livrer de nouvelles bombes lourdes à Tel-Aviv, tandis que l’Iran est désigné comme cible potentielle.
À l’heure du fragile cessez-le-feu en vigueur depuis le 19 janvier dans la bande de Gaza, la libération des trois otages israéliens et 369 prisonniers palestiniens, samedi, aurait pu et dû être porteuse d’espoir pour l’avenir. Dans le territoire palestinien dévasté, près de 2 millions de personnes tentent désespérément de reconstruire leur vie, attendant toujours qu’Israël laisse entrer des préfabriqués et des mobil-homes. Pour cela, ils ont besoin de paix, pas de menaces de nouvelles expulsions vers d’autres pays ou de reprise de la guerre.
Mais les nouvelles provenant du côté israélien sont plus qu’inquiétantes. C’est peu dire que, depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, Benyamin Netanyahou a vu son horizon politique s’éclaircir. Concernant la vision future du Moyen-Orient, il n’y a entre lui et le milliardaire même pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette. L’osmose est encore plus totale qu’avec Joe Biden.
« C’est désormais à Israël de décider ce qu’ils veulent faire »
En fait de reconstruction, Trump a proposé que les États-Unis prennent le contrôle de la bande de Gaza pour en faire une « Riviera du Moyen-Orient », et de déplacer ses habitants vers la Jordanie et l’Égypte. Que ces deux pays s’y opposent catégoriquement, tout comme l’ensemble des Palestiniens, lui importe peu. « C’est désormais à Israël de décider ce qu’ils veulent faire », a-t-il écrit, le 15 février, sur son réseau social Truth Social.
« Les États-Unis soutiendront la décision qu’ils prendront. » Pour prendre cette décision, il a dépêché son secrétaire d’État, Marco Rubio, dans la région. D’abord pour rencontrer l’ami « Bibi » ce dimanche 16 février. Rubio avait déjà lancé en ciblant les pays arabes : « Pour l’instant, le seul plan – ils ne l’aiment pas -, mais le seul plan est le plan Trump. Donc, s’ils ont un meilleur plan, c’est le moment de le présenter. »
Il a prévenu : « Si les pays de la région ne parviennent pas à résoudre ce problème, alors Israël devra le faire, et nous reviendrons alors au point où nous en étions. » Netanyahou a immédiatement abondé dans son sens : « Nous nous efforcerons de faire en sorte que cette vision devienne réalité. »
Selon un sondage du Jewish People Policy Institute, codirigé par l’ancien ambassadeur états-unien Dennis Ross, « environ sept Israéliens sur dix soutiennent l’idée que ”les Arabes de Gaza devraient s’installer dans un autre pays” ». Toujours selon cet institut, « la plupart des Israéliens juifs estiment qu’il s’agit d’un ”plan pratique qui devrait être mis en œuvre”. La plupart des Arabes israéliens s’opposent à la proposition de Trump ».
Le premier ministre israélien avait déjà donné le ton la veille de sa rencontre avec Marco Rubio. « Nous travaillons en pleine coordination avec les États-Unis afin de libérer tous nos otages – vivants et morts – dès que possible ; et nous nous préparons avec toute l’intensité nécessaire à ce qui va suivre, dans tous les sens du terme. » Peut-on être plus menaçant alors que doivent s’ouvrir de nouvelles discussions ?
De nouvelles livraisons d’armes américaines à Tel-Aviv
La deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu prévoit la libération de tous les Israéliens capturés et de plusieurs centaines de Palestiniens enfermés, ainsi qu’une fin définitive de la guerre. Les médiateurs espèrent entamer cette semaine à Doha les pourparlers sur cette deuxième phase, avant une phase finale dédiée à la reconstruction de Gaza, un immense chantier estimé par l’ONU à plus de 53 milliards de dollars.
Tout montre que Tel-Aviv, avec le plein consentement de Washington, veut continuer la guerre, et pas seulement à Gaza. « Le Hamas ne peut pas continuer à être une force militaire ou gouvernementale, (…) il doit être éliminé », a ainsi lancé Marco Rubio peu après sa rencontre avec Benyamin Netanyahou, dimanche après-midi.
Presque au même moment, le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, jubilait en annonçant qu’une cargaison d’armes lourdes américaines était arrivée en Israël. Il s’agit des fameuses bombes MK-84, dont la livraison avait été interrompue par l’administration Biden mais de nouveau autorisée par Donald Trump. Sur sa lancée, il a approuvé la vente de bombes, munitions et missiles, pour une valeur totale de 7,4 milliards, de dollars à Israël.
L’armée israélienne ne s’est toujours pas retirée du sud du Liban, malgré l’accord de cessez-le-feu passé avec le Hezbollah, et poursuit même ses frappes, continuant à tuer des civils. Dimanche, Benyamin Netanyahou, prêt à batailler sur tous les fronts, a annoncé qu’Israël « finira le travail » contre la menace iranienne avec le soutien des États-Unis. Marco Rubio a approuvé, soulignant que l’Iran des « ayatollahs » était la plus grande « source d’instabilité » dans la région.