Flottille Global Sumud : « Israël n’a aucun droit sur l’espace maritime qui est adjacent aux côtes de Gaza », rappelle Raphaëlle Maison
L'Humanité du 1er octobre 2025
Pour Raphaëlle Maison, professeure à l’université de Saclay, l’interception de la flottille constitue une nouvelle violation, par Israël, des règles du droit international.
Les autorités israéliennes ont intercepté la flottille pour Gaza. L’aide humanitaire qu’elle destinait aux Gazaouis ne sera donc pas distribuée. Que dit le droit international sur un tel acte ?
Raphaëlle Maison
Ce qui vient de se passer est tout à fait illégal. Le principe qui régit la haute mer est celui de la liberté et notamment la liberté de navigation.
Dans cet espace qui ne peut être approprié, toute attaque à l’encontre d’un navire est proscrite. C’est ce qu’impose le droit coutumier, en s’appuyant sur une pratique vieille de plusieurs siècles, codifiée et acceptée par tous.
C’est aussi ce que dit la convention des Nations unies sur le droit de la mer, dite convention de Montego Bay, signée en 1982, qui définit un peu plus précisément les différentes zones maritimes. Ces deux sources de droit sont formelles : la haute mer est un espace libre.
Existe-t-il des exceptions à ce principe de liberté ?
Raphaëlle Maison
Il existe une exception principale où les États peuvent exercer des pouvoirs de police en haute mer sur des navires qui ne sont pas les leurs, c’est le cas de la piraterie.
Dans cette configuration, les États peuvent arraisonner le navire pirate, en prendre le contrôle, arrêter les pirates et mêmes les juger devant leurs propres tribunaux. Cela s’est d’ailleurs produit en France, où des pirates somaliens ont été jugés. La flottille pour Gaza ne relève évidemment pas de la piraterie.
Il y a quelques mois, Israël a intercepté un navire humanitaire sur lequel avait notamment pris place la militante écologiste Greta Thunberg. Les membres de la flottille savaient qu’ils couraient un risque à leur tour, et Tel-Aviv n’a d’ailleurs pas caché ses intentions à cet égard. Le droit, une nouvelle fois, a été piétiné ?
Raphaëlle Maison
Oui, il s’agit clairement d’une nouvelle violation du droit international. Relevons d’ailleurs que l’État d’Israël n’ayant aucun titre de souveraineté sur Gaza, il n’en a pas plus sur son territoire maritime, qui relève de la Palestine. Il n’a aucun droit sur l’espace maritime qui est adjacent aux côtes de Gaza.
La mer qui jouxte l’enclave palestinienne n’est pas israélienne et Tel-Aviv ne peut s’y prévaloir de la moindre souveraineté. Il faut aussi noter que l’objectif de la flottille était de briser le blocus imposé par Israël à Gaza en acheminant, sur place, des vivres et des médicaments.
Or, dans son ordonnance du 28 mars 2024, la Cour internationale de justice (CIJ), se basant sur la Convention sur la prévention et la répression du génocide, exigeait d’Israël qu’il cesse d’entraver l’aide humanitaire à Gaza. Le gouvernement de Benyamin Netanyahou, en empêchant la flottille de mener à bien sa mission, enfreint cette ordonnance.
Les membres de la flottille ont d’ailleurs fait ce que les États eux-mêmes auraient dû tenter : forcer le blocus illégal de Gaza. Car pèse sur les États une obligation de prévenir le génocide, de ne pas s’en rendre complice, de ne pas y participer.
Au regard du jusqu’au-boutisme d’Israël, les membres de la flottille risquent-ils gros ?
Raphaëlle Maison
Oui. On ne peut pas exclure qu’il soit porté atteinte à leur vie, ou à leur intégrité physique, cela s’est déjà produit en 2010. Israël avait lancé des commandos de marine en haute mer, contre une flottille de six bateaux dirigée vers Gaza.
Neuf militants avaient été tués par les forces israéliennes sur le Mavi Marmara. On peut craindre des détentions arbitraires, que ce soit sur les bateaux de la flottille ou en territoire israélien. Elles pourraient être accompagnées de violences, comme l’a annoncé Itamar Ben Gvir, le ministre de la Sécurité nationale israélien.
En fait, tout peut se passer, et quoi qu’il arrive, dès qu’Israël aura intercepté leurs bateaux, tout acte de violence ou toute détention pourra être considéré comme illégal. Les membres de cette flottille prennent de gros risques et on doit saluer leur courage.
Que peuvent-ils espérer des pays dont ils sont les ressortissants ?
Raphaëlle Maison
Seize États, parmi lesquels le Mexique, le Brésil, l’Afrique du Sud ou encore l’Espagne, ont déclaré leur soutien à la flottille et prévenu qu’ils considéreraient comme illégales toute attaque contre les navires ou toute violation des droits des personnes se trouvant à leur bord.
La Grèce, l’Italie et l’Espagne ont aussi envoyé des navires militaires pour prêter assistance aux personnes qui se trouveraient en danger. Un certain nombre d’États ont donc pris publiquement le parti d’une forme d’assistance, qui reste toutefois limitée.
Mais une fois que les personnes se trouvant à bord seront arrêtées par les autorités israéliennes ? Chaque État devra assister ses propres ressortissants. La France a promis aux siens une protection consulaire, ce qui est le minimum attendu.