Bombe nucléaire iranienne : les mensonges de Netanyahou pour justifier la guerre
L'Humanité du 18 juin 2025
Le Premier ministre israélien multiplie les affirmations depuis trente ans sur une arme nucléaire iranienne imminente, malgré de nombreux démentis. Les divers services de renseignements ont encore répété cette semaine ne disposer d’aucune preuve. Une intox qui rappelle celle de Colin Powell en 2003 avant l’invasion de l’Irak.
« La date limite pour atteindre cet objectif approche à grands pas », assène Benyamin Netanyahou, à propos du programme nucléaire iranien et le développement de sa possible arme. C’était en octobre 1996 et le Premier ministre israélien répétait déjà devant les sénateurs et représentants des États-Unis : « Elle est vraiment proche. » Un vrai travail de longue haleine du dirigeant israélien qui affirme que Téhéran veut absolument fabriquer des armes nucléaires depuis trente ans. Cette fois, Benyamin Netanyahou a franchi le pas en déclenchant de manière unilatérale une guerre contre l’Iran sans preuve.
Il a été Premier ministre d’Israël à de nombreuses reprises (1996-1999, 2009-2021, 2022-2025) et « la menace iranienne », comme il l’appelle, est l’un des piliers de sa politique étrangère. Dès son premier mandat, le dirigeant du Likoud jette les bases de sa rhétorique devant le Congrès américain qu’il avertit de ce qu’il prétend être une volonté iranienne d’utiliser le nucléaire à des fins militaires. Aidé en ce sens par les déclarations fracassantes du régime des mollahs et les zones d’ombre entretenues de son programme nucléaire.
Un projet d’intervention dès 2009
Même lorsqu’il n’est plus à la tête du gouvernement, Netanyahou intervient dans les débats géopolitiques. Ainsi, fin 2002, le monde entier voit poindre avec inquiétude une nouvelle guerre au Moyen-Orient. En Irak celle-là. Colin Powell, alors secrétaire d’État, avait faussement prétendu à l’ONU que Bagdad détenait des armes de destruction massive. L’aboutissement de mois de préparation de l’opinion publique afin que celle-ci considère la guerre comme nécessaire. Netanyahou prend sa part et affirme, en septembre 2002, que « l’Iran dépasse l’Irak dans le développement des systèmes balistiques, qu’ils espèrent atteindre la côte est des États-Unis d’ici quinze ans ».
De retour au pouvoir, en 2009, punir l’Iran devient son mantra international. L’ancien ministre de la Défense, Ehud Barak, a révélé qu’en 2010 lui et Netanyahou avaient envisagé de frapper les installations nucléaires iraniennes de Natanz et Fordo. Un projet abandonné par manque de moyens opérationnels. En 2011, un projet similaire est mis sur la table mais refusé par deux ministres. En 2012, le gouvernement israélien tente encore mais il est retoqué par les États-Unis eux-mêmes, engagés dans des discussions sur le nucléaire iranien.
À l’Assemblée générale des Nations unies, en septembre 2012, il monte à la tribune en amenant avec lui un panneau sur lequel est dessinée une bombe. Celle des bandes dessinées d’autrefois, une sphère qui se rétrécit en son sommet d’où sort une mèche. Sur l’estrade onusienne, qu’il affectionne particulièrement, Netanyahou – qui est en réalité lui-même un docteur Folamour d’un pays possédant l’arme nucléaire secrètement – tance l’assistance internationale. « D’ici le printemps prochain ou au plus tard l’été prochain (…) ils auront fini l’enrichissement et passeront à l’étape finale », explique-t-il en traçant une ligne en rouge, à 90 %. « À partir de là, il ne reste que quelques mois, possiblement quelques semaines, avant qu’ils n’obtiennent suffisamment d’uranium enrichi pour la première bombe. » En toute logique, le dirigeant israélien affirme que seul un « danger militaire crédible » pourra mettre en échec cette tentative du pouvoir iranien.
Une menace imminente répétée durant vingt ans
En juillet 2015, la signature par l’Iran et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (Chine, France, Russie, Royaume-Uni et États-Unis), plus l’Allemagne et l’Union européenne, d’un accord sur le nucléaire, représente une véritable claque pour Israël. Le Premier ministre n’avait-il pas mis en garde une nouvelle fois le Congrès américain en mars de cette même année, sentant bien qu’un accord – qu’il qualifiait déjà d’« erreur historique » – était imminent ?
« Le principal sponsor du terrorisme mondial pourrait être à quelques semaines d’avoir assez d’uranium enrichi pour tout un arsenal d’armes nucléaires », croit-il savoir. Mais, six mois plus tard, le même explique encore que cela « placerait un régime terroriste islamique radical à quelques semaines d’avoir le matériel fissile pour tout un arsenal de bombes nucléaires ». Il prévient que son pays n’exclut pas d’intervenir même sans le feu vert de Washington.
Ses craintes n’auront pas duré très longtemps puisqu’en 2018, Donald Trump retire les États-Unis de cet accord. Après une courte absence du pouvoir qu’il quitte en 2021 pour revenir en décembre 2022, fort de sa coalition avec l’extrême droite, il annonce vouloir « neutraliser » le programme nucléaire iranien.
La simple répétition pendant près de vingt ans d’une fabrication « imminente » par Téhéran d’une bombe atomique, devrait annihiler un tel argument. D’autant plus que plusieurs déclarations, et non des moindres, montrent qu’il s’agit surtout de propagande visant à obtenir de la communauté internationale et des États-Unis un ordre de mission pour intervenir militairement en Iran. Ce qu’il a réellement obtenu.
S’exprimant jeudi soir, peu après le début de l’attaque contre l’Iran, il a affirmé que ces derniers mois, Téhéran avait pris des « mesures sans précédent pour militariser » son important stock d’uranium enrichi. Ce qui, selon lui, indiquerait que l’Iran est en train de développer une arme nucléaire qui pourrait être prête à être utilisée contre Israël « en quelques mois », l’obligeant ainsi à frapper « de manière préventive ». La boucle serait ainsi en quelque sorte bouclée.
Selon le site SpyTalk, Susan Miller, une haute fonctionnaire de la CIA récemment retraitée qui a été cheffe de la station de l’agence en Israël, a déclaré vendredi que « ses enquêtes auprès des responsables actuels du renseignement n’avaient révélé aucun changement dans l’évaluation de longue date de la menace par la communauté du renseignement américain », selon laquelle l’Iran ne se précipite pas pour se doter de l’arme nucléaire malgré son enrichissement d’uranium. « Ils ne développent pas de bombe en ce moment », a poursuivi Susan Miller dans un SMS à SpyTalk.
En mars dernier, la directrice du renseignement national américain, Tulsi Gabbard, a rappelé que la communauté du renseignement – et donc la CIA – avait estimé que « l’Iran ne construisait pas d’arme nucléaire et que le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, n’avait pas autorisé le programme d’armement nucléaire qu’il avait suspendu en 2003 ». Ce qui n’a pas empêché Donald Trump de la contredire. Lors de son retour à Washington après son départ précipité du sommet du G7 au Canada, des journalistes ont demandé à Trump s’il pensait que Téhéran était proche de se doter de l’arme nucléaire. « Très proche », a-t-il répondu. Une affirmation pourtant balayée par les experts. « Nous ne sommes pas en capacité de dire que l’Iran fait un effort vers la fabrication d’une arme nucléaire », a confirmé, mardi, à la chaîne CNN, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi.
Une situation régionale favorable
Que les États-Unis entrent directement dans la guerre ou, compte tenu de la fracture qui se fait jour dans le camp Trump des Make America Great Again (Maga) sur l’opportunité de participer à un conflit étranger, se contentent de soutenir Israël en fournissant armes, soutien logistique et renseignements, le résultat aboutit à la même déstabilisation de la région et du monde. « Les Américains doivent savoir que toute intervention militaire de leur part entraînera assurément des dégâts irréparables », a fait savoir l’ayatollah Khamenei. Et quoi qu’il advienne, une fois de plus, le mensonge est utilisé comme une arme de destruction massive des relations internationales, des pays et des peuples.
Le Premier ministre israélien reproche avant tout à la République islamique d’avoir détruit les liens politiques et économiques qui liaient Israël et l’Iran du chah. Face à la normalisation recherchée avec les pays arabes, et à la poursuite de l’occupation, de la colonisation et de l’annexion des territoires palestiniens, Téhéran – qui a érigé Israël au rang d’ennemi juré numéro 1 – demeure le seul pays à refuser toute concession aux crimes de Tel-Aviv.
L’isolement de l’Iran, suite aux coups portés au Hamas et au Hezbollah libanais, ainsi que la fin de la dictature de Bachar Al Assad offrent à Netanyahou une nouvelle donne régionale pour passer à l’acte au mépris du droit international.