Guerre au Liban : Amnesty International accuse Israël de « crimes de guerre » contre le secteur de la santé et demande une enquête de la CPI
Tom Demars-Granja
L'Humanité du 05 mars 2025
Amnesty international a enquêté sur les attaques répétées de l'armée israélienne sur des hôpitaux, des ambulances et contre le personnel de santé au Liban, depuis plus d'un an de conflit. Des « crimes de guerre » qui méritent l'ouverture d'une enquête par la Cour pénale internationale (CPI), annonce l'ONG dans un communiqué publié mercredi 5 mars.
Amnesty International en appelle au gouvernement libanais, placé sous la direction du général Joseph Aoun à la présidence, après deux années de vacances. L’ONG a estimé, dans un communiqué dévoilé mercredi 5 mars, que les attaques à répétition de l’armée israélienne contre des ambulances, des secouristes et des établissements de santé au Liban doivent faire l’objet « d’une enquête en tant que crimes de guerre ».
« Le gouvernement libanais doit accepter la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) pour enquêter sur les crimes couverts par le Statut de Rome qui ont été commis sur le territoire libanais, poursuivre leurs auteurs présumés et garantir le droit des victimes à des voies de recours », a ainsi demandé Amnesty International.
Des « attaques illégales » répétées contre des établissements de santé
Un appel qui intervient alors qu’un accord de trêve entre Israël et le Hezbollah a été conclu le 27 novembre 2024, après plus d’un an d’hostilités et deux mois de guerre ouverte. La situation ne s’est néanmoins pas arrangée, alors que le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a annoncé, le 27 février dernier, que l’armée israélienne demeurerait positionnée – « sans limite de temps » – sur au moins cinq points stratégiques en territoire libanais. Son retrait complet du Liban-Sud était pourtant prévu par l’accord de cessez-le-feu. Le 1er décembre, les autorités françaises accusaient déjà l’armée israélienne d’avoir violé le cessez-le-feu à plus de 50 reprises en seulement cinq jours.
Tout au long de ces derniers mois, l’armée israélienne a accusé, sans fournir de preuves, le mouvement libanais d’utiliser des ambulances du Comité islamique de la santé, une association qui lui est affiliée, pour transporter des combattants et des armes. Des accusations que le Hezbollah a toujours démenties. Les « attaques illégales » se sont répétées « contre des établissements de santé, des ambulances et des travailleurs de la santé, qui sont protégés par le droit international », résume Amnesty International, dans son communiqué.
En décembre dernier, le ministre libanais de la Santé, Firass Abiad, a annoncé un recensement de « 67 attaques contre des hôpitaux, dont 40 ont été directement visés ». Le bilan final du gouvernement libanais avait alors atteint les 16 morts causés par l’armée israélienne. « Il y a eu 238 attaques sur des organisations de secouristes, qui ont fait 206 morts », avait-il ensuite ajouté, précisant que 256 véhicules d’urgence, dont des camions de pompiers et des ambulances, avaient également été visés.
L’enquête d’Amnesty International – concentrée sur quatre attaques israéliennes contre des établissements et véhicules de santé à Beyrouth et dans le sud du Liban entre le 3 et le 9 octobre 2024 – révèle que 19 employés de la santé ont été tués, 11 autres ont été blessés et que « plusieurs ambulances, ainsi que deux établissements médicaux », ont été endommagés ou détruits. De plus, « aucune preuve que ces établissements ou véhicules étaient utilisés à des fins militaires au moment des attaques » n’a été confirmée, annonce l’ONG dans son texte.
Malgré des relances d’Amnesty International en novembre 2024, l’armée israélienne n’a pas souhaité répondre aux accusations. « L’armée israélienne n’a pas fourni de justifications suffisantes ni de preuves spécifiques de la présence de cibles militaires aux endroits frappés » pour expliquer ces « attaques répétées, qui ont affaibli un système de santé fragile et mis des vies en danger », a donc conclu Amnesty International. Au total, les autorités libanaises estiment que plus de 4 000 citoyens ont été tués en plus d’un an d’hostilités et que les coûts de reconstruction devraient dépasser 10 milliards de dollars.