Torpilles contre le droit, la diplomatie et la paix
Francis Wurtz
L'Humanité du 28 juin 2025
« C’est une menace directe à la paix et à la sécurité du monde » : Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, s’est exprimé clairement aussitôt après les raids scélérats de Donald Trump – devenu l’obligé de Benyamin Netanyahou – sur les principaux sites nucléaires iraniens. Pour la présidente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), la Suissesse Mirjana Spoljaric, l’escalade militaire au Moyen-Orient « risque de plonger la région – et le monde – dans une guerre aux conséquences irréversibles. (Or) le monde ne peut pas absorber une guerre illimitée ». Le cri d’alarme des organisations internationales fut d’emblée d’une clarté aveuglante.
À l’opposé, l’histoire retiendra de ces journées noires que les principales puissances occidentales ont soit, comme les États-Unis, directement contribué à réaliser le rêve funeste du criminel de guerre israélien, soit, comme l’Europe, scandaleusement validé sa « guerre préventive » aux conséquences incalculables. On n’oubliera pas les propos honteux du chancelier allemand remerciant Netanyahou d’avoir « fait le sale boulot à notre place ».
Ceux du président français soulignant que les frappes israéliennes sur l’Iran (pourtant clairement reconnues par notre ancien ambassadeur à l’ONU Gérard Araud comme une « violation grossière du droit international » ) « ont des effets qui vont dans le sens recherché ». Ceux du premier ministre britannique reconnaissant aux États-Unis le mérite d’avoir « pris des mesures pour atténuer la menace » nucléaire iranienne, ou encore ceux de la présidente de la Commission européenne répétant, à propos de l’attaque de Netanyahou contre l’Iran, l’antienne du « droit d’Israël à se défendre »…
Le fait que le régime iranien soit obscurantiste, théocratique et dictatorial ne légitime en rien l’ode netanyaho-trumpiste à la « paix par la force », au mépris du droit international et au prix du torpillage de négociations en cours. Pas plus à Téhéran qu’à Bagdad ou à Tripoli on n’exporte la démocratie par la guerre. Loin de libérer le peuple iranien de ses tyrans, la pluie de missiles israéliens avait tué des civils iraniens par centaines avant même l’entrée en guerre de Washington. Il n’y a donc ni de « mais » ni de « si » : la guerre israélo-américaine est une faute impardonnable au regard du droit, de la diplomatie et de la paix.
L’Europe devrait être la première à défendre cette position, elle qui avait, en coopération avec le président Obama, travaillé avec succès à l’accord de Vienne en 2015, obtenant du même régime iranien l’engagement de respecter des normes d’enrichissement de l’uranium rendant impossible la fabrication d’une bombe atomique. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) était autorisée à effectuer les contrôles nécessaires et avait confirmé le plein respect de ces limites par les autorités du pays. En retour, les sanctions économiques frappant durement l’Iran devaient être levées. Trump, déjà lui, en décida autrement en 2018, en jetant unilatéralement l’accord aux orties. L’Europe s’est, dans les faits, résignée. Et voilà la guerre. Quelle terrible leçon.