8 MAI 1945, un autre anniversaire, en Algérie : le colonialisme transforme une manifestation pacifique pour la liberté en carnage
Publié le par FSC
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mardi 6 mai 2025, par Alger republicain
Le 8 mai 1945 la terrible guerre déclenchée par l’Allemagne nazie prend fin. Le bilan est très lourd plus de 50 millions de morts. Dans le monde entier c’est la joie. On fête en grande pompe la la victoire sur le nazisme et la fin de la tuerie abominable.
Dans notre pays on a fêté aussi la fin de la guerre. Les Européens, qui avaient en grande partie accepté le régime vichyste étalent leur joie. Les Algériens colonisés et enrôlés de force pour participer à la libération de la métropole négatrice de leurs aspirations nationales se préparent à rappeler à leur oppresseur leur droit à l’indépendance. D’importantes manifestations se préparent.
Le 1er mai 1945 les éléments du Parti du Peuple Algérien (PPA) qui veulent faire de cette journée une journée de revendication de l’indépendance prennent la tête de milliers de manifestants qui arpentent la rue d’Isly, devenue depuis l’indépendance Larbi Ben Mhidi. La police tire sur les manifestants. Bilan : 8 morts et des dizaines de blessés.
Mais c’est une semaine après, après la capitulation des nazis qu’à Sétif la répression est féroce, massive, impitoyable. Pour la première fois des pancartes apparaissent avec comme mot d’ordre « indépendance » et aussi des drapeaux avec l’étoile rouge et croissant sur fond vert et blanc flottent au-dessus des manifestations. La marche avait été autorisée par la préfecture dans la mesure où elle devait se limiter à partager la joie des Français libérés du nazisme et de ses collabos. En fait, les colonialistes qui étaient informés de l’effervescence régnant dans les milieux patriotiques algériens avaient tendu un guet-apens pour crever l’abcès.
Ces manifestations et ces slogans politiques ne sont pas sortis par hasard ils sont dus principalement à l’éclatante victoire de l’Armée rouge qui a mis fin à la barbarie nazie et libéré toute l’Europe. Mais à quel prix ? Plus de 27 millions de Soviétiques sont tombés dans les champs de bataille pour chasser l’occupant nazi et, en même temps libéré directement la plus grande partie de l’Europe et indirectement la France, la Belgique, les Pays-Bas, l’Italie, l’armée rouge ayant décimé 80% de l’armée nazie, ce qui a laissé le champ relativement libre au débarquement américain le 6 juin 1944 . L’ Union Soviétique est sortie auréolée d’une notoriété extraordinaire.
Un vent de liberté va souffler dans le monde entier. Pour les peuples colonisés c’est enfin une lueur d’espoir après tant de souffrances et d’humiliations.
La situation politique dans notre pays va changer fondamentalement, d’autant que les mouvements nationalistes se sont intensifiés et se sont renforcés. Des partis anti-colonialistes voient le jour. Le Parti communiste algérien, succédant à la région algérienne du PCF tient son congrès constitutif en octobre 1936 en tant que parti algérien. Le PPA est fondé le 11 Mars 1937 par Messali-Hadj, un dirigeant nationaliste de haut niveau. Le climat politique né de la constitution du Front populaire en France favorise l’ouverture de grosses brèches dans l’infâme Code de l’Indigénat qui interdisait aux Algériens de s’organiser en syndicat ou en parti. Le PPA s’impose très vite comme le premier parti nationaliste. Il prône l’émancipation du peuple algérien. Il sera plusieurs fois interdits et même dissout par les autorités coloniales. Messali-hadj est arrêté et jeté en prison.
Après 1945 le MTLD mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques succède au PPA pour pouvoir participer à la lutte électorale. L’action légale du MTLD fait rapidement de lui le parti nationaliste le plus important avec ses nombreux militants. L’UDMA, Union Démocratique du Manifeste Algérien de Ferhat Abbas, voit le jour pour défendre publiquement une voie réformiste qui condamne la colonisation mais sans aller jusqu’à revendiquer l’indépendance. Elle réclame que l’Algérie soit un État associé à la France. Modeste revendication rejetée par les autorités colonialistes françaises qui ne tolèrent aucune concession si minime soit elle. Elles réagissent par l’arrestation de Ferhat Abbas. L’Association des Oulémas un parti aux fondements religieux , dirigée par Ben Badis jusqu’à sa mort, défend elle aussi des vues réformistes.
Ces partis et organisations vont jouer un rôle politique très important dans la mobilisation politique des masses populaires pour changer la situation.
Le mot tabou« d’indépendance » se fraye son chemin malgré les lois scélérates imposées par la colonisation française, notamment, rappelons le, la loi interdisant aux « indigènes » de se constituer en parti politique, loi déjà ébranlée par le Front populaire en 1936. D’autres contraintes les privent totalement de liberté dans tous les domaines. On peut considérer que c’est une grande victoire de la résistance de notre peuple contre le colonialisme français.
À la veille du 8 mai 1948 le peuple commence à sortir de sa torpeur. En de nombreux endroits du pays les noyaux du PPA popularisent le mot d’ordre d’indépendance. Le peuple algérien réclame haut et fort son dû à la liberté, croyant dur comme fer avoir obtenu se droits du fait que plus de 200 000 de nos compatriotes ont participé militairement à la libération de la France et laissé sur le terrains des milliers de morts et autant de blessés pour la France.
Il faut rappeler quelques fait significatifs incontournables.
C’est à Sétif que les événements prendront de l’ampleur à la suite de la répression. La manifestation est autorisée par la préfecture à condition qu’aucun mot d’ordre politique autre que l’expression de la joie de la libération de la France ne soit arboré. Ce devrait être une manifestation pour célébrer la victoire sur la nazisme. Les préparatifs devraient se faire dans la joie et la « sérénité ».
La manifestation démarre, mais des pancartes apparaissent avec un mot d’ordre « indépendance » et la libération de Messali-Hadj arrêté le 28 avril 1945 puis emprisonné à Brazzaville dans l’ile de Madagascar. De nombreux drapeaux nationaux flottent au dessus des manifestants. Un jeune algérien tient fièrement un drapeau national en tête du cortège. Arrivé à la hauteur du café de France à Sétif, le cortège est stoppé par le commissaire Olivieri et les inspecteurs Laffont et Haas. Ils exigent l’enlèvement de tous les slogans politiques et drapeaux. Les manifestants refusent d’obtempérer. Un inspecteur fou de rage dégaine son arme et se met à tirer. Ses collèges font de même, le jeune algérien en tête du cortège est tué. Il s’appelait Bouzid Saâl et il était âgé de 26 ans. On tire aussi des fenêtres des immeubles. Le cortège se disloque, de nombreux compatriotes tombent, c’est l’émeute. La tuerie a commencé. Les manifestants en colère vont s’en prendre aux Européens croisés dans les rues dans la fuite éperdue. Plus de 100 d’entre eux sont tués et nos compatriotes tombent comme de mouches. Un véritable carnage, c’est la panique généralisée. C’est l’affolement, les autorités coloniales appellent l’armée au secour. L’État de siège est proclamé. La manifestation pacifique s’est transformée en mouvement insurrectionnel et s’étend ensuite dans toute la région. Elle se poursuit plusieurs jours. Ainsi à Kherrata, et à Guelma la révolte des paysans naît de façon spontanée dans l’après-midi lorsque leur parviennent les informations de Sétif. Des groupes d’hommes issus d’une population paysanne misérable et en complet dénuement, armés de quelques fusils, mais surtout d’outils agricoles et d’armes blanches.
Vu la brutalité de l’intervention, d’abord de la police et des milices ultras contre des manifestants et des populations qui n’avaient rien à voir avec ces émeutes, ce fut un véritable massacre. Des miliciens type Ultra ‘’Algérie Française’’ tirent des fenêtres des immeubles.
On peut se poser une question, est-ce que tout ces soi-disant dérapages n’étaient qu’un coup de bluff ou une provocation purement réfléchie des autorités coloniales pour mater toute manifestation qui remet en cause l’oppression coloniale et devient dangereuse pour le pouvoir en place des Cent Seigneurs de la colonisation ? Ces derniers avaient tous collaboré avec Vichy et les nazis. Ils redoutaient d’avoir à rendre des comptes. Il leur fallait un prétexte pour se faire pardonner par les anti-nazis en se présentant comme les défenseurs incontournables du maintien de l’Algérie dans le giron de la France.Comment expliquer l’intervention massive de l’aviation et de la marine, des blindés ? Cela ressemble à une opération prévue bien avant la manifestation de Sétif. Le prétexte était trouvé. Il fallait écraser violemment cette insurrection une fois pour toutes et surtout maintenir la présence française en Algérie coûte que coûte. Cette armada était visiblement disproportionnée mais pas pour les autorités coloniales. Ainsi l’armée pouvait se déchainer sans problème. Car c’est bien un véritable pogrom dûment orchestré par les autorités coloniales qui va se poursuivre pendant plus de dix jours.
L’ordre de déclencher cette terrible boucherie a été donné par le gouvernement français dirigé par le général De Gaulle.
La suite on la connaît, ce fut un véritable pogrom, plus 45 000 morts et autant de blessés.
Nos compatriotes meurtris par cette épouvantable tuerie ont juré que la situation du pays va devenir intenable pour l’occupant.
Le 8 mai 1945 a sonné le glas de la colonisation française dans notre pays.
Les dirigeants nationalistes ont compris que le seul recours pour vaincre le colonialisme français c’est la lutte armée. Malgré cet orgie meurtrière et la souffrances de notre peuple, après 10 ans de lutte intense contre l’occupant, le 1er novembre 1954 c’est enfin le début de la lutte armée. une guerre terrible de 8 ans s’ensuivit pour délivrer notre pays de la domination coloniale et obtenir notre indépendance. L’Algérie enfin libre.
Malgré tant années passées, soit plus de 60 ans, la souffrance de notre peuple est encore vive et ce n’est pas un problème de mémoire comme certains voudraient bien le faire croire. On veut toujours minimiser la folie nauséeuse de l’occupant. Notre peuple n’oublie pas et n’oubliera jamais, c’est un devoir de résistance face à un avenir plus qu’incertain. Notre pays est toujours en première ligne dans le collimateur des grandes puissances impérialistes. Des plans de démantèlement de notre pays existent bel et bien, la vigilance de notre peuple est de mise.
LIÈS SAHOURA