Guerre à Gaza : à Strasbourg des Eurodéputés dénoncent « un génocide aussi occidental et européen »

Publié le par FSC

Jean-Jacques Régibier
L'Humanité du 07 mai 2025

 

Quelques minutes après l’ouverture des portes, plus une seule place n’était disponible dans l’immense salle de la Bourse qui accueillait le meeting de solidarité avec Gaza. JJR

 

En meeting de solidarité avec la Palestine à Strasbourg mardi soir, des députés européens écologistes et de la Gauche dénoncent devant une salle archicomble la complicité de l’Union européenne dans les crimes commis par Israël à Gaza et le nettoyage ethnique en cours.
Tous les députés venus de plusieurs pays d’Europe ont fait part de leur émotion devant l’afflux impressionnant de la foule venue entendre leurs témoignages et leurs informations. Quelques minutes après l’ouverture des portes, plus une seule place n’était disponible dans l’immense salle de la Bourse qui accueillait le meeting.
« Il faut répéter dans n’importe quelle langue qu’il s’agit d’un génocide et pas d’une guerre ! », a scandé Ana Miranda, députée espagnole membre du bloc nationaliste galicien, et membre de la délégation Palestine du parlement européen. Marc Botenga, du Parti du Travail de Belgique, refuse l’argument avancé par certains de ses collègues qui ne veulent pas prendre partie dans le génocide à Gaza au motif que la situation serait compliquée.


« C’est très simple, explique-t-il. Il y a un état qui occupe illégalement un territoire, qui vole et colonise les terres d’un autre peuple et qui massacre ses habitants depuis des décennies, et Netanyahou a annoncé vouloir conquérir Gaza avec un départ volontaire des Palestiniens. On tue vos enfants, on tue vos médecins, vos journalistes, ça n’a rien de volontaire. C’est un nettoyage ethnique. C’est un génocide. 

Rien de tout cela ne serait possible sans le soutien actif de l’Occident. C’est aussi un génocide occidental et européen ! »



Silence coupable


Cette complicité de l’Europe dans les crimes contre l’humanité commis à Gaza est dénoncée par tous les députés européens présents sur scène. Emma Fourreau, du groupe La Gauche, rappelle que le parlement européen a de nouveau refusé qu’un débat sur Gaza ait lieu cette semaine dans l’hémicycle à Strasbourg, après « un an, 10 mois et 15 jours » de massacres, dit-elle.
« Si tout ceci s’était passé dans n’importe quel autre territoire du monde que la bande de Gaza, quelle aurait été la réaction de ceux qui dirigent aujourd’hui l’Europe ? Auraient-ils ignoré ce massacre ? Auraient-ils fermé les yeux de cette manière-là ? Auraient-ils ignoré le droit international ? Auraient-ils refusé de prendre les décisions qui s’imposent ? 

La réponse ce sont les faits qui nous la donnent : il y a eu une quarantaine de résolutions adoptées par le parlement européen à propos de la guerre en Ukraine, et aucune, zéro, pour dénoncer les crimes de guerre à Gaza », constate Manon Aubry, la co-présidente du groupe La Gauche, qui parle du « deux poids, deux mesures insupportables », et du « droit international à géométrie variable ».


Marc Botenga rappelle que la ministre des affaires étrangères de l’UE, Kaja Kallas, a déclaré qu’Israël et l’UE étaient de « bons partenaires », au moment où la Cour pénale internationale demandait l’arrestation de Netanyahou. « Donc la CPI demande l’arrestation de Netanyahou, parle de génocide, et Kaja Kallas parle de bons partenaires. Partenaires en quoi ? En génocide ? En nettoyage ethnique ? En crime contre l’humanité ? C’est ça l’Europe ? », demande le député du PTB, qui ajoute : « On a des relations privilégiées avec le seul État qui viole la Convention de Genève, des dizaines de résolutions des ONU, et la Convention de prévention des génocides. Nos dirigeants ne sont pas dans la facilité et dans l’inaction, c’est faux ! Ils sont complices de manière active. Pourquoi ce 2 poids 2 mesures. Le masque de l’UE est tombé ! », martèle-t-il.

Des armes européennes contre Gaza


Emmanuel Fernandes, député de Strasbourg à l’Assemblée nationale, et membre de la Commission des forces armées, qui participe également au meeting, confirme que selon les données fournies par le ministère des armées sur les exportations d’armes, il y a bien eu des autorisations de vente d’armes de la France à Israël ces dernières années, et que même si ces ventes ont aujourd’hui diminué, en 2024, la France a vendu pour 18 millions d’euros armes de catégorie ML4 regroupant des bombes, des torpilles, des roquettes, des missiles, qui sont des armes létales et des armes offensives.


Même chose pour l’Allemagne qui après une vente record d’armes à Israël en 2023 (326 millions d’euros), et malgré une baisse sensible en 2024, continue à fournir des armes à Israël, à la hauteur approximative des ventes françaises. « Personne ne doit commercer d’armes qu’elles soient offensives ou défensives avec un État qui commet un génocide. On est là sur des pratiques génocidaires qui sont condamnées par le droit international. La France qui est signataire de la Convention sur le génocide, a l’obligation d’agir contre ces massacres », rappelle le député alsacien.


Mounir Satouri, député des Verts, dénonce également l’attitude du gouvernement à l’intérieur même de la France. « Le gouvernement français tente de faire taire et de menacer les associations de solidarité avec la Palestine, comme Urgence Palestine qui est ciblée, comme si les droits humains étaient devenus un crime », dit-il, ajoutant que « la vérité finit toujours par franchir les murs ».
Constatant que l’Union européenne abandonne la politique internationale à Trump, à Poutine et à Netanyahou, la députée belge des Verts, Saskia Bricmont, interroge : « Et que faisons-nous, nous Européens ? Si les droits humains et le droit international ne sont plus la boussole de l’Europe, que nous reste-t-il d’humanité ? », demande la députée européenne.


Manon Aubry insiste aussi sur la nécessité de tenir bon sur le droit international face au génocide commis à Gaza, considérant que « le droit international est la seule ressource de ceux qui n’en ont pas d’autres », et rappelle aussi le silence du parlement européen sur Gaza. « Le groupe la Gauche et les Verts ont été les seuls groupes politiques dans ce parlement européen à porter la voix des Palestiniens. À l’heure où la CPI a été attaquée, pas un seul mot de nos dirigeants européens, pas une seule réaction contre le plan d’extermination massif des Palestiniens pour les chasser de leurs terres », constate la députée de la Gauche.

Journaliste en Palestine pendant 18 ans, ancien fixeur palestinien à Gaza,


Ismaïl Rabah, aujourd’hui réfugié politique à Strasbourg, parle-lui du « pire génocide de ce siècle » et de la façon dont les journalistes ont été ciblés dès le début de l’intervention militaire israélienne à Gaza, ainsi que leurs familles. « Beaucoup de mes collègues ont été tués, les autres ont été évacués et ceux qui sont restés et qui travaillent encore, ne font qu’attendre le moment où leur mort sera prononcée », témoigne-t-il.


« Rien n’est pire pour les parents que de voir leurs enfants qui souffrent parce qu’ils n’ont rien à manger et qu’ils ne peuvent rien faire. Ils se sentent complètement démunis face à cette situation de ne rien pouvoir faire non plus si leur enfant est blessé et s’il y a une urgence, parce que les hôpitaux ne sont plus en état de fonctionner », dit le journaliste palestinien, avant d’en appeler à la foule des participants au rassemblement de Strasbourg qui n’ont pas ménagé leur soutien enthousiaste aux propos tenus par les députés européens pendant toute la soirée. « Je voudrais me faire ce soir devant vous, le porte-parole de tous mes collègues : sauvez ce qui reste du peuple palestinien », dit-il.

 

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