TRUMP NETANYAHOU : semaurs de chaos et d'incertitude

Publié le par FSC

Axel Nodinot
L'Humanité du 22 juin 2025

 

Le détroit d'Ormuz, seule porte de sortie du golfe Persique, voit passer entre 30 et 40 % du trafic mondial d’or noir.© REUTERS/Hamad I Mohammed

 

Le détroit d'Ormuz voit passer environ un tiers des navires pétroliers du monde. En pleine escalade, sa fermeture est une menace brandie par Téhéran… Mais aussi par Washington et Israël, comme un nouveau prétexte belliciste.
Les conséquences seraient énormes. Si grandes que, pour prendre une telle décision, l’Iran doit être au pied du mur. Et ce dernier se rapproche. Après plus d’une semaine de bombardements israéliens, rejoints par des missiles états-uniens, les deux alliés ne cachent pas leur volonté de renverser le régime iranien.
Alors, ce week-end, Sardar Esmail Kowsari, élu de Téhéran au Parlement et membre des gardiens de la révolution, a franchi le pas : « L’Iran envisage de bloquer le détroit d’Ormuz dans le golfe Persique, par lequel transitent plus de 17 millions de barils de pétrole chaque jour ». Dimanche après-midi, le Parlement a justement approuvé cette mesure, qui doit être validée par l’exécutif.


Si ce n’est pour l’instant qu’une menace, elle a de quoi effrayer le capital international : le détroit d’Ormuz, seule porte de sortie du golfe Persique, voit effectivement passer entre 30 et 40 % du trafic mondial d’or noir. Si des alternatives sont mises en place, la majorité de la production des pays pétroliers – Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Koweït, Irak, Qatar notamment – passe par là. En cas de blocage, les pays asiatiques et européens seraient les premiers touchés. L’Inde dépend à 60 % des hydrocarbures de la région, comme le Japon ou la Corée du Sud. Pour l’Union européenne, c’est environ 45 %, quand la Chine y importe 37 % de son énergie.

Une option parmi d’autres
Les manques seraient d’autant plus forts que les prix du pétrole exploseraient. Avant la première attaque israélienne sur le sol iranien, le 13 juin, le baril s’affichait à 65 dollars. Le lundi 16, il coûtait 71 dollars, avant d’atteindre 75 dollars jeudi 19 juin. Cette instabilité dans le secteur de l’énergie se couplerait à une crise économique pour les pays exportateurs du golfe. L’Iran compris, puisque les ventes de pétrole ne représentent rien de moins que 80 % du budget de la République islamique. Cette dernière pourrait sûrement laisser passer quelques cargos, mais la plupart d’entre eux chargent sur Kharg, une île aux allures de plateforme pétrolière en plein cœur du golfe, bien en amont du détroit d’Ormuz.
Enfin, il est à noter que la convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 (CNUDM) interdit la « fermeture unilatérale des détroits internationaux ». Mais la charte des Nations unies interdit aussi de viser des sites nucléaires. Et de tuer des civils. Si Israël et les États-Unis ne respectent pas le droit international, l’Iran pourrait s’en affranchir aussi.
Téhéran se réserve le droit d’envisager « toutes les options pour défendre sa souveraineté, ses intérêts et son peuple », a rappelé ce dimanche le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi. D’autant que ni Téhéran, ni Tel-Aviv, ni Washington n’ont ratifié la CNUDM.
Dans les deux camps, la menace de blocage est brandie pour effrayer les armateurs et les multinationales. D’un côté pour réclamer un cessez-le-feu d’Israël, de l’autre pour justifier les bombardements sur l’Iran, au nom de la bonne santé du commerce mondial. Donald Trump continue pourtant d’imposer des sanctions économiques à des dizaines de pays dans le monde, dont l’Iran.
Lors de son premier mandat, le président états-unien était sorti unilatéralement de l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA) signé en 2015. Téhéran avait alors menacé de bloquer Ormuz, ce qui provoqua, début 2020, le déclenchement de l’opération de surveillance « Sentinel » des États-Unis dans le golfe, suivi de ses affidés européens, France et Allemagne en tête. Cette menace avait aussi été brandie en 2011, lorsque les pays occidentaux envisageaient – déjà – des sanctions contre le programme nucléaire iranien.

Appel unanime au calme
Cette fois, l’Iran devra peut-être se résoudre à passer à l’acte, impuissant face aux administrations Netanyahou et Trump qui agissent en toute illégalité. Mais s’il demeure important, le levier du contrôle du détroit l’est de moins en moins. Au fil des années, les États du golfe ont tout fait pour être moins dépendants d’Ormuz. Les Émiratis et les Omanais, notamment, ont construit de grands ports donnant sur le golfe d’Oman, plus à l’est. Quant aux Saoudiens, ils font aussi transiter leur pétrole par des oléoducs qui débouchent sur la mer Rouge.
Malgré cela, les pays importateurs seront touchés. D’où l’appel unanime au calme, ce dimanche 22 juin, de la part des chancelleries. Pékin « appelle toutes les parties impliquées dans le conflit, et tout particulièrement Israël, à un cessez-le-feu aussi vite que possible », a répété le ministère chinois des Affaires étrangères. Qualifiée de « soutien de l’Iran » par les Occidentaux, la Chine demeure certes son premier partenaire commercial, mais a énormément diversifié ses alliances, ce qui lui a notamment permis de s’opposer frontalement au chantage douanier de Donald Trump.
Condamnant les attaques israéliennes et américaines, l’administration Xi ne veut pas non plus s’engager trop en avant au Moyen-Orient, fidèle au droit international et à sa diplomatie de non-ingérence. Elle devra redoubler d’efforts pour gagner à ce jeu contre des adversaires qui en ignorent les règles.

 

 

 

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