Guerre à Gaza : Benyamin Netanyahou prépare l'annexion
Christophe Deroubaix
L'Humanité du 18 mai 2025
De plus en plus isolé diplomatiquement, le premier ministre israélien a lancé, ce week-end, une nouvelle phase de son plan visant à vider le territoire palestinien de ses habitants.
Comme une répétition macabre. Le gouvernement israélien annonce une nouvelle offensive puis son intensification. Après trente-six mois de conflit, l’objectif affiché demeure de « vaincre » le Hamas mais apparaît de plus en plus comme le prétexte à une guerre aussi totale que sans fin.
Puis la litanie des morts : la défense civile locale a annoncé dimanche 18 mai la mort d’au moins 50 Palestiniens, la plupart des enfants, dans des frappes israéliennes dans la bande de Gaza. Parmis eux, plus de 20 personnes ont été tuées et une centaine d’autres blessées « dans des frappes israéliennes sur des tentes de déplacés dans la zone d’Al-Mawassi (à Khan Younès, dans le sud du territoire palestinien – NDLR) », a annoncé le porte-parole de cette organisation de premiers secours, Mahmoud Bassal.
D’autres bombardements ont été menés dans le nord du territoire palestinien, où au moins sept personnes sont mortes dans un raid ayant visé une maison à Jabaliya. Les victimes dominicales viennent alourdir un bilan de 53 272 Gazaouis tués, en majorité des civils, selon les dernières données du ministère de la Santé du Hamas, que l’ONU juge fiables.
Vers une annexion de Gaza ?
Quand les bombes ne tuent pas, c’est la faim organisée qui fait son œuvre. Depuis le 2 mai, le gouvernement Netanyahou bloque l’entrée de toute aide humanitaire dans la bande de Gaza et provoque ainsi une situation de famine pour une part importante de la population.
Cette nouvelle étape soulève plusieurs questions. La première tient à la nature de la nouvelle offensive décrétée par Benyamin Netanyahou. L’armée israélienne est chargée de « prendre le contrôle de zones » de Gaza dans le cadre du plan annoncé début mai pour « la conquête » de ce territoire prévoyant le déplacement de la plupart des habitants vers l’extrême sud du territoire.
Cela conduira-t-il à une occupation militaire générale de la bande, voire à son annexion, comme en rêve l’extrême droite, partie prenante de la coalition au pouvoir ? Il est évidemment trop tôt pour l’affirmer. Selon des informations publiées par le journal britannique Sunday Times, Israël prévoit une réoccupation partielle avec trois bandes de terre séparées et délimitées par quatre zones contrôlées par l’armée.
Un isolement d’Israël croissant mais improductif
Cette accélération voulue par le premier ministre israélien peut aussi être vue comme une réponse à l’intensification des critiques internationales. « À Gaza, la situation des Palestiniens est indescriptible, plus qu’atroce et plus qu’inhumaine », a fustigé le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, tandis que le président du Conseil européen, Antonio Costa, s’est dit « choqué par l’actualité à Gaza ». Ça, c’est pour le constat. Les appels à des mesures de pression concrètes se font plus pressants que jamais. Le premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a appelé à « intensifier notre pression sur Israël pour arrêter le massacre à Gaza ». Même invocation lors d’un sommet arabe qui s’est déroulé à Bagdad (Irak), samedi.
Dans sa déclaration finale, les participants réclament des pressions internationales accrues pour stopper « l’effusion de sang » à Gaza et appellent la communauté internationale à financer un plan arabe de reconstruction du territoire palestinien. Pour l’instant, aucun pays ou entité de pays (on pense ici à l’Union européenne) n’a réellement mobilisé de moyens de pression efficaces.
Si l’isolement croissant d’Israël sur la scène internationale est incontestable, il s’avère aussi, pour l’instant, improductif. Les opérations à Gaza ont, en outre, l’avantage pour le premier ministre israélien d’y fixer l’attention de la « communauté internationale » et de détourner le regard de la Cisjordanie, où la colonisation se poursuit, jour après jour, avec la perspective d’une annexion pure et simple.
La seconde question renvoie à l’attitude des États-Unis. Lors de sa récente tournée au Moyen-Orient – sa première sortie à l’étranger depuis son retour à la Maison-Blanche –, Donald Trump a décidé de ne pas se rendre en Israël afin de rencontrer Benyamin Netanyahou. Ce dernier a également constaté, avec amertume, que le président américain avançait indépendamment certains de ses pions. À titre d’exemple : la rencontre avec le nouvel homme fort de la Syrie, Ahmed Al Charaa, et la levée des sanctions ne correspondent pas à la ligne de la coalition au pouvoir à Tel-Aviv, qui a multiplié les opérations militaires sur le sol syrien depuis la chute du régime de Bachar Al Assad.
Un plan américain pour expulser un million de Gazaouis en Libye
Faut-il y voir pour autant une prise de distance voire un découplage ? Si Donald Trump n’évoque plus la transformation de Gaza en « Riviera du Proche-Orient », Benyamin Netanyahou a pris ce projet délirant pour ce qu’il était : un feu vert à la prise de contrôle totale de la bande et l’expulsion de ses habitants. En tentant, de Riyad à Doha, de maintenir deux fers au feu, le président américain n’a pour autant porté aucune atteinte à la stratégie fondamentale du premier ministre israélien, à savoir la négation des droits des Palestiniens à l’autodétermination et donc à disposer d’un État souverain.
Le soutien inconditionnel de l’administration Trump peut aussi se lire dans l’échange téléphonique entre Marco Rubio, le secrétaire d’État, et Benyamin Netanyahou. Le premier a rappelé que Washington était favorable à un cessez-le-feu mais a rendu le Hamas responsable de son impossibilité, soit précisément la thèse de Tel-Aviv. Le chef de la diplomatie américaine a refusé de commenter l’opération d’envergure déclenchée ce week-end, ce qui revient à acquiescer. Washington ira-t-il plus loin en prêtant main-forte au projet de nettoyage ethnique des autorités israéliennes ?
C’est ce qu’a affirmé ce week-end CBS. Selon la chaîne américaine, qui s’appuie sur cinq sources différentes, l’administration Trump travaille sur un plan visant à expulser un million de Palestiniens de Gaza jusqu’en Libye. L’ambassade des États-Unis à Tripoli a démenti ces informations folles qui ne visent, peut-être, qu’à justifier un projet ultérieur un poil moins furieux mais tout autant funeste pour les Palestiniens.