Sira Rego : « La pression internationale doit être plus vigoureuse contre les génocidaires à Gaza »
L'Humanité du 28 septembre 2025
Alors que son pays a reconnu l’État de Palestine depuis l’année dernière, la ministre espagnole de la Jeunesse et de l’enfance Sira Rego réclame beaucoup plus d’ambitions à la communauté internationale avec la mise en place de sanctions contre Israël, et un isolement diplomatique.
Critique des positions tièdes – « pour ne pas dire honteuses » de l’Union européenne, la ministre espagnole de la Jeunesse et de l’enfance, Sira Rego souhaiterait bientôt voir la communauté internationale passer à l’action face au gouvernement de Benyamin Netanyahou.
D’origine palestinienne, la ministre, qui s’est récemment vue interdire l’entrée en Israël (avec la ministre du Travail et seconde vice-présidente Yolanda Díaz) suite aux nouvelles mesures annoncées par le gouvernement espagnol « pour mettre fin au génocide à Gaza », était le vendredi 12 septembre à la Fête de l’Humanité. Entretien.
Cela fait déjà plus d’un an que le gouvernement de coalition dont vous faites partie a reconnu l’État de Palestine. À quoi sert réellement cette reconnaissance ? Est-ce seulement un acte symbolique ?
Sira Rego
Quand nous sommes face à l’anéantissement d’un peuple, face à un génocide, une épuration ethnique, face aux récentes déclarations (du Premier ministre israélien) Benyamin Netanyahou visant à raser Gaza, à l’occuper ou à l’annexer, cette reconnaissance a une certaine valeur politique mais elle a surtout une valeur symbolique. Mais parler de la reconnaissance de l’État palestinien est peut-être aussi l’occasion de redonner la parole au peuple palestinien.
Pensez-vous que le fait que de nouveaux pays se joignent à cette reconnaissance contribuera à encourager davantage d’actions en faveur de la Palestine au niveau international ?
Sira Rego
La reconnaissance en soi ne suffit pas. J’insiste : elle a une valeur symbolique, elle a une certaine valeur politique, mais tout est loin d’être suffisant. La communauté internationale doit se montrer beaucoup plus audacieuse dans ses positions face au génocide qui est en cours à Gaza.
Il y a longtemps qu’une série de sanctions contre Israël aurait dû être mise en place, ainsi qu’un isolement diplomatique. La pression politique et internationale devrait se concentrer sur la manière d’isoler les génocidaires et sur la manière de mettre en place un corridor humanitaire, c’est-à-dire sur la manière dont nous pouvons aider le peuple palestinien.
La reconnaissance de l’État palestinien est une étape, un geste, mais nous devons être beaucoup plus ambitieux et cela passe par des sanctions de toutes sortes, par la rupture des relations à tous les niveaux, par la suspension de l’accord entre l’Union européenne et Israël. La pression internationale doit être plus forte.
Dans un récent entretien à l’Humanité, l’ancien chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, dénonçait la « soumission totale des Européens au président Trump ».
Sira Rego
Je suis d’accord pour dire que l’Union européenne n’a pas de voix autonome ; ses positions sont davantage liées à d’autres intérêts et je les qualifierais de trop tièdes, pour ne pas dire honteuses.
L’UE a dû attendre que le bilan des personnes tuées par Israël dépasse les 65 000 pour commencer à envisager la possibilité de suspendre partiellement l’accord d’association.
Cela est peut-être en partie dû aux efforts de l’Espagne, qui fait pression (depuis février 2024, NDLR) en ce sens au sein des institutions européennes. Mais il ne fait aucun doute que le principal moteur est la pression populaire, les mobilisations sociales massives dans tous les pays européens. Cette voix du peuple s’élève pour dire qu’il n’est pas prêt à accepter le génocide.
Il reste encore beaucoup à faire pour rompre les relations commerciales, et encore plus pour parvenir à une suspension en matière de commerce d’armement. Il semble que les institutions européennes et de nombreux gouvernements du continent n’écoutent pas ce qui se passe dans leurs rues.
Le gouvernement espagnol vient d’annoncer neuf nouvelles mesures contre le génocide perpétré par Israël. Qu’est-ce qui fait aujourd’hui de l’Espagne le principal critique du gouvernement Netanyahou en Europe ?
Sira Rego
Historiquement, l’Espagne a toujours été un pays très pro-palestinien. Il est vrai que notre population est très mobilisée autour de cette cause. Et il est également vrai que nous faisons partie d’une coalition gouvernementale, un espace politique qui rassemble les forces de gauche au sein du gouvernement du pays.
Je milite moi-même au sein du Parti communiste espagnol et de la Gauche unie, et nous défendons historiquement une position claire et ferme de soutien à la cause palestinienne et au droit des Palestiniens à être et à exister en tant que peuple. Notre action et notre vigilance sont permanentes au sein du gouvernement, depuis le début de ce génocide, pour nous y opposer.
Nous disons souvent que (notre camp politique est) au gouvernement pour améliorer la vie des gens et pour défendre les droits à tous les niveaux, qu’il s’agisse des droits de notre peuple comme des droits humains dans le monde entier. Nous continuerons de nous battre pour le peuple palestinien. Le gouvernement agit de manière concertée, mais disons que la présence d’une force de gauche qui fait pression et pousse fortement (en faveur de la cause palestinienne) a logiquement un poids spécifique.
